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Favoriser des parcours autonomes

Dans un souci de mise en commun, à la fois à destination des enseignants pour uniformiser les pratiques, puis à destination des élèves pour leur permettre d’avoir un accès cohérent aux différents aspects de la maitrise de l’information, j’ai donc amorcé une réflexion autour de la mise en place d’une plateforme d’accès aux différentes ressources.

Un curriculum d’Éducation à l’Information et aux Médias

Au fur et à mesure du travail autour des compétences info-documentaires, j’en suis venue à appréhender trois niveaux d’acquisition (développés par Brigitte Juanals et explicités par Pascal Duplessis).

Un premier niveau d’accès à l’information qui regrouperait des fiches techniques ou des capsules mode d’emploi qu’on pourrait appeler les compétences procédurales : des activités « figées et modélisées » dont parle Anne Cordier (voir bibliographie), mais qui s’érigent en grammaire informationnelle. Pour mener à bien une tâche complexe, nous avons besoin d’outils de base. C’est cette partie qui me faisait beaucoup m’interroger, ces compétences ne peuvent pas se bâtir à partir d’une simple transmission, mais bien en lien avec d’autres disciplines.

Au deuxième plan, la maitrise de l’accès à l’information. Il s’agit de faire émerger la capacité chez les élèves non plus d’appliquer simplement un protocole, mais d’adopter des stratégies en fonction des situations problèmes, de développer les compétences intellectuelles qui permettent d’utiliser de façon critique et créative l’information.

Au troisième plan, la capacité à développer une culture de l’information en adéquation avec les impératifs de la société numérique, des compétences culturelles qui relèveraient des connaissances des médias, des codes, des considérations éthiques.

En réfléchissant sur la mise en place d’un tel curriculum, je me suis aperçue que je me confinais souvent à des savoirs méthodologiques plutôt que de rendre mes élèves autonomes.

La mise en place de parcours d’apprentissage s’est donc imposée naturellement, en essayant de travailler sur différents supports, pour permettre une appropriation par le plus grand nombre d’élèves ayant des profils d’apprentissages différents : le recours aux capsules vidéos, aux exercices interactifs.

Le fait de travailler sur un support numérique et multimédia permet également de moduler et de différencier le rythme de travail, le temps consacré à chaque exercice.

Une organisation par parcours

Travaillant en cité scolaire, j’ai essayé de mettre en place des niveaux méthodologiques différents selon les niveaux, afin d’offrir des angles d’attaque cohérents et évolutifs. Cela a commencé par la création de capsules vidéos méthodologiques autour des axes suivants : les « reporters » du primaire, les « experts » du collège, la « boite à outils » du lycée.

Toujours dans cette idée d’individualisation et de cohérence, je me suis basée sur la taxonomie de Bloom4 et j’ai cherché à mettre en place un parcours commençant par une découverte générale ou une évaluation diagnostique des connaissances des élèves, une exploration, une découverte des concepts ou notions attachées, la construction du sens, la schématisation et, enfin, des exercices ou des thèmes d’approfondissement. Différentes rubriques (« J’explore », « Je découvre », « J’analyse », « J’applique : les missions », « J’approfondis ») permettent de baliser les étapes du parcours et de favoriser la compréhension et le travail des élèves.

La construction de ce manuel numérique est certes un travail de grande ampleur, mais me permet vraiment de rendre les élèves et les professeurs autonomes. Les modalités d’utilisation en classe inversée, en séquentiel, de façon ponctuelle selon les groupes de besoin sont une véritable liberté et permettent un accès à une expertise qui est souvent reliée à une seule personne, le professeur documentaliste. Il ne s’agit pas du tout de remettre en cause ma participation aux projets interdisciplinaires ou à l’ÉMI (éducation aux médias et à l’information), mais de permettre une diffusion et une uniformisation de la formation à destination de toutes les classes.

Les apports du numérique

Après plusieurs essais sur différentes plateformes, l’outil qui s’est prêté le plus à une diffusion simple s’est révélé être Pearltrees, qui possède une grande adaptabilité en termes de classement d’intégration et dont l’interface sous forme de capsules est facilement assimilable par les utilisateurs. Les élèves sont capables, moyennant la création d’un nom d’utilisateur et d’un mot de passe, d’accéder chez eux à l’ensemble des parcours en dehors du simple temps de la classe.

J’en suis actuellement au stade de la réflexion où la notion de parcours peut également être conditionnée par la mise en page sous forme d’une véritable progression par étapes, en intégrant une dimension ludique et des exercices, des autoévaluations pour renforcer la motivation et la participation des élèves et ne pas en faire de simples spectateurs. J’ai donc essayé de créer un site dédié, CSI ÉMI, consacré uniquement à ces parcours. J’ai testé à plusieurs reprises des modules ou le parcours autour des caricatures, et les retours élèves et enseignants sont plutôt positifs : rythme personnalisé, possibilité de retravailler à la maison, accès à des ressources intéressantes pour les enseignants, possibilité d’approfondir la réflexion grâce à des activités supplémentaires.

Bien entendu, cela pose de nouveaux questionnements : quel degré d’autonomie puis-je demander à mes élèves pour que cela reste formateur ? Quelle expertise suis-je censée transmettre à travers ces outils ? Comment réussir à évoluer du simple mode d’emploi à la construction d’une véritable culture de l’information ? C’est à travers mes erreurs, mes ajustements, mes réponses, les retours d’élèves ou de collègues que je pense pouvoir faire de cet outil un support de l’éducation aux médias et la mise en pratique des communs du savoir, tout en utilisant les possibilités du numérique pour arriver à une formation transversale et hybride qui, je le pense, correspond aux besoins de nos élèves.

Marjorie Decriem
Professeure documentaliste, Lycée international de Los Angeles (USA)


Bibliographie

Brigitte Juanals, « La culture de l’information, du livre au numérique », Bulletin des bibliothèques de France, n° 2, 2004, en ligne : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2004-02-0142-007.

Pascal Duplessis, « L’ÉMI, quel(s) enseignement(s) pour le professeur documentaliste ? », Les trois couronnes, 26 jan. 2016, en ligne : http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/identite-professionnelle/l-emi-quel-s-enseignement-s-pour-le-professeur-documentaliste.

Anne Cordier, « Et si on enseignait l’incertitude pour construire une culture de l’information ? », Communication et organisation, en ligne : http://communicationorganisation.revues.org/3851.

Marjorie Decriem, « Pearltrees », SciDoc, 25 oct. 2015, en ligne : http://www.pearltrees.com/csidoc.

Marjorie Decriem, « Éducation aux médias et à l’information », Csi N.p., 25 jan. 2016, en ligne : http://csiemi.e-monsite.com/