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Un sentiment de solitude

La commission d’appel de l’académie de Créteil est composée de quatre représentants de l’Éducation nationale (représentant la rectrice, l’inspection académique, les chefs et les enseignants), deux représentants de parents d’élèves. Cette commission qui regroupe les départements du Val-de-Marne, de la Seine-et-Marne et de la Seine-Saint-Denis se réunit deux fois par semaine, à l’exception des vacances scolaires. Elle étudie six appels, trois le mardi et autant le jeudi.

Cette commission d’appel, après avoir entendu les parents et l’élève et les représentants de l’établissement ayant tenu le conseil de discipline, rend un avis qui est communiqué à la rectrice, afin qu’elle prenne sa décision.

Plusieurs constats s’imposent

On note que plus de garçons passent en conseil de discipline que de filles. Les conseils de discipline sont principalement tenus dans les collèges. Dans les lycées, il s’agit essentiellement des sections technologiques et professionnelles. Les dossiers étudiés concernent à 99 % des exclusions définitives sans sursis. La majorité des élèves concernés sont en échec scolaire. Les parents ne sont pas démissionnaires.

À la question « que demandez-vous à la commission ?  », deux réponses sont données : principalement, une diminution de la sanction et, dans une moindre proportion, trouver un nouvel établissement à l’élève.

Le premier motif d’appel est la diminution de la sanction, à savoir l’exclusion définitive de l’élève.

Des sanctions éducatives ?

Il ressort des affirmations des parents de l’élève que le conseil de discipline est vécu comme un tribunal, que leurs arguments n’ont pas été entendus et que la décision d’exclusion définitive était prise avant la tenue de celui-ci. Le caractère éducatif de la sanction ne fait pas partie de leur vocabulaire, bien au contraire, ils la subissent et l’estiment injuste. Alors que ce caractère éducatif est régulièrement rappelé dans la circulaire Chatel (aout 2011).

Contrairement à une idée reçue, les parents souhaitent une sanction pour leur enfant, mais ils la demandent proportionnée aux faits reprochés.

Trop souvent, l’élève et ses parents n’ont pas compris l’enjeu du conseil de discipline et ses conséquences. Ils n’ont pas les codes du fonctionnement de celui-ci. Ainsi, par exemple, ils ne savent pas qu’ils peuvent demander une copie du dossier qui sera présenté lors du conseil, afin de ne pas être pris au dépourvu. Les parents se sentent uniquement mis en accusation par la direction et l’équipe enseignante.

Par ailleurs, que penser des dires des chefs d’établissement expliquant avoir été contraints de convoquer un conseil de discipline sous la pression des enseignants, du caractère éducatif de l’exclusion définitive, au motif que le changement d’établissement serait une nouvelle chance pour l’élève, selon la direction de l’établissement ? N’est-ce pas plutôt une manière de se débarrasser du problème sans avoir mis en place un certain nombre de dispositifs existants et exigés par la loi ? Lors du vote décidant la sanction, pourquoi le chef d’établissement commence-t-il toujours par la sanction la plus lourde, alors que rien ne l’y oblige ? Que penser des motifs de convocation du conseil trop généraux, tel que le non-respect du règlement intérieur ou les nombreuses absences, si ce n’est se débarrasser de l’élève ne rentrant pas dans les normes ? Quid de la parole de l’adulte, faisant partie de la communauté éducative, qui l’emporte toujours, même si elle est contredite par des attestations contenues dans le dossier ? Ou de la décision, de manière très fréquente, d’une mesure conservatoire interdisant l’accès de l’établissement à l’élève jusqu’à son conseil de discipline ? Pendant tout ce délai, le suivi scolaire est très rarement mis en place par l’équipe pédagogique, en totale infraction avec la circulaire Chatel. Ainsi nous recevons, lors de la commission d’appel, des élèves qui n’ont plus été scolarisés pendant au minimum un mois et n’ont eu aucun programme des cours, ni devoirs. Ces élèves étant déjà en échec scolaire, quelle chance leur donne-t-on ?

La demande de rescolarisation

Le deuxième motif d’appel est de permettre à l’élève d’être de nouveau scolarisé dans un nouvel établissement. Cette difficulté apparait principalement lorsqu’un lycéen est exclu définitivement d’un lycée professionnel.

Deux difficultés apparaissent : d’une part, la scolarité n’est plus obligatoire à compter de 16 ans, toutefois l’élève doit terminer son cursus scolaire, et, d’autre part, peu d’établissements font les mêmes spécialités.

Bien souvent, il existe un établissement par département répondant au choix de l’élève, voire deux ; mais ces derniers ont un effectif complet dès le début de l’année scolaire, leur empêchant d’intégrer un élève exclu.

Les conséquences en sont dramatiques, entrainant ainsi une déscolarisation précoce des élèves. L’élève exclu n’est plus scolarisé depuis plusieurs mois, et son seul espoir est d’intégrer, en cours d’année, voire de cycle, une filière qui ne correspond pas à son orientation.

Depuis trois années et avec le recul, je constate que la bienveillance ne fait pas partie des décisions rendues par les membres des conseils de discipline. Peut-être parce qu’il s’agit d’une instance dans laquelle les membres sont juges et parties. Des personnes extérieures à l’établissement auraient certainement le recul nécessaire pour appliquer une autre sanction.

Enfin, dans cette commission d’appel, je me sens très seule pour faire évoluer la sanction. En effet, la composition est telle que les représentants de l’Éducation nationale sont ultramajoritaires (quatre sur six membres) et, ces derniers défendant leur institution, décident à 98 % de maintenir la décision d’exclusion définitive.
Un long chemin doit être encore parcouru afin que les sanctions soient éducatives, qu’une bienveillance soit appliquée et que les réflexes anciens soient bannis. Car tout le système devrait tourner autour d’un seul objectif : l’intérêt de l’élève.

Nathalie Bellaïche
FCPE 94