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L’évaluation par contrat de confiance et les compétences

Pour lutter contre des pratiques injustes induites par les dérives de la courbe « en cloche » de Gauss,  André Antibi présente la méthode dite « d’évaluation par contrat de confiance » : EPCC. Cette méthode est-elle compatible avec l’évaluation par compétences ?, lui a-t-on demandé en 2011 Voici sa réponse.

Un système d’évaluation destiné à éradiquer ce phénomène a été expérimenté pendant trois ans. Il s’agit du système d’évaluation par contrat de confiance (EPCC). Ce système est très facile à utiliser et ne nécessite aucun moyen supplémentaire. Il est déjà mis en pratique par des milliers d’enseignants. Il repose sur le principe de base suivant : l’élève doit prendre conscience du fait que les efforts qu’il fournit ne sont pas vains, que le travail est une valeur importante.

  • Programme de révision : une semaine environ avant chaque contrôle de connaissances, l’enseignant donne un programme détaillé de révisions, une liste de points du programme déjà traités et corrigés en classe. L’élève est informé que les 4/5 environ de l’épreuve du contrôle porteront sur certains des points de la liste. Précisons qu’il ne s’agit nullement de communiquer le sujet du contrôle à l’avance ! Cette liste doit être telle qu’un apprentissage par cœur immédiat soit impossible ;
  • Séance de questions-réponses : un ou deux jours environ avant l’épreuve, l’enseignant organise une séance de questions-réponses au cours de laquelle les élèves peuvent demander des explications ou des précisions sur certains points mal compris ;
  • Élaboration et correction du sujet : le sujet du contrôle doit être de longueur raisonnable ; il est normal que les meilleurs élèves terminent avant la fin du temps imparti. On peut leur proposer des questions difficiles non notées. D’autre part, les règles de rédaction, malheureusement absentes des programmes officiels, doivent être précisées par l’enseignant.
EPCC et évaluation par compétences

On peut associer à chaque compétence une liste de points bien précis : définitions, théorèmes, démonstrations, textes littéraires, etc. Ces points constitueront alors une liste de contrôles de révision EPCC. Selon la note obtenue à ces contrôles, l’élève aura acquis ou non la compétence.

En cas de non-acquisition, l’élève pourrait avoir la possibilité, à la fin de chaque trimestre par exemple, de bénéficier d’un nouveau contrôle EPCC portant sur la compétence non acquise.

Ce n’est pas l’évaluation par compétences en tant que telle qu’il faut rejeter, mais la présentation qui en est faite actuellement aux enseignants, beaucoup trop éloignée des réalités de terrain Contrairement à ce que certains pourraient penser, je peux affirmer que les professeurs sont prêts à faire évoluer leur enseignement, mais il faut que les changements soient proposés en concertation, avec eux, dans un vrai climat de confiance.

Est-ce qu’une évaluation par compétences permettra de supprimer la constante macabre ? Pour répondre à cette question, il convient de bien différencier la théorie et la pratique.

En théorie, s’il était possible d’affirmer qu’une compétence est acquise ou ne l’est pas, il est clair qu’il n’y aurait plus de constante macabre sous sa forme usuelle ; si tous les élèves d’une classe ont acquis la compétence, il n’y aurait plus d’élèves en échec.

Impression

Malheureusement, la réalité est différente. En effet, en dehors de certains cas particuliers, il est impossible de dire sans ambiguïté si une compétence est acquise ; dans ce climat d’imprécision, la constante macabre réapparaît tout naturellement. C’est le cas par exemple dans l’enseignement primaire. Plus précisément, les enseignants sont invités à mettre trois types d’appréciation, « acquis », « non acquis », « en voie d’acquisition ». Inconsciemment, ils se sentent obligés de mettre des élèves dans chacun des trois groupes pour avoir l’impression d’avoir évalué correctement.

À ce sujet, l’anecdote suivante peut avoir un caractère cocasse : trois inspecteurs de l’Éducation nationale, convaincus du combat contre la constante macabre, ont reconnu au cours d’une de mes conférences qu’ils seraient très choqués s’ils inspectaient un professeur qui ne mettrait aucune appréciation « non acquis » à un contrôle…

D’autre part, il convient de prendre garde au point suivant : une évaluation par compétences trop stricte peut conduire à une augmentation du phénomène de constante macabre. Par exemple, on ne comprendrait pas que l’on attribue à un élève plombier la compétence « savoir réparer une fuite d’eau » si cet élève n’arrive à ses fins qu’une fois sur deux… En procédant ainsi dans certaines disciplines scolaires, on risquerait d’augmenter le niveau d’exigence. On sait en effet qu’il est possible d’être reçu à un examen de haut niveau sans avoir acquis toutes les compétences associées au programme de cet examen.

Il convient d’insister sur un point : la constante macabre n’est pas un problème de notation, c’est un problème profond de culture de l’évaluation Pour changer cette culture, les professeurs ont besoin d’être aidés de façon concrète et réaliste ; le système EPCC permet d’atteindre cet objectif. Il n’est en rien incompatible avec une évaluation par compétences, au contraire.

(Cahiers pédagogiques n° 491, « Évaluer à l’heure des compétences », sept.-oct. 2011)

André Antibi
Professeur à l’université Paul-Sabatier de Toulouse

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Bibliographie

André Antibi, Les notes : la fin du cauchemar, ou comment supprimer la constante macabre, Éditions Math’adore, Nathan, 2007.

Le site du mouvement contre la constante macabre : mclcm.fr (documents officiels, témoignages, vidéos…).