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D’où vient cette discipline ?

La technologie au collège est introduite en 1962 par Jean Capelle, d’abord à l’essai dans les classes de 4ème. A cette époque, l’enseignement de la technologie est avant tout un enseignement technique, privilégiant l’analyse mécanique et le dessin industriel.
En 1970, cette discipline est rendue obligatoire dans toutes les classes de 4ème.
A la rentrée scolaire 1974, un changement de nom fait apparaître l’Education Manuelle et Technique (EMT). Il est vrai que nous sommes dans un contexte de revalorisation du travail manuel, Les activités sont différenciées selon le sexe de l’élève : des activités de couture et de cuisine sont proposées aux les filles, des activités consistant à travailler le bois et le métal aux garçons.
En 1982, dans le cadre de la rénovation des collèges, le rapport de mission Legrand insiste sur la place importante de l’enseignement technique destiné à tous les élèves de tous les niveaux de collège. Le rapport de mission sur la rénovation des collèges en décembre 1982 propose « d’ouvrir l’enseignement général à la culture technique et au monde ».

Ce rapport est repris par l’Inspecteur Général Géminard, qui présidera la Commission Permanente de Réflexion sur l’Enseignement de la Technologie (la COPRET). Cette dernière fera des propositions qui vont constituer les textes fondateurs de cette nouvelle discipline On peut dire que la COPRET a jeté les bases de l’enseignement de la technologie.
Un extrait des Cahiers de l’Education Nationale de décembre 1983 explique qu’il s’agit « de mettre en place un enseignement qui permette l’acquisition d’une démarche habituant l’élève à un va et vient constant entre théorie et pratique, pensée et action en mobilisant des éléments de connaissances appartenant à des disciplines différentes en vue de la résolution des problèmes réels que pose la réalisation d’un projet ».
Depuis 1985, une démarche de mise au point, d’ajustements par rapport à des dérives constatées sur le terrain, aboutit en 1995, à de nouveaux programmes de technologie.
On se surprenait à rêver enfin à une stabilité permettant d’appliquer les investissements formatifs entamés par les professeurs de technologie. Le recrutement également devenait conforme aux attentes de la discipline, et les épreuves du CAPET de Technologie évoluaient enfin de façon normale. Bien sûr, nous n’avions pas de corps d’inspection propre à la technologie : les inspecteurs de STI, et d’Economie-Gestion étaient chargés de notre discipline justifiant d’ailleurs le T attribué au concours, à la place d’un S comme les autres disciplines enseignées en collège ou en lycée d’enseignement général. Bien sûr la bivalence historique des PEGC section XIII, continuait à nous attribuer l’enseignement aux élèves en difficultés, et la notion de « technothérapie » nous octroyait dans ce domaine une importance relative. Bien sûr les collègues d’autres disciplines continuaient à nous imaginer en train de construire des avions en balsa, des rideaux en macramé, et nous demandaient où étaient passées les cuisinières à gaz. Mais la culture technologique faisait son chemin chez nos élèves et leurs parents, et seul le financement des objets confectionnés, et l’équipement en matériels de la technologie pouvaient poser problème localement.

L’agrafeuse médiatique

Nous devons à Luc Ferry alors ministre de l’éducation, la décision de revoir ces programmes de technologie dont il n’était pas satisfait. Les raisons de son insatisfaction sont restés et restent encore pour moi assez mystérieuses. On se souvient de son intervention lors d’une émission de télévision, dans laquelle il était question d’une agrafeuse étudiée pendant six mois en cours de technologie… Une commission se réunit autour du recteur M Joutard, et conclut en substance que les programmes de technologie sont peut-être à améliorer, mais pas à refondre, que l’enseignement de la technologie a plutôt bonne image. Le rapport est critiqué par le ministère et la commission est dissoute… Une autre est créée afin de revoir les programmes de technologie, elle est présidée par un Inspecteur Général de Sciences physiques, Daniel Secrétan. C’est également la période pendant laquelle le président du jury du CAPET de Technologie démissionne. On comprend aisément qu’il ait été difficile dans ces temps agités de rester un enseignant de technologie serein.
Les résultats contestés des consultations sur les projets de programmes de 6° contribuent également à maintenir ce climat d’incompréhension Toujours est-il qu’un nouveau programme de technologie pour la classe de 6° voit le jour, et devient applicable par décret dès la rentrée 2006. Ces nouveaux programmes opèrent un changement important de la discipline et rappellent ceux de 75 abandonnés depuis : étude d’objets, approche inductive, technologie de l’observation. C’est une nouvelle discipline dans laquelle de nombreux professeurs ne se reconnaissent pas. Dans les textes qui la présentent, le terme « démarche de projet », est totalement absent, cette démarche constituant l’essence même de la discipline, montre bien la rupture opérée. Mais là ne s’arrête pas la période confuse. Les programmes de 5° et 4°crées dans la lignée de ceux de 6° proposés au ministre sont en attente. Au moment où j’écris ces lignes, la situation est la suivante : sont officiels un texte présentant une technologie au collège radicalement différente dans son approche de la précédente, un nouveau programme de 6°, les anciens programmes en 5°, 4° et 3°. La technologie, discipline avant-gardiste ? J’espère que nous ne le sommes pas sur ce point !

Alain Jean, Coordonnateur PLC1 technologie, IUFM de Montpellier.
Alain.jean@montpellier.iufm.fr