Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Vous avez dit holacratie?

Quatre-vingt-cinq adultes, quarante enfants, une vingtaine d’animateurs tous bénévoles, pendant une semaine, hébergement et repas compris… Comment organise-t-on les Rencontres du CRAP-Cahiers pédagogiques quand on est soi-même bénévole et que l’on entend mettre en pratique les valeurs du mouvement dans lequel on milite ? Entretien avec Sylvie Fromentelle et Gwenaël Le Guevel, organisateurs de ces Rencontres.

Les rencontres d’été du CRAP-Cahiers pédagogiques ont commencé hier. De quoi s’agit-il?

Il s’agit d’un moment de retrouvailles et de rencontres pédagogiques avant la rentrée scolaire. Des ateliers «thèmes» pour travailler sérieusement sans se prendre au sérieux (les thèmes de cette année : la coopération, émotions et raison; apprendre à apprendre; le climat scolaire; esprit critique et numérique, et l’autorité dans la classe) et des ateliers «activités» un peu plus légers pour découvrir la région en randonnée, exprimer sa créativité, et autres. Tous les types de métiers dans l’Éducation nationale, et même au-delà, s’y retrouvent pour croiser leurs regards dans un lieu toujours sympa à découvrir (montagne, mer, campagne : on alterne !).
Tous les ans, une conférence est organisée sur un thème d’actualité pédagogique. Cette année, le sujet est «Enseigner le climat, un défi pour le futur» par Mathilde Tricoire, responsable pédagogique à l’Office for Climate Education. Et ce soir, nous assisterons à la projection du film Devenir grand, de Judith Grumbach, en sa présence.
Les enfants sont aussi présents et ont des activités dédiées, certaines peuvent d’ailleurs être communes avec les adultes.

L’organisation suit les principes de l’holacratie. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?

L’holacratie est un mode d’organisation des collectifs, dérivé de la sociocratie. D’ailleurs, nous ne faisons que nous en inspirer. Comme en pédagogie, nous picorons et bricolons (et pas picolons et bricorons) à notre sauce. L’important, c’est que l’outil vienne mettre de la clarté dans le «qui fait quoi?». Il permet, entre autres, de répartir les rôles de manière plus horizontale, tout en conservant une articulation entre eux.
-386.jpg
La hiérarchie fait place à l’holarchie, une organisation plus organique, plus proche du fonctionnement du vivant alors que l’organisation pyramidale taylorienne nous propose un fonctionnement plus mécaniste. Votre corps est une holarchie. Les atomes composent des cellules, qui composent des organes, qui composent votre corps. Et tout ceci est imbriqué à la manière des poupées russes. Avec l’holacratie, ce sont de petites unités de travail que l’on essaye d’imbriquer les unes dans les autres en les faisant évoluer en fonction du contexte et des besoins. Beaucoup d’organisations du travail souffrent d’un écart trop grand entre travail prescrit et travail réel, l’holacratie et la sociocratie s’efforcent de réduire cet écart au fil de l’eau.

Comment cela se traduit-il tout au long de l’année pour l’organisation de cette semaine particulière?

Les rôles sont répartis au sein d’une holarchie que vous pouvez retrouver ici. Les outils complémentaires sont un rétro-planning et un espace numérique (un «cloud») qui permet de partager les documents à distance. Ainsi, chacun sait ce dont il ou elle a la responsabilité, ce dont il ou elle est redevable vis à vis du reste de l’organisation. On se marche moins sur les pieds et on limite le nombre de courriels quand on sait qui est référent dans quel domaine.

Les réunions gagnent aussi en efficacité. L’holacratie peut aider à mieux discerner ce que l’on vient faire en réunion. On a trop souvent tendance à vouloir tout faire : de la gouvernance, de l’opérationnel, de la prospective, de l’administration… Alors qu’il vaut mieux distinguer ces temps pour les rendre plus efficaces et éviter les digressions qui sont monnaie courante («ça me fait penser que…»).

Est-ce qu’il faut des compétences ou des outils spécifiques pour mettre tout ça en œuvre?

Le principe des cercles se comprend assez vite, bien qu’il faille pas mal de temps pour faire la bascule et bien comprendre la distinction entre ses rôles et la fonction qu’on exerçait précédemment. Bien souvent, une fonction comme chef d’établissement est en réalité un cumul de beaucoup de rôles qu’on rend plus explicite en holacratie. C’est pareil pour l’organisation des Rencontres : on pourrait dire que notre fonction à tous les deux est «organisateurs des «Rencontres»», mais lorsque l’on commence à détailler, on se rend compte de la multitude de rôles que cela recouvre (inscriptions, lien avec le centre qui nous accueille, répartition des ateliers, des chambres, préparation de l’animation, communication, et j’en passe !).

Autre compétence à laquelle il peut être utile de se former : la facilitation des réunions. Le rôle de facilitateur est un rôle différent de celui d’animateur, de formateur ou de coach. Il est un participant neutre, élu par ses pairs et garant du processus de réunion (pas de son contenu).

Et de manière générale, une telle organisation implique d’être souple et de savoir s’adapter aux différentes circonstances avant, pendant et après les rencontres. Encore une question d’adaptation entre ce qui se passe réellement et ce qui était «sur le papier».

Propos recueillis par Cécile Blanchard


Pour en savoir plus, cette bande dessinée sur l’holacratie.

Pour suivre le fil Twitter de ces #ReCRAP2020, suivez le hashtag!

À propos des Rencontres précédentes:
2019 – Pas de profil-type aux Rencontres du CRAP!
2018 – Animateur aux Rencontres, ça consiste en quoi ?
2017 – Qu’est-ce qu’on se raconte ?
2016 – Une semaine de rencontres
2015 – Entre vacances et rentrée