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Quelques définitions pour s’y retrouver
Être « agressif », c’est selon le dictionnaire Le Robert, « avoir la volonté d’attaquer, de critiquer sans ménagement » et « rechercher systématiquement le combat, la lutte ».
« L’agresseur » dans ce même dictionnaire, c’est « la personne qui attaque en premier » et « l’agression », c’est « l’attaque contre les personnes ou les biens protégés par la loi pénale. »
Si le terme « attaque » revient dans ces trois définitions, toute forme d’agressivité n’est cependant pas à priori une violence, si elle est canalisée, régulée, contrôlée. Un travail sur les limites est, par exemple, indispensable dans le domaine du sport. Comme le dit Luc Collard dans son ouvrage Sport et agressivité[[Interview de Luc Collard au journal So Foot du 5 octobre 2006, à propos de son livre Sport et agressivité, Désiris, 2004.]] : « Gagner un match, c’est symboliquement éliminer l’autre, le détruire ; ce qui fait inévitablement appel à l’agressivité. Mais cette agressivité peut être de deux types : soit elle est légale c’est-à-dire que les règles du jeu permettent sa présence, soit elle est illicite et dans ce cas, elle fait souvent appel à la violence verbale ou gestuelle. L’agressivité légale est nécessaire au bon déroulement du match. Elle permet, en effet, d’impressionner le rival et de donner plus de puissance aux gestes sportifs. Seulement, elle doit aussi être mesurée, et chez les adolescents, cela peut parfois s’avérer difficile. »
L’agression ; c’est le passage à l’acte agressif et celui qui le commet devient l’agresseur. La notion d’agression et d’agresseur implique une agressivité illicite, rompant avec les règles inhérentes à une vie commune et faisant le plus souvent appel à des violences verbales ou gestuelles. Elle peut avoir différentes causes : le besoin de faire sentir qu’on détient un pouvoir ou le désir d’obtenir un certain pouvoir ou une certaine reconnaissance, mais également des causes sociales chez ceux qui n’ont pas d’espoir dans le futur. Un comportement agressif émerge généralement d’un contexte de vie où règnent des facteurs stressants (problèmes familiaux, de santé, de travail ou psychologiques). Si une personne est agressive contre elle-même ou contre autrui, plusieurs éléments peuvent être mis en cause comme la fatigue, l’éducation ou le milieu social dans lequel elle vit.
Les termes « agressif » et « agressivité » renvoient donc à un état d’esprit, à un état de tensions alors que les termes « agresseur » et « agression » renvoient plus à un « passage à l’acte ».
Ce mot fait partie du vocabulaire scolaire de base aujourd’hui dans les pays anglo-saxons et nordiques. Si l’on veut essayer de le traduire, bien qu’il soit utilisé tel quel dans nombre d’ouvrages traitant de la violence à l’école, le terme le plus proche apparait être « harcèlement » dans le sens d’un harcèlement physique, verbal aussi bien que moral vis-à-vis d’un autre élève ou vis-à-vis d’un enseignant. C’est d’ailleurs le terme « harcèlement » qui figure dans les textes de lois françaises : « harcèlement physique, sexuel, ou moral ».
Les recherches menées en France et dans d’autres pays ces dernières années ont bien montré que ce harcèlement provoquait un phénomène d’usure chez ceux qui en sont victimes de manière continue et répétée, enseignants comme élèves, et apparaissait, même s’il n’y avait pas de passage à des actes violents, comme très menaçant pour le climat de la classe ou de l’établissement scolaire.
L’expression « communauté » est souvent connotée péjorativement en France. Lorsqu’on l’évoque, vient souvent l’expression « repli communautaire » qu’on assigne immédiatement aux territoires périurbains des villes en oubliant qu’il y a un communautarisme des nantis très codifié qui n’est jamais mis en cause, alors qu’il porte souvent atteinte au vivre ensemble en refusant par exemple toute construction de logements sociaux dans son environnement.
Il y a des différences fortes entre ce qu’on appelle « communautarisme » en France et la démarche de « communauté » (community) aux USA. Ce terme y est souvent employé pour désigner l’environnement de l’école dans un sens positif, avec la diversité de ses caractéristiques. Il est lié à différentes notions comme :
– l’empowerment : c’est-à-dire la responsabilisation des habitants du territoire en leur donnant un certain nombre de pouvoirs ;
– le community organiser qui est une fonction à cheval sur ce qu’est en France un éducateur, un travailleur social et un responsable associatif. Il a notamment pour mission d’aider les habitants à se constituer en pouvoirs face aux différentes administrations locales et fédérales, y compris dans le domaine éducatif.
Cette approche peut apparaitre comme intéressante pour lutter contre la violence des jeunes, comme l’indiquent notamment Luc Bronner[[Luc Bronner, La loi du ghetto, Calmann-Levy, 2010.]] et Éric Debarbieux : « Un concept est en train de se faire jour aux États-Unis : celui de partage des pouvoirs. Des projets qui ne sont pas nés dans la communauté, mais soumis à la communauté, qui va tout gérer, avec des aides publiques précises ».[[Éric Debarbieux in École et Violence. ADAPT Éditions , 1997.]]
Évitons de dramatiser le conflit. Comme le disent fort bien les fiches pratiques « Vers un meilleur partenariat Familles-Ecole » de la FCPE du département du Loiret, le conflit est « naturel ». Ces fiches expliquent également qu’un conflit géré positivement peut déboucher sur un compromis efficace et durable :
« En cas de conflit, chercher à le résoudre d’abord par le dialogue entre les acteurs concernés, avec l’aide d’un supérieur hiérarchique, ou encore grâce à la médiation d’un tiers ou d’une commission.
– Éviter de confondre le conflit, qui est naturel et peut être utilisé de manière constructive, et l’agressivité, qui ne peut conduire qu’à un blocage des relations au détriment de l’élève.
– Préférer le compromis négocié où chacun sait à quoi il renonce, au consensus qui engendre un sentiment de frustration. »
C’est initialement le contraire de la civilité. Comme le remarque Sébastian Roché[[Sébastien Roché, Le frisson de l’émeute. Violences urbaines et banlieues, Le Seuil, 2006 et La délinquance des jeunes. Les 13-19 ans racontent leurs délits, Le Seuil, 2001. ]], mais également Éric Debarbieux et Cécile Carra, alors que la civilité est essentiellement employée au singulier, incivilité n’est quasiment employée qu’au pluriel, comme s’il ne pouvait y avoir qu’un ensemble de comportements, comme le dit le dictionnaire Le Robert, « qui constituent des manquements aux règles élémentaires de la vie en société ».
La notion de civilité est historiquement née de la culture de la ville au XVIe siècle en opposition à la violence du monde rural et de la noblesse. En 1703, Jean Baptiste de La Salle, fondateur des Frères des écoles chrétiennes, écrit Les règles de la bienséance et de la civilité chrétienne, alors que la Cour au XVIIIe siècle lui préfèrera le terme de politesse, jugée plus respectueux de la hiérarchie de la société.
Les incivilités apparaissent aujourd’hui comme « des atteintes quotidiennes au droit de chacun de voir sa personne respectée : paroles blessantes, grossièretés diverses, bousculades, interpellations, humiliations, racisme ouvert ou diffus. Les élèves, massivement, se plaignent du manque de respect, pour eux-mêmes ou pour leurs affaires personnelles. Les enseignants souffrent, en profondeur, d’une indifférence croissante des élèves à l’égard de ce qu’ils enseignent et, d’une façon plus générale, de la nécessité d’utiliser une part importante du temps scolaire à établir les conditions de possibilité pour ce qui est censé se passer pendant ce temps puisse effectivement se passer… Certaines incivilités se produisent ouvertement, d’autres prennent des formes plus insidieuses ; en général, les élèves sont grossiers sans respecter les formes alors que les professeurs savent injurier poliment les élèves… On peut fort bien, comme élève ou comme membre du personnel, respecter le Code pénal et le règlement intérieur de l’établissement tout en se conduisant de façon fort incivile. »[[Bernard Charlot et Jean-Claude Émin, Violences à l’école : état des savoirs, Armand Colin, 1997.]]
Un terme très à la mode dans nombre de milieux. Aborder la question de la médiation conduit à s’interroger d’abord sur sa définition : processus conduit par un tiers permettant d’établir ou de rétablir la communication entre des individus, des groupes ou des institutions. Une telle définition suppose que le recours à la médiation, donc à un tiers, soit symptomatique d’une communication rendue difficile, voire impossible pour des raisons de conflits ou par l’impossibilité d’utiliser un canal commun de communication. La médiation consiste non à se substituer au dialogue nécessaire entre les différents protagonistes, mais à permettre que celui-ci existe afin d’éviter au maximum que les conflits ne débouchent sur des passages à l’acte violents.
Il y a aujourd’hui des élèves médiateurs, des médiateurs parents-école, mais aussi des médiateurs nationaux ou académiques dans toutes les grandes institutions, y compris l’Éducation nationale. Il y a également des « médiateurs de quartier » qui, dans un certain nombre de communes, sillonnent les quartiers de jour comme de nuit, répartis par équipe de trois : « Notre rôle consiste tout autant à désamorcer les conflits qu’à assister les gens lors des soucis du quotidien… Peu de jeunes ont quelqu’un avec qui dialoguer. Souvent, à la maison ils partagent la chambre avec les frères et sœurs, et dehors ils sont toujours en groupe. Le médiateur peut instaurer un suivi individualisé qui peut s’avérer libérateur (…) Nous finissons par connaitre les familles. Ils se sentent écoutés, valorisés. Et notre parole est prise en compte. »[[Libération, 17 aout 2010, décrivant la situation de la ville des Mureaux, dans les Yvelines]]
La politique de prévention consiste dans la mise en place de mesures tendant à empêcher que des actions, des comportements, des accidents dangereux puissent se produire. On parle de prévention des accidents du travail, de prévention routière, de prévention médicale.
Les recherches menées dans le cadre de la Protection judiciaire de le Jeunesse (PJJ) et de l’Institut des hautes Études de la Sécurité Intérieure (IHESI) relayant des recherches menées à l’étranger notamment en Scandinavie et au Canada ont bien montré qu’il n’était pas pertinent d’opposer prévention et répression, mais que les deux volets devaient s’articuler entre eux, faute de quoi chacun serait inefficace.
Des dispositifs de prévention mis en œuvre à l’école et autour de l’école sont donc indispensables pour accompagner une politique de sanctions et faire que la peine ait un rôle éducatif, ait du sens. Parmi les différents dispositifs de prévention de la violence et de la délinquance, on peut citer le soutien à la parentalité, la lutte contre l’exclusion et le décrochage scolaire, l’éducation à la citoyenneté, les mesures alternatives à l’incarcération, le développement d’actions par les mouvements d’éducation populaire. L’ensemble des fonds versés par l’État en 2010 équivalent à environ 30 millions d’euros, la même somme que ce qui est versé par l’État pour la seule vidéosurveillance (voir définition de ce terme plus loin).
Cette restriction de moyens s’inscrit dans un contexte où Éric Ciotti, député UMP, auteur de la proposition de loi suspendant les allocations familiales aux parents des enfants absentéistes et adepte inconditionnel de la vidéosurveillance, déclare à la mi-aout 2010 : « La meilleure des préventions, c’est d’abord la crainte de la sanction ».
Ce terme très présent dans la politique française d’aujourd’hui s’est au XVIIIe siècle d’abord appelé « sureté ». C’est ainsi que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dans son article 2, définit comme « droits naturels et imprescriptibles de l’homme » : « la liberté, la propriété, la sureté et la résistance à l’oppression ». La sécurité est un terme qui peut s’employer concernant les ressources (sécurité matérielle), la santé (sécurité sociale), la circulation sur les voies de communication (sécurité routière), mais aussi la tranquillité et la résistance aux agressions extérieures. En terme militaire, on parle de la sécurité d’un pays. Le conseil de l’ONU, qui a pour première mission d’éviter des conflits entre États et doit donc agir pour la tranquillité et la pacification du monde, s’appelle « le conseil de sécurité ».
Depuis une vingtaine d’années, le concept de « sécurité intérieure » recouvre en France à la fois :
– la protection contre l’arbitraire ;
– le droit à l’ordre public qui assure la tranquillité et la sécurité des personnes et des biens ;
– la connaissance des risques naturels ou industriels et des mesures de prévention et d’alerte existants ;
la possibilité de circuler librement dans le cadre de règles précises.
C’est ainsi que la « sécurité » est étudiée dans les programmes d’éducation civique de 5e et de 4e qui précisent que « dans une démocratie, la loi assure la sécurité des personnes et des biens. Une force publique organisée par l’État assure le respect des règles collectives et lutte contre les infractions ».
Une politique sécuritaire, c’est une politique qui, comme le dit le dictionnaire Le Robert, « tend à privilégier les problèmes de sécurité publique » et à donc proposer des solutions purement répressives. Comme l’ont montré un certain nombre de chercheurs, elle est souvent liée à des modifications de ce que la société juge inacceptable. Ainsi Bertrand Rothe a-t-il étudié avec un juge des mineurs les faits consignés dans l’ouvrage « La guerre des boutons » de Louis Pergaud (ouvrage recommandé à la lecture des écoliers dans les instructions officielles entre 1930 et 1972). Il apparait que ce qu’ont fait ces enfants serait aujourd’hui passible de lourdes sanctions.[[Bertrand Rothe, Lebrac, 3 mois de prison, Le Seuil, 2009.]]
La sécurisation vise à assurer la sécurité dans un lieu, dans un territoire en le munissant de dispositifs de protection et également à apporter un sentiment de sécurité à ceux qui l’habitent ou y travaillent.
« Les filles sont très souvent insultées. […] Si les violences sexistes et sexuelles ne renvoient en rien à telle ou telle culture, les violences à l’égard des filles se produisent parfois au nom de convictions culturelles ou politico-religieuses. […] On constate les difficultés des acteurs du système éducatif à se positionner face au sexisme de certains jeunes par peur de glisser vers le racisme. […] Les manifestations homophobes ont tendance à se banaliser. Face à ce phénomène, les réactions et les sanctions de l’école s’avèrent insuffisantes, ce qui conduit à légitimer des attitudes, des propos et des violences. […] Les conséquences sont graves pour les victimes, du décrochage scolaire à la tentative de suicide. La première cause de mortalité chez les collégiens est le suicide. Et la première raison en est l’orientation sexuelle. »[[Rapport sur les discriminations remis au ministre de l’Éducation nationale en aout 2010]]
Tolérance zéro
L’expression « tolérance zéro » a été empruntée dans les années 1980 à une politique américaine visant à sanctionner durement la première « déviance » pour éviter toute récidive en dissuadant le coupable de recommencer. Les approches présentes aujourd’hui aux USA montrent que cette notion est en voie d’évolution et est beaucoup plus complexe qu’évoquée habituellement en France, comme le montre l’article d’un chercheur américain publié récemment.[[Russell Skiba dans le n°363 de Regards sur l’actualité, Violences et sécurité à l’école, La Documentation française. Aout-septembre 2010.]]
La « négociation », la médiation et la personnalité du jeune doivent être prises en compte lorsqu’un jeune commet ses premiers actes délictueux et sont un élément du processus de prévention et de réduction de la violence. La notion de « peacemaker », « faiseur de paix », est très souvent présente dans les programmes contre la violence mis en place, par exemple à Chicago, New York ou Washington. On y retrouve la logique de médiation, y compris de médiation de proximité existant ou ayant existé en France. Les États-Unis après avoir pratiquée la « tolérance zéro », tournent donc le dos à une politique que la Défenseure des enfants Dominique Versini a qualifiée de « dérive », car « l’absence d’alternative à l’incarcération et la volonté de marquer symboliquement la gravité de l’acte… fait qu’on donne une réponse sans prendre en compte la réalité de la personnalité de l’adolescent ».
Il s’agit de la surveillance de lieux, d’établissements publics par des caméras vidéos. Il y a un débat sur l’utilité des caméras de vidéosurveillance, en terme de dissuasion de la violence. Les études menées par le conseil régional d’Île-de-France montrent que si l’installation des caméras dans les lycées a un effet dissuasif les premières semaines, cet effet s’estompe au cours des mois suivants. On assiste à un simple transfert des lieux où se produisent les incidents que l’on peut qualifier de violents et non à une diminution des passages à l’acte.
ViolenceUn mot, hélas passe partout, qu’il importe de sérier.
« Nous avons un segment de définitions de la violence qui va se distribuer (…) (des) violences physiques directes et (des) violences verbales directes, visibles, jusqu’aux violences non physiques, nous dirions invisibles, indirectes, et aux violences non verbales indirectes. Nous avons rassemblé les violences directes dans la notion de violences pénales. Ce sont les violences sociales codées par la justice. Nous avons la violence physique, les injures, l’insulte. Aujourd’hui, l’injure à personne en fonction, en particulier aux enseignants, mais aussi aux responsables éducatifs, double avec le dernier Code pénal la peine et la responsabilité. Ces violences physiques, ces violences verbales vont s’étendre et s’entendre jusqu’aux violences de harcèlements, de dénonciations, aux violences “par défaut”, jusqu’à ce que j’ai appelé les violences d’attitudes, qui, elles, portent sur l’exclusion, la quarantaine d’attitude, l’indifférence, jusqu’à l’impolitesse, tant de la part des élèves que des enseignants ».[[Jacques Pain, L’école et ses violences, Economica, 2006.]]
N’oublions pas les violences symboliques, celles que Jacques George dans le n° 375 des Cahiers Pédagogiques de juin 1999 caractérisait ainsi : « L’école repose sur la violence : se mettre en rangs, ôter sa casquette, laisser trois carreaux à gauche, apprendre les règles d’accord du participe passé et les verbes irréguliers anglais, la loi d’Ohm et l’impératif catégorique. Quel serait le prix d’un abandon de ces contraintes ? Mais évidemment, il est difficile de discuter avec ceux qui ne font pas la distinction entre la violence tout court et la violence symbolique. »
Jean-Louis Auduc
IUFM de Créteil/UPEC