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Napoléon contre Monomotapa
C’est une sorte de rituel depuis le début des années 1980 : à chaque rentrée scolaire ou presque, Le Figaro alerte les Français sur l’effondrement de l’enseignement de l’histoire, cet outil privilégié de transmission des valeurs nationales et républicaines. En 1979, le cri d’alarme d’Alain Decaux « On n’enseigne plus l’histoire à vos enfants » s’inscrit dans le contexte de la réforme Haby : ce ministre qui avait osé fondre l’enseignement de l’histoire-géographie dans les activités dites d’« éveil » en primaire et dans un vaste ensemble dévolu aux sciences humaines et sociales dans le secondaire. L’APHG (Association des professeurs d’histoire-géographie) s’en était émue dès 1976 et, forte du soutien d’Alain Decaux, avait impulsé un vaste mouvement de protestation contre le risque de dissolution disciplinaire. Le cadre de la critique s’installe dès ce moment : une société où l’on n’enseigne plus l’histoire de France, ses héros, ses larmes et ses évènements fondateurs, est une société qui perd son âme et son identité. Parmi les responsables de cette disparition de nos « humanités », les pédagogues sont les premiers visés. Ils scient l’estrade de l’autorité du maitre et, ce faisant, participent à déconsidérer la noble transmission des savoirs. On préfère désormais l’histoire économique et sociale aux grands hommes. Inadmissible.
Cette méfiance concomitante de la pédagogie, de la didactique (qu’on confond allègrement) et des acquis de la recherche, on la retrouve à l’identique dans la nouvelle vague de contestation impulsée par Le Figaro Magazine depuis la mise en place des nouveaux programmes de collège 2008. Ces derniers incluent désormais l’étude d’un royaume africain médiéval (trois heures !) et prélèvent quelques heures (de gloire) à Louis XIV et Napoléon, provoquant l’ire des thuriféraires du roman national. Les sarcasmes vont bon train : on préfère le « poétique Monomotapa » aux héros nationaux. Les dérives politiques ne se font pas attendre, et les dernières issues du Figaro Magazine suivies du Figaro Histoire regorgent d’appels à peine camouflés à la préférence nationale. La boucle est bouclée : l’identité nationale se perd parce que, avec la complicité du lobby pédagogiste, le récit national est mis à mal par l’intrusion des civilisations étrangères dans les programmes qui, non seulement flattent les populations immigrées, mais aussi stimulent l’esprit de repentance constitutif de l’anti-France.
Cette nouvelle instrumentalisation de l’histoire scolaire à des fins politiques prouve l’urgence d’une véritable réflexion sur les finalités de notre discipline et sur l’avenir (refondation ?) de notre école.