Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Vous avez dit, vous avez pensé… « mémoriser » ?

508.jpgPour préparer cet article – dont on trouvera ici la version développée de celle parue dans la revue -, une vingtaine de lecteurs des Cahiers pédagogiques ont accepté de répondre à cinq questions d’Hélène Trocmé-Fabre. Il ne s’agit pas d’un sondage à visée statistique mais de permettre d’approcher nos représentations, nos comportements de mémoire et nos questions aussi sur la mémoire : entre autres d’aborder quelques-uns de nos « pourquoi ? » et « comment ? ».

Lorsque les responsables des Cahiers Pédagogiques m’ont sollicitée pour une contribution sur le thème de la mémorisation, j’ai accepté volontiers à deux conditions : que le mot « mémorisation » devienne le verbe « mémoriser », et, qu’en amont, une vingtaine de lecteurs acceptent de répondre à 5 questions. Il ne s’agissait pas d’un sondage à visée statistique mais, simplement, de me permettre d’approcher nos représentations et nos « comportements » de mémoire1. Je serais ainsi en mesure de répondre à de « vraies » questions posées depuis le terrain, sur ce processus cognitif2 que nous appelons, en Occident, « la mémoire ».

Acceptons l’idée, pour commencer, que nos représentations ont la vie dure, et que le geste de mémoire est à revisiter et à revitaliser d’urgence. Si la science est loin d’avoir tout dit aujourd’hui, demandons-lui de nous indiquer ce qu’il vaut mieux éviter, et comment choisir les mots et les expressions qui ne figent pas notre « travail cognitif » dans une vision binaire et cloisonnée. Les récentes recherches nous autorisent, par exemple, à renoncer à l’idée que la mémoire est une affaire de stockage. Nous pouvons aussi cesser de penser que l’oubli est une histoire de tiroirs qui se bloquent. Nous pouvons encore, nous pouvons surtout, éviter de dire que « nous avons (ou n’avons pas) une bonne mémoire », et qu’un tel ou une telle l’a « perdue ». Le verbe « avoir » n’a rien à voir avec la mémoire (et je n’ai pas l’intention de faire un jeu de mots)3.

Où en sommes-nous de nos représentations ?

Le premier constat émanant des réponses recueillies (Annexe I, question 1) est la diversité de nos associations. Il s’agit pourtant du même mot, « mémoriser », de la même capacité cognitive au sein de la même culture. Nous voilà rassurés sur notre biodiversité, voilà qui nous confirme une fois pour toutes que : 1. nous percevons la réalité à travers un filtre personnel, 2. nos perceptions et nos affirmations ne sont ni vraies ni fausses. Elles sont là. Elles sont nôtres. Les guerres sont donc inutiles.

Dans la liste recueillie, nous nous apercevons aussi que non seulement certaines associations établissent une relation au niveau sémantique, mais qu’un glissement peut avoir lieu d’une fonction grammaticale à une autre fonction : « mémoriser » a été relié à un nom concret (« clefs ») ou à un mot abstrait (« association »). Nous remarquons également que certaines associations consistent à relier le processus cognitif (« mémoriser ») à une attitude (« concentration ») ou à un comportement (« économie de pensée »).
Deuxième constat : l’ensemble des réponses à la question 3 (ce qui aide à mémoriser) et à la question 4 (ce qui empêche de mémoriser), couvrent les trois types de relations que notre cerveau a établies au cours de l’évolution :

  1. la relation à l’environnement (ce qui aide est « une ambiance comme celle qu’on trouve dans les bibliothèques » / ce qui empêche : « les bruits parasites »)
  2. la relation aux autres, (ce qui aide : »savoir que j’aurai à le transmettre »/ ce qui empêche : « les autres autour de moi »)
  3. la relation à soi : (ce qui aide : « être intéressé par le sujet » / ce qui empêche :« mon manque de rigueur »)4.

Nous remarquons, enfin, que certaines réponses privilégient une seule relation : pourquoi pas ? Lorsque cela est le cas, saisissons l’occasion pour souligner qu’il s’agit de la relation dominante et que deux autres relations restent…à développer. Accompagnons-les5.

Ayant pratiqué ce type de sondage auprès de publics de cultures diverses, j’ai vérifié que les questions 1 à 4 permettaient à de « vraies » questions de naître : celles qui sont reliées à une pratique et qui émergent de problèmes vécus. Les réponses à la question 5 ( cf ci-dessous) fournissent un matériau de travail, un corpus authentique dans lequel puiser pour aborder, dans la durée, avec ceux qui se sont exprimés, les différents aspects d’une problématique commune. Je précise que l’ensemble des réponses constitue un document qui est remis aux auteurs des réponses (qui seront encouragés à les partager avec leur entourage)

Que chercher à découvrir, explorer, comprendre concernant « mémoriser » ?

Il s’agit donc des réponses à la question 5. La liste recueillie montre que :
– toutes les réponses peuvent être considérées comme de vraies réponses, même la série de points d’interrogation.
– un sondage adressé à des adultes contient un grand nombre de « comment », quelques « titres de chapitres », domaines et contenus à explorer, et un nombre restreint de « pourquoi ». Cette proportion s’inverse lorsque le sondage s’adresse à des enfants (par exemple, sollicités sur leurs représentations d’ « apprendre » ou de « lire », les enfants multiplient les « pourquoi »).
– lorsque sont explicitées les caractéristiques du vivant, et, en particulier le fonctionnement à la base de notre vie cognitive, certaines questions s’éliminent d’elles-mêmes. C’est donc par là que nous allons commencer.

À la base de la mémoire : la réalité du vivant

La science nous permet aujourd’hui de décrire certaines lois du vivant, de repérer les gestes du vivant, de recenser le langage du vivant. De nombreuses recherches mettent maintenant à notre portée des images, des données, des chiffres qui soulignent ce qui caractérise l’élan mystérieux qui nous habite et qu’on appelle la vie6 : tout y est, reliance, connectivité et émergence. Deux verbes sont au cœur du vivant : relier et choisir. En effet, les quelque 100 milliards de neurones de notre cerveau ont 10 puissance 16 possibilités de se connecter à chaque seconde : la sélectivité est donc une capacité-clé de notre vie cognitive. Nous nous installons dans telle ou telle « habitude » (un circuit de connexions préférentielles) lorsque ce circuit nous apporte un bénéfice, mais cela n’empêche en rien une potentialité d’être, un jour, activée et « mise en service » Nous allons passer certaines questions recueillies dans notre sondage « au crible » des conséquences de notre sélectivité naturelle.

Quelques-uns de nos « pourquoi ? »

Pourquoi oublions-nous ?

Nous « oublions »… parce que, nous dit Boris Cyrulnik, « mémoire et émotions sont reliées biologiquement dans notre cerveau limbique ». Ce cerveau, que l’évolution a – heureusement – placé « sur les limbes » du cerveau reptilien, nous permet de découvrir que nous ne sommes pas seuls. Il nous aide à dépasser ce qui nous paraît menaçant, à rechercher ce qui est utile et ce qui peut être partagé, à nous attacher à des modèles parentaux ou amicaux. Mémoire et attachement sont intimement reliés chez tous les mammifères. L’instinct de survie et l’obligation que notre cerveau a d’organiser la complexité du monde environnant ont pour résultat de ne pas connecter ce qui nous paraît inutile à ce qui existe déjà, à ce que nous avons déjà organisé, ou sommes en train d’organiser pour créer du sens, le nôtre7

Donc, nous « oublions »… non pas parce que nous effaçons des traces, mais parce qu’il n’y a pas eu de trace ! Pour le neurobiologiste Luria, lorsqu’il n’y a pas eu de perception visuelle (ou auditive), lorsque l’attention ne s’est pas portée sur un contraste, un relief, une forme, un indice, un repère…, aucun processus de structuration n’est mis en route8.

Pour Jean-Didier Vincent, neurobiologiste lui aussi, « la mémoire n’est pas figée, elle se construit en même temps que l’action »10.

Nous « oublions »… parce que nous ne reconnaissons pas l’objet, l’évènement (parce que nous ne les avons pas perçus, dans leur contexte (spatial et temporel), parce que « les circuits » sont occupés (nous pensons à autre chose, nous nous parlons intérieurement, nous évoquons une image, nous ressentons corporellement une émotion, un geste… ) ! Si l’événement, l’objet est « hors sol », non relié, il ne peut pas participer à une structuration, qui est, selon Gerald Edelman, le processus fondamental de la mémoire : nous ne sommes pas reliés à l’événement, à l’objet, à cette personne, à son nom, à son visage…Ils sont donc sans signification pour nous, et ils n’existeront pas dans notre monde mémoriel11.

Pourquoi je n’ai pas de souvenirs personnels avant ma 10ème année ?

Nous sommes plusieurs à nous reconnaître dans ce « pourquoi ». Rappelons que le verbe « avoir » n’a rien à faire ici. Il pose le problème à l’envers et je propose de traduire la question dans le langage des neurobiologistes : « pourquoi je ne me relie pas à ce que j’ai vécu dans les années qui ont précédé mes 10 ans ? » ou, plus conforme à notre réalité cognitive: « pourquoi je ne reconstruis pas aujourd’hui ce que j’ai vécu avant l’âge de 10 ans ? ». J’ai trouvé dans un ouvrage de J. Houston12 une amorce de réponse à cette question douloureusement portée, et les éléments d’une activité que j’ai proposée à des formateurs. Je voulais qu’ils découvrent eux-mêmes, à partir de leur « je » et dans leur présent, que la vraie mémoire était autre chose que la capacité de se souvenir d’évènements et de situations figées, de numéros de téléphone, de dates, de données….et qu’elle est, en réalité, ce qui nous révèle qui nous sommes. Notre mémoire crée et nous crée lorsque (et si) nous devenons présent au continuum de notre vie.

Cette activité nous invite à accepter d’explorer (et nous réconcilier avec) différents âges de notre vie. Elle consiste à « réamorcer nos mémoires » grâce à un langage simple permettant de retrouver l’acuité sensorielle de l’enfance13. Au cours de cette activité, j’ai rencontré quelques (rares) personnes qui n’acceptaient pas d’explorer leurs années d’enfance. J’ai totalement respecté cette attitude, soulignant simplement que « l’absence de souvenirs » ne signifiait pas une « mémoire déficiente » mais un geste de protection contre ce qui est encore ressenti comme une menace. En général, nous étions d’accord pour dire que ces personnes n’étaient « pas encore » prêtes à être « présentes à leur passé ».

Choisir parmi nos « comment ? »

Dans la longue liste des « comment » recueillis auprès des lecteurs (toujours la question 5), certaines demandes (ex : « comment fonctionne la mémoire au niveau neuronal ») exigent une explication à plusieurs niveaux : moléculaire, cellulaire, organique, cognitif, psychologique, social, et j’ajouterais volontiers « systémique ». On trouvera des éléments de réponse sur le site canadien signalé en note 6. L’information y est régulièrement actualisée.

J’ai choisi de répondre ici aux « comment s’y prendre pour… », car ils correspondent à un souci pédagogique que je partage avec de nombreux éducateurs en France et à l’étranger.

Rappelons que la mémoire est un acte corporel total : nous sommes mémoires, au pluriel. Ce que nous appelons « entraînement » – et que je rebaptiserai re-connexion, ré-amorçage ou ré-activation – est absolument indispensable. Le seul problème est de savoir comment et quand organiser cet entraînement qui participe à la structuration de nos mémoires, puisque c’est de cela qu’il s’agit : construire nos mémoires, construire notre identité. De nombreuses propositions existent, allant des simples moyens mnémotechniques (type « gym cerveau ») à des démarches moins mécaniques, conçues pour s’intégrer dans un trajet cognitif global. Tony Buzan, dans son célèbre ouvrage Une tête bien faite, propose un schéma simple et efficace pour rythmer la « mise en mémoire ». Il offre une véritable boîte à outils de mémorisation, durable tout au long de la vie14. Un autre auteur britannique, Edward de Bono15, indique des techniques fondatrices pour organiser nos capacités perceptives (le passage obligé), et construire notre réflexion. Pour lui, les problèmes de mémoire sont totalement intégrés dans notre vie cognitive qui est – rappelons-le une fois encore – sans frontières ni cloisons16.

Comment faire pour mémoriser des choses qui ne m’intéressent pas ?

Cette question pose d’emblée les bases de la « pédagogie participative ». Il devient indispensable de lui apporter une réponse, étant donné la place que prennent les technologies nouvelles à l’école, la pulvérisation de l’information, la multiplicité des sources, et les exigences d’individualisation de la formation. Toute activité d' »apprenance » (apprentissage en mouvement et dans la durée) doit être d’une part reliée (mot magique) à plusieurs niveaux – à un projet individuel et à un projet collectif – et, d’autre part, positionnée sur deux échelles : dans le temps et dans l’espace, à court terme et à long terme, ici et ailleurs. Il est clair que ce sont précisément les apprentissages « flottants » qui ne sont pas mémorisés.

– Autre questionnement émanant du terrain : Comment faciliter la mémorisation… ?

La tâche revient ici à l’enseignant de multiplier les prises perceptives (visuelles, auditives, kinesthésiques), d’organiser des mini-ateliers dans lesquels le thème abordé sera tour à tour, abordé avec des dominantes : lecture, audition, évocations imagées, discussion, mis en scène, questionnement, exploration… La formation d’images mentales joue un rôle essentiel dans la mémorisation et doit être encouragée et pratiquée17. L’élève, de son côté, doit apprendre à organiser, dans sa durée personnelle, les étapes successives de la mise en mémoire. Il comprendra que personne ne peut le faire à sa place18.

Comment réussir à garder en mémoire une langue vivante ?

L’apprentissage d’une langue autre que la sienne pose un problème à part. Pour répondre à cette question, il nous faut, en amont, poser une autre question : qu’est-ce qu’une langue vivante? Souvent perçue comme un bloc, une entité à « acquérir » ou à « maîtriser », la langue de l’Autre est d’abord l’expression d’une autre culture, c’est-à-dire d’une autre vision du monde. L’autre lexique, l’autre grammaire, l’autre mise en voix de-ce-que-je-pense-et-de-ce-que-je-veux-dire sont, certes, des aspects de l’apprentissage, mais il est maintenant urgent que les partenaires – enseignant, apprenant et institution – ne fassent plus l’économie d’un contrat pédagogique qui pose d’emblée le choix à opérer entre les quatre savoir-faire langagiers : comprendre oralement, s’exprimer oralement, comprendre l’écrit, s’exprimer par écrit. Ces savoir-faire sont à aménager dans la durée et par rapport aux exigences de l’institution (qui valide) et de la société (qui communique). L’apprentissage d’une langue demande que ce qui est nouveau soit accueilli dans la structure déjà existante – celle de notre regard sur le monde – et ceci demande un entraînement régulier, varié, pluriel19.

N’abusons pas plus longtemps de la patience du lecteur. Il est temps de lui dire merci d’avoir contribué à ce texte. Il est temps de témoigner ensemble que l’acte de lire est « organiquement » une opération herméneutique et collective.

Et puisqu’aujourd’hui – paraît-il – on ne conclut plus un texte, ni un mémoire, ni une thèse, ni un colloque, ouvrons des perspectives.

J’espère avoir validé l’idée de la personne qui a écrit : « je voudrais confirmer mon intuition que mémoriser est naturel« . Se préoccuper de nos capacités de mémoire est une magnifique occasion de comprendre que nous portons notre biologie au lieu de croire que nous sommes portés par elle.
J’espère avoir été tout simplement un témoin de ce que je sais, et un déclencheur pour que chaque lecteur /lectrice sente naître en lui / en elle le désir (furieux…si possible !) de ne pas s’arrêter là.
J’espère avoir proposé des moyens de prolonger l’exploration vers d’autres découvertes. Avant de nous quitter, je recommande tout particulièrement au lecteur-partenaire les recherches récemment publiées sous le titre « Les neurones miroirs ». Elles nous montrent à quel point nous sommes vraiment des êtres étonnants. Nous en souviendrons-nous ?

Oui, c’est possible !

Hélène Trocmé-Fabre
Chercheure en sciences humaines,membre du CIRET (Centre international de recherches et études en transdisciplinarité)

Pour approfondir :

La Fabrique de la pensée, Electa, 1990. Fabuleuse co-production de la Cité des Sciences et de l’Industrie et des Laboratoires Fidia (Firenze).
I. Rosenfield, L’invention de la mémoire, EsHel, 1989. Pionnier et iconoclaste.
Gerald Edelman, Comment la matière devient conscience, éd. Odile Jacob, 2000. Solides points d’appuis.
Yves Ledanseurs, La mémoire au fil de l’âge, Bayard Editions, 1997. Stratégies, jeux et conseils chaleureux.
G. Rizzolatti & C. Sinigaglia, Les Neurones Miroirs, Odile Jacob, 2008. Incontournable.
J.Y. et M. Tadié, Le sens de la mémoire, Gallimard, 1999. Regard croisé d’un neurologue et d’un spécialiste de littérature.
Guy Tiberghien, La mémoire oubliée, Mardaga, 1997. Plus qu’un jeu de mots. Vue d’ensemble des différents modèles et types de mémoire. A nous de faire notre choix.
Site de Bruno Dubuc. Consultation à la carte. Remarquable.TEXTE


Annexe

(réponses d’enseignants et responsables de formation, Septembre 2008)

Quand je pense « mémoriser »

  1. quels sont les trois premiers mots qui me viennent à l’esprit ?
  2. quelle image me vient ?
  3. qu’est-ce qui m’aide à mémoriser ?
  4. qu’est-ce qui m’empêche de mémoriser ?
  5. qu’aimerais-je découvrir, explorer, comprendre concernant « mémoriser » ?

1. Les mots associés (vive la diversité !)

accélération d’action, ajouter, apprendre, association, avoir en mémoire, cerveau, chemin, clefs, concentration, critiquer, difficulté, donner du sens, école, économie de pensée, écouter, effort, entraînement, garder, histoire, intégrer, je pense à, mettre dans la tête, oublier, par cœur, penser, , pouvoir retrouver, prêter attention, rappel, recevoir, restituer, retenir (5), rythme, se rappeler, (se) souvenir (6), sûreté accrue, thésauriser, utiliser (2)
(Certains mots ont été considérés comme une source, d’autres comme une conséquence de mémorisation. À certains mots -comme « retenir »-, certains ont attribué une double fonction de cause et de conséquence de mémorisation.)

2. Mémoriser, c’est comme… (ne touche pas à mon image !)

… une éponge qui prend de la substance à l’extérieur, qui la retient et qui est capable et qui est capable de la rendre à un autre moment.
… un kaléidoscope
… engranger
… imprimer dans ma tête, mais plutôt un son qu’une image ? pas sûr, ça dépend quoi
… se promener sur un sentier en se disant qu’on y reviendra
… peindre pour garder une image aimée
… reconstituer une image
… revoir la situation, l’évènement
… avoir une commode pleine à disposition + capacité à ouvrir les tiroirs au bon moment
… essayer de graver des mots ou des images dans mon cerveau
… archiver, mettre dans un tiroir, fixer, imprimer
… m’approprier, m’incorporer, faire mien
… s’amuser à stocker des trésors immatériels
… une image tableau, un schéma
… l’image du cerveau
… manger et digérer sans avoir à y penser
… grandir

3. Ce qui aide à mémoriser (Repérer de quelle relation il s’agit : à l’environnement (E) , aux autres (A), à soi-même (S) ? Comparer votre perception avec un autre regard. Plusieurs réponses sont possibles)

– dormir, être détendue,
– marcher ou chanter
– quand je suis toute seule (sous la douche)
– être intéressé(e) par le sujet
– mes perceptions de « l’objet » à mémoriser,
– l’attention, l’observation, la concentration
– l’intériorisation d’un ressenti, être émue par le contenu
– la reformulation, lire plusieurs fois, faire des liens avec autre chose que je connais, écrire à ma façon ce qu’il faut retenir, réutiliser mes connaissances,
– savoir que je vais avoir à le transmettre, à m’en servir
– savoir que je sais le faire,
– ne pas y être obligée
– l’association avec un souvenir, avec le moment de mémorisation et surtout de ce que je vais faire de cet objet
– répéter, la répétition d’usage, écrire, réécrire prendre des notes, parler à voix haute, faire une chanson en marchant ou en conduisant, apprendre par cœur
– faire, comprendre, décortiquer, analyser, construire, reconstruire
– savoir que j’aurais besoins de donner l’information
– la visualisation mentale
– des images, le visuel, garder sous les yeux un certain temps (le nom des élèves sur le plan de la classe)
– la voix
°ceux qui m’apprennent des choses, la relation que j’entretiens avec eux
– une ambiance comme celle qu’on trouve dans les bibliothèques
– un moyen mnémotechnique

4. Ce qui empêche de mémoriser (dans quelle relation sommes-nous ? cf. ci-dessus)

– à court terme, lorsque je pense à autre chose en même temps (y compris le stylo qui tombe et se casse)
– une information que je juge inutile (3), non pertinente, non essentielle à ce moment, ne pas savoir si ça va me servir, aucune raison de le faire
– peut-être un intérêt moindre (3), plus sûrement des préoccupations prioritaires
– un plus grand intérêt pour le chemin en train d’être parcouru que pour les balises
– l’absence d’intérêt intellectuel ou affectif
– ma dispersion, l’agitation intérieure
– la présence de chiffres
– lorsque je ne comprends pas (4)
– lorsque je ne suis pas suffisamment attentive, concentrée, les bruits parasites (3), lorsque je suis préoccupée par autre chose (2), débordée, anxieuse
– passer tout de suite à autre chose
– les interruptions non souhaitées
– trop mémoriser
– le stress (2)
– la peur
– la fatigue (2)
– ma grande difficulté à retenir les noms, les dates, des titres, des repères, à structurer des connaissances dans la durée
– l’interdiction d’écrire, ne pas pouvoir noter (ex : une conférence)
– les autres autour de moi
– la mauvaise construction intellectuelle de la notion, mon manque de rigueur

5. Ce que nous aimerions découvrir, explorer, comprendre…

– ????? (c’est aussi une réponse !)

les pourquoi

  • Pourquoi certains élèves sont incapables de mémoriser et en quoi on peut aider au « déblocage » ?
  • Pourquoi je n’ai pas de souvenirs personnels avant ma 10ème année, et très peu après ?
  • Pourquoi je retiens si mal et seulement ce qui me sert dans l’instant, si je m’intéresse pendant une recherche. Pourquoi sitôt après je redeviens une tablette de cire vierge ?

les comment

  • Comment, en amont, en avoir envie et s’entraîner systématiquement ?
  • Comment faire pour mémoriser des choses qui ne m’intéressent pas et auxquelles je ne comprends pas grand-chose ?
  • Comment réussir à garder en mémoire une langue vivante et sa conceptualisation grammaticale ?
  • Comment la développer en avançant en âge ?
  • Comment en tant que prof faciliter la mémorisations (présentation visuelle, méthodologie, répétition…) ?
  • Comment guider les élèves au plus près, leur faire viser et atteindre l’efficacité ?
  • Comment avoir une mémoire plus active, l’esprit plus clair, une attention plus pénétrante (dans la conscience la mémoire est claire) ?
  • Comment fonctionne la mémoire au niveau neuronal ?
  • Comment fonctionne le système qui agit et ma « responsabilité fonctionnelle » ?
  • Comment, pourquoi les tiroirs « se coincent » parfois ?
  • Comment font certains élèves pour mémoriser sans comprendre du tout (formules de maths, mots, phrases…) ?

comprendre qui, quoi, où, quand, si…

  • Quelles actions (manuelles ou mentales) peuvent m’aider à mémoriser
  • La part des affects dans les « apprentissage savants »
  • Les processus de l’oubli
  • Où se stockent les informations
  • Les conditions optimales pour une bonne mémorisation
  • Rythme des réactivations nécessaires
  • Construction des mnémotechniques
  • Est-ce la même chose de mémoriser le n° d’une place de parking, le nom d’un réalisateur de film(…), une leçon, une procédure, des savoirs de type encyclopédique, le prénom des élèves, où est mon amie quand elle ne revient pas à l’heure habituelle et qu’elle m’a dit ce qu’elle avait à faire…(= mémoriser dépend sûrement de ce qu’on mémorise)
  • Les mécanismes du cerveau qui se mettent en place afin de retenir, les mécanismes « organiques » de la mémorisation,
  • Types de mémoire
  • Quel rapport avec la mémoire, l’oubli, le refoulement, le déni, l’inconscient ?
  • Savoir si, comme l’avance Tisseron, les nouvelles technologies conduisent les jeunes à expérimenter, tâtonner intuitivement et non logiquement, de manière organisée… : est-ce que cela change quelque chose pour la mémorisation.
  • Je voudrais savoir pour comprendre, m’engager, participer.
  • Confirmer mon intuition que mémoriser est naturel. Comprendre pourquoi les élèves, (l’école), en font quelque chose de difficile
  • Apprendre enfin toutes les paroles des chansons que j’aime !

Pour terminer, une question indiscrète de ma part : « quelle question ou quel domaine vous paraît maintenant prioritaire ? » Et une autre : « quelle question aimeriez-vous poser à quelqu’un de votre entourage ? »

Hélène Trocmé-Fabre

Notes
  1. Cf. Annexe I. en bas de page
  2. Ce « gros mot » est moins gros quand on connaît son étymologie : il vient du verbe grec γίγνωσκω qui, à lui tout seul, signifie : « apprendre à connaître, se rendre compte, comprendre, reconnaître, prendre une décision, décider, résoudre « .
  3. Dans J’apprends donc je suis, publié en 1987, il était trop tôt pour demander au lecteur de renoncer aux termes courants de « stockage », « transmission », « production d’information ». J’ai dû le prévenir (p. 24) que ces termes ne transmettaient qu’imparfaitement notre réalité cognitive. Douze ans plus tard, dans Réinventer le métier d’apprendre (1999), le chap. 4, « Les dossiers majeurs du vivant », ouvre propose d’utiliser des mots plus ajustés à notre vie cognitive.
  4. Je suggère au lecteur de repérer ces 3 relations dans les réponses de l’ Annexe I, en inscrivant « E » quand vous estimez qu’il s’agit de la relation à l’Environnement, « A » de la relation aux Autres, « S » de la relation à Soi. Puis comparer avec ce qu’un collègue ou ami aura inscrit : il n’est pas sûr que vous soyez d’accord ! Vous pourrez alors chercher les indices : « qu’est-ce qui (te / me) fait dire que…. »
  5. En général, donner le résultat du sondage à ceux qui y ont participé permet que les réponses des autres ouvrent des perspectives nouvelles.
  6. Le remarquable site de Bruno Dubuc, « Le cerveau à tous les niveaux » permet une consultation dynamique des phénomènes cérébraux à plusieurs niveaux de difficulté (débutant, intermédiaire, avancé). Les phénomènes sont expliqués à cinq niveaux : moléculaire, cellulaire, cérébral, psychologique et social. http://www.lecerveau.mcgill.ca
  7. Boris Cyrulnik dans le film Né pour découvrir, premier film de la série Né pour apprendre, distribuée par SFRS, info@cerimes.fr.
  8. R.A. Luria, L’Homme dont le monde volait en éclats, Seuil, trad., 1995.
  9. Cf. le film Né pour créer du sens, op. cit./efn_note]. Cela signifie que si l’action n’est pas reliée à une perception (deux aspects indissociables de notre vie cognitive selon Francisco Varela) aucune prévision d’une action future ne peut avoir lieu, aucun lien ne permettra de « mettre le passé au présent », (qui est la véritable définition de la mémoire selon J.D. Vincent)9J’ai interviewé Francisco Varela dans les films Né pour organiser et Né pour créer du sens, op. cit. J’ai interviewé Jean-Didier Vincent dans Né pour innover, op cit.
  10. G. Edelman, Biologie de la pensée, Odile Jacob, 1992.
  11. J. Houston, L’homme en devenir, Le Jour, 1986
  12. Cette activité se trouve décrite en détail dans le livret d’accompagnement du vidéogramme Né pour innover, p. 17 ss. Elle se pratique à deux (A et B). L’amorce, ouvrant la porte à ce qui attend d’être reconstruit dans le présent, consiste à demander à l’autre : « raconte-moi dans ton enfance… quand tu as grimpé à un arbre ; … un vêtement que tu aimais ; ….quand tu jouais dans l’eau; etc. »
  13. T. Buzan, Une tête bien faite, Les éditions d’Organisation, réédition 2004.
  14. E. de Bono, Réfléchir vite et bien, Eyrolles, 2006
  15. H. Trocmé-Fabre, Réinventer le Métier d’apprendre, Les éditions d’Organisation, 1999, p. 72 ss.
  16. Tout ceci a été abordé dans J’apprends, donc je suis (éditions d’Organisation, 1987, 1994) p. 78-82. L’ouvrage épuisé actuellement, paraîtra en e-book dans le courant 2009.
  17. Cf T. Buzan, op. cit., p.135 ss.
  18. La meilleure définition de ce qu’est apprendre, pour le moment, me semble être : « learning is embedding the new in the familiar« .