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Une charte pour une éthique des inspecteurs pédagogiques

Les inspecteurs de notre système éducatif ne sont pas de simples agents de communication chargés de vendre des « produits ». Ce sont d’abord des experts dont la république attend qu’ils donnent du corps et de l’intelligence à notre système éducatif et à ses valeurs fondamentales.

Contre les dérives de « petits chefs cassants » ?

Leur parole transmet, explique, évalue et conseille. Cette parole a le devoir de se nourrir de la connaissance, de l’écoute et de l’observation fine et directe du système scolaire, en amont et en aval. Ce faisant, elle ne peut être galvaudée et réduite à un psittacisme propagandiste tout aussi conjoncturel que vain.
Or, l’impression d’une évolution régressive des attentes du ministère envers les inspecteurs a été nettement renforcée à partir de 2007 par les choix politiques des ministres de Robien et Darcos. Les inspecteurs ont rapidement perçu les dérives inquiétantes encouragées par ces évolutions. On leur a implicitement demandé de renier leur parole antérieure pour légitimer les nouvelles orientations politiques. Il s’agissait de vilipender des décennies de pédagogie pour justifier une politique scolaire en complète opposition avec tout ce qui avait été fait depuis l’après-guerre. Le côté « petit chef cassant » a été subrepticement flatté.

Vingt principes pour préserver l’éthique de la profession

Alors, comment ne pas redouter une généralisation de ces phénomènes quand la nouvelle gouvernance des inspecteurs est fondée sur l’intéressement individuel ? Un intéressement concrétisé par la création de primes octroyées ou non par un recteur ou son représentant qui fixent à discrétion des objectifs. Et comment ne pas redouter ces dérives alors que ces objectifs sont d’abord des cibles statistiques et non des vertus ou des qualités intellectuelles et culturelles ? Comment ne pas interroger sa conscience d’inspecteur pédagogique quand, dans le projet éducatif de la nation, le chiffre a pris le pas sur l’humanisme ?
Ce qui fonde l’engagement professionnel de la majorité des inspecteurs, c’est d’abord l’ambition de contribuer au progrès du système éducatif. Et ce progrès doit se concrétiser par une amélioration de la formation scolaire de tous les élèves, en relation avec une amélioration de l’accompagnement professionnel et humain des enseignants qui sont confrontés à une société difficile. Le ministère de l’Éducation nationale est essentiellement le ministère de l’intelligence, de la responsabilité et de l’ambition pour tous. Il ne peut être le ministère de la régression, de la défiance, de la sélection et de l’obéissance bornée.
C’est pour cela que lors de leur congrès d’avril 2009, les militants du SNPI-FSU ont décidé de rassembler dans une charte les règles et les postures progressistes et humanistes qu’ils sentent menacées. Ils ont voulu que ces règles et postures soient applicables dans toutes les situations professionnelles des inspecteurs. L’ensemble constitue une collection de vingt principes opérationnels rangés dans trois articles.
Le premier article porte sur les principes qui fondent l’exercice permanent d’une déontologie professionnelle des inspecteurs. Il évoque des principes comme celui de la loyauté envers l’intérêt général, ou encore celui de la relativité de toute observation, mais aussi les questions de l’indépendance d’appréciation, de la distanciation intellectuelle et du perfectionnement permanent par tout inspecteur de sa connaissance du système éducatif et des processus d’apprentissage.
Le deuxième article présente les principes qui méritent d’être promus dans les fondamentaux des inspecteurs que sont les moments d’échanges et d’expertise. Par exemple : « Pratiquer le dialogue interactif et prendre le temps nécessaire à l’écoute et à la compréhension de son interlocuteur » ou « Prendre soin dans les appréciations et avis exprimés sur les pratiques professionnelles de ne pas porter atteinte aux personnes. »
Enfin, le troisième article expose les principes qui permettent légitimement aux inspecteurs de contribuer au développement de l’efficacité du système éducatif. On y retrouve notamment le principe suivant : « Concevoir chaque acte professionnel comme un vecteur pédagogique destiné à élever le niveau de qualification des enseignants, des agents et des élèves. »

Réaffirmer l’humanisme du projet éducatif

Cette charte a d’abord vocation à interpeler chaque acteur de notre système. Il s’agit de provoquer la réflexion. Ce n’est pas un code déontologique de type juridique et contraignant, mais bien une charte éthique destinée à servir de référence intellectuelle aux inspecteurs, qu’ils soient ou non adhérents du SNPI-FSU.
Elle sera appelée à se compléter ou à se préciser. Nous nous donnons pour projet de la faire évoluer périodiquement, au fur et à mesure que l’expérience et les débats permettront de lui donner vie et sens. Mais déjà, les premières réactions nous montrent que ce texte répond à un besoin largement partagé dans la communauté éducative. Bien sûr, nous avons reçu des encouragements et des messages d’approbation d’inspecteurs (IEN, IA-IPR et même Igen) au-delà de nos adhérents. Mais surtout, de nombreux enseignants nous ont fait part de leur regard très positif pour cette charte.
Nous souhaitons que cette charte contribue à refonder l’existence d’une inspection utile et progressiste dans notre système éducatif. Elle s’appuie sur la conviction forte qu’il est possible de construire et de progresser sans renoncer ! Ce qu’elle dit est donc simple : ne renonçons pas à l’humanisme du projet éducatif ; là se situe le fondement du vrai progrès.

Dominique Momiron
Secrétaire général adjoint du SNPI-FSU
Lire et télécharger la charte sur le site du SNPI-FSU
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