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N’enterrons pas vivantes les compétences

Il faudrait donner des moyens supplémentaires aux équipes de professeurs qui veulent innover. Ce qui compte pour faire bouger les choses, c’est l’équipe pédagogique, et non les circulaires du ministère.

Richard Descoings, Le Nouvel Observateur, août 2009.

Depuis une vingtaine d’années au niveau international et au moins depuis 2006 en France, le travail par compétences fait l’actualité pédagogique : expérimentations québécoise, belge, suisse ou portugaise, Cadre européen des langues, vote par le parlement français du socle commun (dont la certification sera requise pour obtenir le diplôme national du brevet à partir de la session 2011), mise en place des livrets de compétences à l’école primaire et maintenant au collège…
Ces réformes devraient imposer de véritables bouleversements dans les pratiques pédagogiques. « Devraient », car pour certains enseignants, le mot « compétence » dérange : il rime surtout avec « usine à gaz », « évaluationite » ou encore « assassinat des savoirs et des programmes ». Il est vrai que le travail par compétences recèle des pièges redoutables pour lesquels ce dossier donnera, nous l’espérons, quelques chemins balisés.
Malgré tout, d’autres enseignants, dont nous sommes, sont persuadés de l’intérêt de l’approche par compétences. Connaître plus finement nos classes et nos élèves, individualiser les parcours, tenter de faire progresser tout le monde, transformer nos corrections trop stériles en remédiations ? Travailler par compétences ne suffira certes pas mais sera un préalable précieux. Ce n’est pas une méthode pédagogique en tant que telle, mais un outil très utile au service de conceptions pédagogiques comme la différenciation, l’évaluation formative ou encore l’individualisation.
Alors que nous devrions être ravis que le socle commun soit du ressort d’une loi, nous sommes très inquiets des conditions dans lesquelles il se met en place. Les expériences internationales, le plus souvent par leurs difficultés voire leurs échecs, montrent toutes l’importance fondamentale de la concertation de la communauté éducative, de la formation approfondie des enseignants, d’une réflexion poussée sur des livrets de compétences lisibles et exploitables… Or, ce n’est pas du tout le chemin pris en France : concertation très limitée, formation initiale et continue insuffisante, parents oubliés, évaluation réduite à sa dimension certificative. Qui ne voit pas venir lors du dernier conseil de classe de 3e une validation à la louche de compétences ni travaillées ni évaluées par l’équipe pédagogique ? D’où, aussi, notre souci de fournir par ce dossier des pistes de réflexion et des expériences concrètes cherchant à développer le meilleur du travail par compétences[[Nous n’aborderons pas spécifiquement la question du socle commun. Sur ce sujet, nous renvoyons à :
– Jean-Michel Zakhartchouk (avec la collaboration de Rolande Hatem), Travail par compétences et socle commun, CRDP d’Amiens et CRAP, 2009. – « Le socle commun, mais comment faire ? », hors-série numérique en téléchargement sur le site des Cahiers :
https://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=3402 ]].
Dans un premier temps, nous essayons de savoir si le travail par compétences est encore une mode pédagogique au travers des échanges de points de vue de quatre grands chercheurs : quel match savoirs-compétences ? Comment articuler compétences et programmes ? Philippe Perrenoud conclut cette partie en soulignant vigoureusement les dix précautions à prendre dans une approche institutionnelle des compétences.
Puis, avec des outils pour mettre en œuvre, nous vous proposons des articles et fiches pratiques pour définir compétences, situations et ressources, et pour animer la formation des collègues.
Des enseignants qui pratiquent de la maternelle au lycée et qui obtiennent des résultats apportent ensuite leurs témoignages. Ils pourront rassurer et motiver ceux qui veulent se lancer.
Le travail par compétences étant en chantier actuellement, nous n’avons pas voulu conclure ce dossier. Au contraire, le nombre important de contributions reçues nous a amenés à prévoir une suite dans les prochains numéros des Cahiers.

Anne Hiribarren et Vincent Guédé, Collège expérimental Clisthène (Bordeaux).