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Éduquer au développement durable. Pratiques co-disciplinaires et projets au collège et au lycée

Cet ouvrage s’inscrit dans le droit fil de l’ambition majeure de notre revue : proposer aux acteurs de l’éducation des outils multiples et variés pour qu’ils traduisent dans la réalité leurs rêves pédagogiques.

Car l’éducation au développement durable (EDD) offre bien l’occasion de sortir de l’enfermement et de la solitude disciplinaires pour croiser les regards et les actions possibles, en classe, avec les élèves de tout âge, autour des problèmes qui ne traitent de rien moins que de la durabilité de l’être humain sur la Terre. Un objectif avouable s’il en est.

Les auteurs multiplient avec bonheur les exemples de croisements des disciplines et les angles d’entrées diversifiées dans la thématique de cet enseignement désormais inscrit dans les programmes. Depuis « l’éducation à l’environnement » de 1977, qui s’inquiétait déjà des menaces sur la biodiversité et de la pollution engendrée par les sociétés industrielles, on est passé, dans les années quatre-vingt, à « l’éducation au développement », qui prenait en compte les déséquilibres économiques entre le Nord et le Sud et prônait la solidarité économique planétaire. À partir de 2004, cet enseignement a été complètement repensé, pour intégrer la notion féconde de durabilité.

L’ouvrage montre, sur un grand nombre d’exemples précis, comment articuler les trois volets fondateurs de l’EDD (économique, environnemental et social) avec les disciplines qui en privilégient une entrée possible, et comment les ancrer aussi dans les « piliers » du socle commun de connaissances et de compétences.

On verra que toutes les disciplines n’interviennent pas avec la même force. Dans le premier cercle, on trouve quatre matières pour le collège (la géographie, les SVT, la physique-chimie et la technologie), auxquelles on ajoutera les SES en lycée. Dans le second cercle, les disciplines convergentes et d’appui : l’ECJS, la philosophie, l’EPS, les langues vivantes, l’histoire. Il faut noter par ailleurs (et les exemples donnés le démontrent) que le français et les maths ne sont pas réduits au seul rôle de « disciplines de service ». Si elles sont toutes deux les « langages » de base de l’interdisciplinarité, elles interviennent aussi avec leurs contenus propres. S’il est évident que tous les projets conduisent à développer le pilier 1 du socle (« maitriser la langue française »), on voit également que les projets EDD permettent de traiter très précisément des notions aux programmes des mathématiques. Enfin, la documentation sera souvent le ciment organisateur des projets. Un trousseau très complet de dix clés est finalement proposé pour une mise en application dans les établissements.

Ainsi on lira comment, depuis la co-disciplinarité où deux matières collaborent sur un thème commun, un établissement tout entier peut se mobiliser sur un grand projet fédérateur impliquant divers partenaires extérieurs, jusqu’à l’Unesco.

L’ouvrage pose la problématique centrale de cet enseignement : en faire une démarche d’investigation qui ne plaque ni n’additionne des réponses disciplinaires à une question donnée, mais qui amène les élèves à s’interroger ensemble sur la complexité des choses.

Raoul Pantanella


Questions à Marie-Christine Menéroux et Thierry Basley

Comment faudrait-il organiser le travail pour que les enseignants se lancent dans l’EDD ?

Grâce à la refonte des programmes du collège mais aussi des lycées généraux et professionnels, l’EDD est clairement inscrite dans les enseignements et a aussi conduit à la création de nouvelles filières comme la STI2D. Tous les enseignants sont donc sollicités. À partir de ce constat, tout peut se faire « naturellement ». Par contre, nous restons convaincus qu’on ne peut pas imposer aux enseignants de faire de l’EDD, mais l’EDD par ses enjeux s’imposera, c’est une question de temps.

Comment s’organiser ? Les enseignants doivent avant tout pouvoir se concerter et construire les projets EDD. Cela relève de l’évidence pour que l’élève s’y retrouve et constate par lui-même que les enseignements se complètent et ne sont justement pas cloisonnés.

Nous pensons qu’il y a deux approches possibles de l’EDD : le projet à l’échelle de l’établissement qui implique toute la communauté éducative, et le projet de croisement disciplinaire qui passe par la résolution de problèmes disciplinaires.

Il est donc nécessaire de construire en amont l’année scolaire suivante pour réfléchir à un cahier des charges (composition de l’équipe pédagogique, organisation du service horaire, objectifs pédagogiques, apport du ou des partenariats éventuels, etc.) en accord avec le chef d’établissement.

Vous dites souvent du chef d’établissement que sans lui, rien n’est possible.

Bien sûr, le chef d’établissement n’influence pas les projets mono-disciplinaires ou co-disciplinaires ; à partir du moment où l’EDD est clairement inscrite dans les programmes, les enseignants peuvent opérer !

Par contre, cela peut devenir plus compliqué si on veut faire de l’EDD au niveau de l’établissement. Inscrire l’EDD dans un axe du projet d’établissement ou bien créer un comité de pilotage ne peut se faire sans une réelle volonté de la direction. Signalons que de plus en plus d’académies instaurent une politique qui tend à augmenter le nombre d’établissements en démarche de développement durable (les E3D). Dans un futur proche, tous les chefs d’établissement vont être concernés par l’EDD, de par la gestion de leur établissement et l’intendance (récupération et collecte des déchets, réflexion sur la restauration et les repas proposés, le service achats, l’entretien des locaux et des espaces verts, etc.).

Au-delà des effets constatés sur la motivation et l’implication des élèves, peut-on mesurer son impact sur les apprentissages disciplinaires ?

L’apprentissage des connaissances conduit à une évaluation classique. Il est, par contre, plus difficile d’évaluer l’acquisition de valeurs éthiques et sociales, ou la capacité à prendre des décisions. On donne des exemples de validation de compétences des piliers 5, 6 et 7 du socle. Mettre les élèves dans des situations de problématiques concrètes et locales qui demandent une démarche d’investigation et qui aboutissent à des actions est un excellent moyen de réussir une EDD. Nous citons par exemple des travaux sur les risques majeurs, ou d’autres s’inscrivant dans le cadre de l’histoire des arts.

Concrètement, tous les enseignants qui mènent déjà des projets EDD avec leurs élèves vous démontreront que les effets sont nombreux. Le principal est de faire problématiser les élèves sur le thème choisi, en créant des points de convergences disciplinaires, et de les mener, en passant par les apprentissages disciplinaires, à une éducation au choix. On pourrait parler d’efficience, dont le résultat se mesurera rapidement dans les décisions quotidiennes des élèves, ou dès que les jeunes entreront dans la vie active.

L’EDD redonne un sens à notre mission d’éducateur : celle de prendre en compte les enjeux économiques et sociaux du moment, pour donner les moyens à nos élèves de comprendre le contexte actuel et d’agir, eux, les décideurs de demain.

Propos recueillis par Raoul Pantanella