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De l’importance des modèles

L’observation de la nature déclenche souvent une série de questionnements chez les élèves. Pour chercher les réponses à ces interrogations, ils peuvent investiguer par l’expérimentation mais peut-on toujours expérimenter directement sur la nature ? Peut-on modéliser la nature pour expérimenter ? À quelles conditions ?

« Maitresse, c’est vrai que la banquise elle fond ? », « Pourquoi les escargots ont une coquille ? », « Comment ça se fait qu’il y a des arcs-en-ciel ? » Mes élèves de grande section questionnent beaucoup la nature sur la base de leurs observations qui, issues de leur quotidien ou de différents supports médiatiques, interpellent leur curiosité. Dois-je systématiquement y répondre ? Sans doute est-il préférable d’organiser des temps d’expérimentation pour les faire tâtonner sur leurs questions et les faire chercher. Une autre contrainte se présente alors : comment les faire expérimenter sur des observations de la nature qui ne sont pas à proximité ? J’essaye alors de faire des analogies en utilisant des modèles, ce qui n’est pas sans poser d’autres questions.

Je commence une séance en faisant observer la nature à partir d’une couverture de magazine qui présente la fonte des glaciers. Je leur demande ensuite de verbaliser ce que cette affiche leur évoque : « La température monte et la banquise elle fond et les glaciers aussi. » « La banquise se casse, elle fond. Les ours vont être en voie de disparition. » Et puis, subtilement, les premières questions surgissent : « Maitresse, c’est vrai que ça se réchauffe ? » « Maitresse, elle va où la glace de la banquise ? » « Est-ce que ça fait “monter” le niveau des océans ? »

Je leur demande alors dans quels endroits on trouve beaucoup de glace dans la nature : « sur la banquise », « au pôle Nord », « au pôle Sud », « sur des glaciers ». À l’aide du globe terrestre, on essaie d’identifier les différents lieux, puis de définir où se trouve la banquise, où l’on peut trouver des glaciers.

Glace, glacier, glaçons

Je leur demande ensuite : « À votre avis, que se passe-t-il lorsque la température de la Terre augmente et si la banquise et les glaciers fondent ? » Les élèves répondent : « l’océan va monter », « il va y avoir des inondations ». Je leur explique alors que ce sont leurs avis, leurs certitudes mais qu’on n’en est pas vraiment sûr. Alors je leur demande « comment vérifier que l’eau va monter ? » On me propose une observation, mais… il n’y a pas de banquise près de l’école ! « Que peut-on prendre pour représenter la banquise, les glaciers ? » « Des glaçons, maitresse ! » Le modèle fait son apparition.

Une expérience est alors proposée pour mettre en évidence (modéliser) le phénomène : le protocole est donné à chaque groupe d’élèves. Dans le verre 1, on a placé un glaçon. On a marqué le niveau jusqu’où l’eau arrivait (comme la banquise qui flotte sur l’océan). Dans le verre 2, on a versé de l’eau (même niveau que dans le premier verre). Puis, on a placé un glaçon sur un support (comme les glaciers sur la terre). On a dessiné et on a attendu cinq minutes : on a observé. Puis, on a dessiné les glaçons et les niveaux d’eau toutes les dix minutes. Le glaçon dans l’eau fond vite (entre dix et vingt minutes), mais le niveau de l’eau ne monte pas. Le glaçon sur le support fond beaucoup plus lentement (plus d’une heure) mais le niveau de l’eau monte dans le verre. Les élèves pourront refaire l’expérience ensuite individuellement lorsqu’ils le souhaitent pour réinvestissement.

En revenant à l’observation de départ, je leur demande ce qu’ils ont appris. « Dans la nature, lorsque la banquise fond, le niveau des océans ne monte pas. » On a quand même comparé les deux expériences, ce qui les amène à en questionner les conditions. Par exemple, ils se sont demandés pourquoi dans la deuxième expérience le glaçon met plus longtemps à fondre. Ils ont alors posé des questions sur la température de l’eau et de la classe (identique ou pas ?). On questionne donc le modèle, les avantages et les limites d’utiliser un glaçon au lieu d’observer un glacier.

Grâce au modèle, on peut se rapprocher du réel, expérimenter dessus, mais il peut y avoir des biais expérimentaux et on est jamais sur des conditions réelles, donc c’est plus difficile de généraliser. L’observation de la nature et celle de sa modélisation questionnent les élèves. Un bon moyen donc de stimuler leur curiosité et leur esprit critique à partir de l’étude de la nature sans pour autant chercher à toujours aller dans la nature.

Marie-Lise Roux
Professeure des écoles en maternelle

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