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Pourquoi écrire ?

En démarrant cet édito, je me suis dit : et si j’écrivais un texte pour ne pas être lu, ça ressemblerait à quoi ? Je me suis alors lancé en tapant ce qui venait. Je crois que je vais garder ça pour moi… D’ailleurs, si je devais le publier ici, ce serait finalement pour qu’il soit lu. Mais pourquoi j’écris, au fait ? Cela ne serait qu’une histoire d’intention ? Et si j’écris uniquement pour moi, c’est déjà pour quelqu’un, non ?

S’écrire, s’écrier. Écrire, c’est crier. Haaaa, ça sort ! Mais on a envie que ça prenne une belle forme. Pour convaincre ? Pour ravir ? Pour embarquer ? Pour bousculer ? Pour émouvoir ? Pour guérir ? Pour s’aguerrir ? Pour mettre en ordre ? Pour relier ? Écrire pour être élu ?

On peut se demander, par exemple, si les personnalités politiques qui réussissent à écrire plusieurs livres tout en étant ministres ont eu le temps de lire ce qu’elles ont écrit. Aurions-nous abouti à une société dans laquelle nous ne lisons pas ce que des gens n’ont pas écrit ? Le temps moyen passé sur une page web est de huit secondes. À moins d’avoir suivi des cours de lecture rapide, ça laisse peu de temps pour lire plus que le titre. Parfois, on va jusqu’au chapô. Il nous alerte, nous choque, nous indigne. On tweete, on like, on partage, mais qui s’arrête pour lire ? Qui a lu un écrit de notre nouveau ministre sur ses travaux d’historien ? À peine nommé, il est pourtant encensé par les uns et mis au pilori par les autres. Qui a lu les programmes éducatifs des candidats aux élections ? Et les élèves auraient des difficultés d’attention…

Quand je relis ce que j’ai écrit pour ne pas être lu, je me dis que c’est impossible. Puisque tout texte écrit est immédiatement lu. Ou alors, il faudrait écrire dans le noir, froisser la page et la jeter immédiatement. Ou inventer une application qui efface ce qu’on écrit au fur et à mesure.

Je me suis aussi demandé si cet acte n’était pas finalement très égoïste. Je n’écrirais que pour moi, mon nombril, mon ego (me, myself and I). Peut-être. On peut aussi y voir une recherche de lien, de résonance, d’interaction avec soi, avec les autres, avec le monde.


Article paru dans le n° 578 des Cahiers pédagogiques, en vente sur notre librairie :

 

Écrire pour être lu

Coordonné par Ben Aïda et Jean-Michel Zakhartchouk
Ce dossier s’inscrit dans une réflexion critique menée sur les « fondamentaux » à l’école énoncés dans les discours injonctifs (« lire, écrire, compter, respecter autrui »). Il s’agit de s’interroger à la fois sur le sens à donner à l’écriture des élèves (qu’écrivent-ils, pourquoi, pour qui ?) et sur l’apprentissage du geste.