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Apprendre à coder, c’est «fondamental» ?

Le 24 novembre dernier, l’association des parents d’élèves des établissements privés (APEL) organisait au Sénat un rendez-vous presse autour de l’apprentissage du codage à l’école avec à la fois des acteurs engagés à divers niveaux dans ce nouvel enseignement et deux chercheurs : David Wilgenbus, auteur de 1,2,3 Codez avec la Fondation La main à la pâte, que nous avons récemment interviewé, et Gilles Dowek, informaticien et philosophe, qui a aussi participé à l’élaboration de l’ouvrage.

Un point fort est ressorti : il est indispensable de commencer très tôt une familiarisation avec les algorithmes qui nous entourent, avec la logique algorithmique. Dès la maternelle, et au départ sans ordinateur. On est là dans un des « fondamentaux » dont hélas ne s’occupent guère ceux qui veulent revenir à la bonne vieille école d’autrefois ! Il est vrai que la culture numérique, nous ont dit les intervenants, bouleverse les rapports enseignants/élèves et le rapport au savoir, favorisant l’autonomie, l’esprit d’adaptation et la créativité, la pédagogie de projet et le travail collaboratif.

La pédagogie avant les tablettes

On aurait envie de nuancer et de douter que ce soit forcément le cas, car il faut bien une pédagogie qui aille avec et ne découle pas forcément de la présence des outils numériques. Pour Gilles Dowek, il faut absolument aller dans cette voie, vu les évolutions sociétales en cours et les transformations des métiers avec le numérique (secteur des transports, de la santé, etc.). Les nouveaux programmes vont dans le bon sens et l’officialisation de l’enseignement des algorithmes lui parait très judicieuse. La formation des enseignants est essentielle et c’est là qu’il faut investir, sans doute plus que dans la distribution tous azimuts de tablettes. Pour lui, cependant, au niveau secondaire, il faut pouvoir former de véritables professeurs spécialisés, ce qui peut et doit se discuter sans doute.

Les témoignages des jeunes invités à cette séance étaient fort instructifs : un élève du lycée Jean-XXIII de Metz soulignait combien l’enseignement exploratoire « informatique et création numérique » l’aidait à acquérir un raisonnement logique, tandis que des plus jeunes montraient leur enthousiasme à avoir travaillé avec les petits robots Thymio. Ressort également un apprentissage de la persévérance et un rapport différent à l’erreur.

Fractures numériques

Pour l’association de parents d’élèves, qui par ailleurs soutient globalement les réformes de la refondation, il s’agit de vaincre les réticences, d’accompagner ces projets innovants qui font entrer dans le XXIe siècle. On est loin d’une image de l’enseignement privé qui, lui, ne s’égarerait pas dans le numérique et promouvrait les enseignements « sérieux », loin des « pédagogistes prétentieux ».

Rien n’est plus sérieux, au contraire, que d’entreprendre un effort d’ampleur pour réduire les fractures numériques qui aujourd’hui portent davantage sur une maitrise ou non des mécanismes qui nous envahissent dans la vie quotidienne que sur l’accès au matériel. Et il n’est pas trop tôt pour commencer. C’est aussi ce que soulignait la sénatrice Françoise Cartron, auteure d’un récent rapport sur les rythmes scolaires. D’ailleurs, n’est-il pas plus intéressant de débattre de ces questions que de la place de Clovis dans les programmes d’Histoire ?

Jean-Michel Zakhartchouk

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