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À la croisée des rôles et des regards : l’enseignant référent

Créée par la loi du 11 février 2005, la mission d’enseignant référent diffère profondément du rôle de secrétaire CCPE que j’occupais depuis plus de deux années. Du gestionnaire qui organisait les sessions de cette commission, préparait les dossiers, rassemblait les éléments scolaires, psychologiques, médicaux, sociaux, contactait les différents membres, assurait les comptes-rendus et les notifications avec force courriers publipostés, jusqu’à l’enseignant qui animait les Projets Individuels d’Intégration Scolaire, le travail ne manquait pas d’attraits et la fonction de variété. Mais cette fonction est loin, très loin de l’interface qu’est devenu l’enseignant référent. Propulsé en première ligne, là où le secrétaire CCPE avait le filet de sécurité de la commission, le regard, l’aide et le contrôle de l’Inspecteur de la circonscription, il devient l’interlocuteur souvent unique et toujours premier des familles, des collègues, des professionnels de santé, des libéraux de tous types, des collectivités territoriales et de la nouvelle entité qu’est la Maison Départementale des Personnes Handicapées.
Agissant pour le compte de cette MDPH, mais néanmoins enseignant de l’Education Nationale, l’enseignant référent doit tracer sa voie, trouver l’équilibre entre son administration et celle pour laquelle il intervient le plus souvent, trouver de nouveaux repères, de nouveaux points de référence et paradoxalement devoir rechercher le groupe là où la loi le rend solitaire. Car le risque est grand de se retrouver isolé, seul à devoir programmer, animer, gérer les Equipes de Suivi de Scolarisation (ESS), coordonner les plannings de chacun, les contraintes et exigences professionnelles de tous, être le point d’ancrage du Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS), endosser le rôle d’interlocuteur incontournable que la famille accorde avec beaucoup d’espoir, mais qu’il faut parfois savoir imposer à certains services de santé, assumer le relais de l’autorité de tutelle sans avoir de position hiérarchique dans la collaboration avec les collègues enseignants.

Multiples rôles

Une des conséquences importantes en est le positionnement hiérarchique : placé dorénavant sous la seule autorité de l’Inspecteur ASH, l’enseignant référent passe de collaborateur de l’IEN à celui de conseiller. Autre rôle nouveau : savoir gérer les membres de l’ESS. Le poids et le pouvoir de chacun n’est pas le même : il est souvent difficile pour un parent, pour un enseignant d’oser penser que son point de vue est aussi important que celui d’un pédopsychiatre par exemple. Favoriser l’expression des analyses de chacun et trouver la voie d’un consensus nécessite de la part de l’enseignant référent beaucoup d’écoute, de vigilance, mais aussi de force de proposition et d’autorité.
Autre challenge : aider à la scolarisation dans le second degré. Nouveau champ d’intervention de l’enseignant référent, c’est un domaine qui monte en puissance avec une nécessité de connaissance du second degré, une multiplication des interlocuteurs, une organisation beaucoup plus lourde et délicate des ESS et une culture de la scolarisation des jeunes en situation de handicap à aider à mettre en place. En effet, cette culture est maintenant bien entrée dans l’école maternelle et élémentaire, mais l’arrivée d’un nombre important de ces élèves dans le second degré est un phénomène nouveau : il faut donc informer, expliquer, rassurer, accompagner les équipes pédagogiques dans l’accueil de ces jeunes, dédramatiser et sortir de cette inquiétude, parfois de cette angoisse : comment concilier les exigences du programme de la classe et l’adaptation éventuelle de l’enseignement pour l’élève en situation de handicap ? La partie est gagnée quand l’équipe éducative (dont les parents et l’élève sont partie prenante) intègre la notion de rythme spécifique et de programme adapté. À ce moment-là, la scolarisation de l’élève est comprise, non pas comme intégration, mais comme parcours adapté.
Ce mot intégration a fait beaucoup de dégâts, car trop souvent compris comme scolarité identique à celle des autres élèves de la classe, comme si, d’ailleurs, tous les éléments d’une classe étaient « moyens ». L’arrivée des Programmes Personnalisés de Réussite Educative (PPRE) a permis une évolution importante dans le traitement des difficultés scolaires des élèves et favorisé la prise en compte des spécificités de l’élève en situation de handicap. Il suffit souvent d’une image pour mieux comprendre ce qui est attendu : ce n’est pas parce qu’un élève présentant des troubles moteurs est accompagné par un Auxiliaire de Vie Scolaire (AVS) qu’il pourra courir aussi vite que ces camarades. Quand cette notion de spécificité est comprise, peut commencer l’élaboration du PPS.

Questions d’organisation

Mes relations avec les établissements spécialisés n’en sont qu’à leur début. Ma présence à certaines synthèses, l’aide à la mise en place de scolarités partagées (IME/UPI, IME/CLIS, IME/ITEP…) permet d’instaurer une véritable collaboration là où existait le risque d’être perçu comme le contrôleur.
Le point faible de ce nouveau dispositif est, de mon point de vue, la Section Jeunes de la MDPH. La mutation de la CDES vers la MDPH ne s’est pas encore faite, et deux systèmes cohabitent : celui de l’ex-CDES avec ses fonctionnements propres et celui de la MDPH, avec une connaissance encore trop parcellaire de ce qu’est un élève en situation de handicap dans son parcours scolaire. C’est la logique de compensation du handicap qui prime encore, trop souvent binaire (un handicap = une solution), quand les réponses sont multiples et à adapter parfois plusieurs fois par an, suivant l’évolution de la situation. Qu’on ne se méprenne pas sur mon propos, le personnel de la MDPH, les membres de l’Equipe Pluridisciplinaire d’Evaluation, la collègue enseignante spécialisée mise à disposition de la Section Jeunes font un travail remarquable. C’est une question d’organisation rationnelle du travail, de redéfinition des rôles en donnant du sens aux tâches de chacun, de management de l’équipe autrement que par une pression constante et stressante de rendement, de confiance envers les ESS… Et il faut aussi que les personnels soient suffisamment nombreux.

Jacques Menjoz, enseignant référent pour la scolarisation des élèves en situation de handicap, (Albertville, Savoie).

La C.C.P.E, Commission de Circonscription Préscolaire et Elémentaire, est présidée par l’I.E.N de la circonscription. Elle instruit les dossiers des élèves de l’enseignement préscolaire et élémentaire, et
décide du maintien en classe d’origine avec ou sans conseils de soutiens extérieurs, ou de l’orientation en C.L.I.S, Classe d’Intégration Scolaire (autrefois « classe de perfectionnement »).
IME : Instituts Médico-Éducatifs (avec ou sans internat)
CLIS : classe d’intégration scolaire ; elle organise la scolarité adaptée des élèves handicapés qui ne peuvent dans l’immédiat être accueillis dans une classe ordinaire et pour lesquels l’admission dans un établissement spécialisé ne s’impose pas.
UPI : structures pédagogiques pour l’intégration scolaire des adolescents handicapés à l’intérieur des établissements d’enseignement secondaire. Elles sont différenciées par type de handicap.