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Sous le dôme du tonnerre

nipedu-logo-nouveau.jpgLe numérique, c’est un peu la quadrilogie Mad Max. Qu’il soit question de matériel, d’usages, de valeurs ou de choix de civilisation, l’univers postapocalyptique de George Miller nous offre une pétaradante grille de lecture du numérique à l’école. Accrochez vos ceintures !

Ne faire qu’un avec sa bécane

Les aventures de Mad Max, c’est d’abord une histoire d’hybridation entre l’homme et sa machine. Et si c’était pareil pour le hussard noir 3.0 ? Dans une société où le fait numérique a pénétré toutes les activités, la prophétie dit que seuls survivront celles et ceux qui parviendront à utiliser leurs bécanes autrement que comme de vulgaires instruments. En somme, on imagine ici des profs dans leur version transhumanisée qui « penseront de manière disciplinaire, interdisciplinaire, psychologique, symbolique et culturelle la présence du matériel et des logiciels dans leurs pratiques1 ».

Maitriser les bolides hurlants

L’unité de police routière à laquelle appartient Max doit faire armes égales avec de terribles malfrats. Pour cela elle se dote du bolide utilisé par ces pirates de la route :
le Pursuit Special.

Dans nos classes, face à une culture clandestine qui n’a « jamais autant échappé au contrôle des adultes grâce aux outils que l’univers marchand lui met à disposition2 », les plateformes sont un peu comme ce redoutable véhicule.

Tout comme Max apprend à maitriser un engin sorti de la clandestinité pour la bonne cause, le prof n’a souvent d’autre choix que de recourir aux plateformes, « malgré le discours néfaste qu’elles charrient3 ».

Sobriété versus pillage énergétique

Dans Mad Max, la question écologique est omniprésente. Le pétrole et l’eau font l’objet d’une lutte sans merci. Aujourd’hui, face à l’urgence climatique, nos sociétés hésitent entre deux modèles que tout semble opposer. D’un côté, la recherche d’un numérique frugal et heureux, de l’autre, une course au développement qui, à l’image du plan France 2030, souhaite doter l’Hexagone de champions technologiques. Une tension mise en scène dans Mad Max dans l’affrontement entre les enfants de la communauté de Bartertown et les colosses stéroïdés qui contrôlent la répugnante usine porcine productrice de méthane.

Le rêve d’un monde où l’herbe est plus verte

C’est peut-être la morale du dernier opus de Mad Max que nous retiendrons dans ce parallèle entre numérique éducatif et cinéma d’anticipation. Dans le quatrième volet de la saga, Furiosa, arrachée aux siens dans sa jeunesse, tente de rejoindre l’oasis originelle où elle est née. Max lui ouvre les yeux sur l’impossible retour vers un ailleurs qui n’existe plus.
Pour demeurer libres dans nos sociétés digitalisées, la question n’est pas de regretter un avant où l’herbe était plus verte, mais de faire avec, entre appropriation, détournement et régulation par nos valeurs.

Régis Forgione, Fabien Hobart et Jean-Philippe Maitre

Pour aller plus loinNipédu S9E9 : Ce que le numérique [ne] fait [pas] à l’école, https://bit.ly/3CHDXIl.I

 

Notes
  1. Pascal Plantard, Anthropologie des usages du numérique, habilitation à diriger des recherches, université de Nantes : https://bit.ly/3AXF6KL.
  2. Anne Cordier et Isabelle Danic, « Enfance(s) et socialisation(s) : vers la compréhension des cultures enfantines », Les Cahiers d’ELN, février 2022 : https://bit.ly/3wGyEVU.
  3. Civilisation numérique. Ouvrons le débat !, publication du Conseil national du numérique, p. 39 : https://bit.ly/3qbCXEZ (pdf).