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Des voies et des voix pour comprendre

Ce dossier part du postulat que lire c’est comprendre, comme l’écrivaient en 1985, pour la première fois, les instructions officielles du primaire. Si le décodage, puis la fluence sont nécessaires, ils ne suffisent donc pas à lire au sens d’utiliser l’écrit dans les circonstances de la vie personnelle, professionnelle, sociale, et en ce qui nous concerne, d’abord scolaire. Comment les élèves peuvent-ils acquérir ces compétences de compréhension, comment les maitres peuvent-ils les faire construire ? Comment dépasser le traditionnel questionnaire de lecture comme seul et unique outil pédagogique de la compréhension ? Comment les élèves les plus jeunes ou les plus fragiles, les plus en mal avec le déchiffrage, ou le lexique, ou plus généralement avec les pré-requis et références socioculturelles implicites peuvent-ils accéder à la compréhension pleine des textes et œuvres étudiés ? Comment malgré tout apprendre à comprendre ?

Plusieurs chemins sont possibles et, souvent, se complètent plus qu’ils ne s’opposent.

Le premier est de rendre explicites pour les élèves les stratégies qu’ils peuvent employer face à un texte. Il ne s’agit pas nécessairement d’utiliser la « pédagogie explicite » telle qu’elle émerge des recherches et pratiques anglo-saxonnes, même si l’un des articles la présente ici : certains auteurs qui proposent de faire découvrir aux élèves des techniques pour comprendre un texte n’hésitent pas à utiliser pour cela le travail de groupe. Divers textes de ce dossier recensent et présentent les stratégies possibles et montrent comment les enseigner. Reste qu’en ce domaine, la recherche n’a pas encore tranché sur ce qui, dans les progrès des élèves, relève de l’enseignement des stratégies, d’un effet maitre (ou classe), du temps consacré à l’activité de lecture ou d’autres facteurs.

Une autre voie est de miser plutôt sur la collaboration et la discussion, plus ou moins guidée par l’enseignant, pour révéler le sens profond d’un texte, d’une part, et développer le sens critique des élèves, d’autre part.

Ceci suppose une réflexion sur les gestes professionnels du maitre pour choisir le niveau de guidage qui sera adapté à telle classe, pour tel texte, à tel moment de l’année. Une variante intègre le passage par le corps, avec la mise en voix, voire en scène, du texte, et le va-et-vient entre ce qu’on donne à entendre ou à voir et le sens qu’on veut affiner puis transmettre. Ce dossier propose diverses pratiques de coélaboration du sens.

On voit la complémentarité possible entre ces deux chemins, puisque les interventions des élèves dans un échange sur un texte peuvent se nourrir de stratégies construites à d’autres occasions. Il serait dommage de se limiter à un seul type de pratiques comme étant l’alpha et l’oméga de la réussite ou d’anathémiser d’autres façons de faire. Différencier les formes d’accès à la compréhension donnera plus sûrement à nos élèves non seulement les moyens de définir et réaliser leurs projets de lecteurs, mais aussi de développer des compétences de littératie ouvertes et émancipatrices.

Ben Aïda
Professeur des écoles et maitre formateur

Élisabeth Bussienne
Formatrice