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Ce que l’école a réussi, ce qui l’interpelle encore aujourd’hui

Dans un contexte où les nations européennes, pourtant faites de multiplicité, semblent aspirées par un mouvement de «repli sur soi», où l’Europe et la France ont à relever le défi de l’arrivée et de l’accueil de nouvelles populations immigrées, déplacées sous l’effet des conflits meurtriers massifs et de changements climatiques, et alors que le quinquennat qui s’achève avait placé l’école au cœur des priorités gouvernementales, nous nous demandons quel a été le destin réel de cette détermination. À la veille de nouvelles grandes échéances politiques, il apparaît nécessaire de s’accorder un temps de réflexion pour dessiner les politiques éducatives en prenant en compte les évolutions de l’école française sur une longue durée, ne serait-ce que depuis trois ou quatre décennies.

Préoccupation fondamentale et permanente des responsables politiques, l’école en France ne cesse d’être l’objet de projets de transformation par les gouvernements et législateurs qui se succèdent, au point d’en désorienter les principaux acteurs. D’orientation ou de rénovation, se succédant ou se superposant les unes aux autres, faute d’une véritable pensée de la complexité et de prise en compte des exigences des processus de changements, ces réformes sont globalement restées inabouties.

Mise en œuvre

Si la loi de refondation, lancée par Vincent Peillon et poursuivie par ses deux successeurs, a ouvert et autorisé un certain nombre de possibles, dont l’ambition affichée est celle de doter la Nation française d’une école plus performante, plus juste, plus efficiente, une école à même d’accueillir et de former la totalité d’une classe d’âge, les démarches et pratiques institutionnelles appropriées à cette ambition de refondation de la République par l’École, qui ont été mises en œuvre, ne sont pas en correspondance avec les visées. À partir des grandes lois d’orientation aussi intéressantes soient-elles, les niveaux «intermédiaires» (recteurs, Dasen, chefs d’établissement) relais institutionnels incontournables, ont-ils permis ou entravé des avancées de la transformation de l’École de la République ?

S’il est fréquent de lire et de dénoncer les pesanteurs et les lacunes de notre école – Éducation & Devenir, le CRAP-Cahiers pédagogiques, la FESPI, et d’autres mouvements d’éducation, ne sont d’ailleurs pas en reste tout en étant force de proposition – ne faut-il pas aussi en mesurer les avancées ? Aussi nous semble-t-il essentiel de faire un bilan des réussites de l’école républicaine, afin de nous engager avec lucidité dans la prospective et dans l’élaboration des nouvelles orientations pour demain. Arrêtons-nous un peu et apprécions le chemin parcouru depuis les fondateurs.

Afficher les avancées

Essayons de rompre avec les plaintes, les flagellations habituelles et la défiance si courante dans notre modèle de pensée. Osons afficher les avancées, ce que la loi de refondation autorise et permet. Citons, entre autres, un droit reconnu à l’éducation pour tous, une scolarisation massive, un long processus de démocratisation, une structure tendant au désenclavement de l’enseignement technique et professionnel et à la fusion de l’enseignement général et technologique… Regardons aussi ce qui échappe sans doute aux statistiques et aux bilans de gestion : l’évolution des pratiques pédagogiques, la formation des acteurs, l’autonomie des établissements, les politiques locales…

Être critique n’interdit aucunement de faire le bilan des réussites et de dégager des marges de progrès ou d’identifier les chantiers inaboutis qui méritent d’être réactivés et renouvelés. Bien au contraire !

Reconnaissons que la massification a posé et pose toujours problème à l’école, interrogeant sa capacité à inclure tous les jeunes et à faire réussir tous les élèves. Notre système éducatif est toujours aussi asymétrique : le soutien aux plus fragiles est encore une des principales variables d’ajustement budgétaire. Entre les ambitions affichées, les textes législatifs et la réalité de terrain, ne faut-il pas comprendre et mesurer les tensions qui habitent l’école aujourd’hui – et parfois depuis des décennies – pour appréhender à la fois les freins et les champs du possible ? Autrement dit, l’école, aujourd’hui, se donne-t-elle les moyens d’accueillir et de faire réussir les élèves qui ne sont pas, a priori, dans les codes de la réussite des élites ?

Parmi ces nombreuses tensions, nous explorerons les plus prégnantes en évaluant leurs effets bloquants mais aussi les leviers qu’elles peuvent receler. Tension entre élitisme républicain et enseignement massifié ; tension entre gouvernance nationale et autonomie locale ; tension entre temps du politique et temps de l’école ; tension entre savoirs et compétences, entre formation et évaluation, tant pour les élèves que pour le développement professionnel de tous les acteurs ; tension entre une école conservatrice, capable de perpétuer une culture héritée, et une école ouverte à toutes les cultures capable d’inscrire chaque jeune dans un devenir mondialisé et connecté ; tension entre apprentissage du collectif – vivre et faire ensemble – et exigence de pratiques et de parcours personnalisées ; tension entre valeurs républicaines – liberté, égalité, fraternité – et contextes scolaires ségrégatifs. La difficulté actuelle de l’école à faire partager les valeurs communes indispensables à la cohésion sociale et à la vie démocratique sera bien sûr au centre des questionnements.

Dans le contexte actuel, européen et mondial, l’école doit se saisir de la question de la diversité et mettre en oeuvre des pratiques qui vont permettre de créer des liens sociaux nécessaires à la vie démocratique. Comment l’école peut-elle promouvoir des valeurs de « vivre ensemble » et de “faire ensemble” dans un contexte de ségrégation scolaire de plus en plus marqué ? Le projet d’intégration par l’école n’entre-t-il pas en tension avec les valeurs promues par une partie de plus en plus grande de l’opinion publique ?

En réponse aux attentats de 2015, la France a fait le choix d’apporter une réponse sécuritaire, et la laïcité a été promue comme une arme défensive à l’école. La question religieuse resurgit avec force dans l’espace scolaire, sous ses formes les plus radicalisées. La France a pris conscience tardivement de l’ampleur du phénomène : les enjeux sont politiques autant que pédagogiques. Comment prendre en charge ces questions dans la formation des enseignants et dans les établissements scolaires ?

Pour conduire ce travail de réflexion, ce séminaire rassemblera des chercheurs, des spécialistes des questions scolaires, mais aussi des professionnels de l’éducation, des acteurs de terrain qui forgent au quotidien des outils de réflexion et d’action sur des problématiques qui ont marqué ces dernières années et sur lesquelles nous devons encore nous mobiliser.
Désireux d’interpeller les politiques et l’ensemble de la société sur les orientations pour l’école, tout en évitant une trop forte politisation des débats, ce séminaire commun sera aussi l’occasion de mettre en lumière ce que nos associations ont su initier, de réaffirmer nos convictions et de formuler nos propositions au travers de trois axes principaux.

Axe 1 : Apprendre et se former
L’ordinaire des pratiques pédagogiques doit être interrogé à la lumière des enjeux fondamentaux de l’éducation à la citoyenneté et d’un rapport aux savoirs qui soit réellement émancipateur. Revenir sur tout ce qui peut faire évoluer en ce sens nos pratiques pédagogiques implique une réflexion de fond sur la formation professionnelle, mais aussi un changement d’échelle dans le développement des innovations pédagogiques pour qu’elles essaiment et profitent à tous. Quelles pratiques pédagogiques pour mieux apprendre et se former ?

Axe 2 : Faire ensemble
On ne pourra pas opérer les transformations pédagogiques nécessaires sans créer du commun, sans se placer au niveau des établissements et des équipes éducatives dans leur ensemble. « Faire ensemble dans la classe » est indissociable d’un « faire ensemble » dans l’établissement. Quelle autonomie des établissements et des équipes pour une meilleure gouvernance ?

Axe 3 : Pour plus d’égalité et de diversité
Il est illusoire de prétendre pouvoir “faire ensemble” sans une volonté de déségrégation sociale et scolaire. Si les réformes en cours y conduisent, il faut aller beaucoup plus loin pour mettre fin à une école qui trie et qui, non seulement reproduit, mais accentue et renforce les inégalités, sous couvert de les réduire parfois. Quelle égalité pour une école plus démocratique ?

Consulter le programme du colloque

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