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Les nouvelles politiques éducatives : la France fait-elle les bons choix ?

Voici un livre qui est appelé à devenir un ouvrage de référence. À l’heure où les évaluations internationales (Pisa, PIRLS…) prennent de plus en plus de place dans le débat sur l’école, où les comparaisons conduisent souvent à des prescriptions caricaturales (telles qu’« il faut finlandiser le système français »), Nathalie Mons, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Grenoble, met en perspective ces questions, élabore une typologie des politiques éducatives et nous permet d’aller contre un certain nombre d’idées toutes faites. À ce titre, sa contribution est tout à fait complémentaire d’un autre livre récent : « La nouvelle question scolaire » d’Éric Maurin.
Nathalie Mons s’appuie d’abord sur une solide approche comparatiste pour mieux caractériser le système éducatif français. Elle analyse plus particulièrement la décentralisation et l’autonomie des établissements, le collège unique et la carte scolaire. Son étude l’amène donc à des prises de position argumentées sur tous ces sujets. Sur le collège unique, elle considère que la France s’est inscrite dans cette logique assez tardivement sans se donner les moyens de sa réussite et qu’on cherche aujourd’hui à s’en soustraire par le recours à des options différenciantes et au redoublement qu’elle juge néfastes. Elle avertit : « Le raccourcissement de la durée de l’école unique est porteur d’inefficacité et de plus grandes inégalités scolaires et sociales. »
Elle évalue également la politique de destruction de la carte scolaire et l’autonomie des établissements en écornant au passage quelques slogans faciles. « L’étude montre que ni le libre choix dans le réseau public, ni le développement du secteur privé ne sont associés à une amélioration du niveau général des élèves. Ce résultat met en défaut les théories néolibérales qui affirment que le libre choix permet une émulation entre les
établissements et donc une stimulation des équipes pédagogiques, ce qui au final se traduirait par de meilleurs apprentissages des élèves. Les choses ne sont pas aussi simples. »

Experte auprès de l’OCDE et de la commission européenne, elle connaît bien le sujet des évaluations internationales. Dans de nombreux pays, ces évaluations et les classements qui en résultent ont eu un impact important sur les politiques menées. À tel point qu’on a pu parler de convergence des politiques éducatives sous leur influence et celles des nouvelles théories de l’action publique (New Public Management). C’est cette convergence qui donne son titre à l’ouvrage et qui constitue la problématique principale du livre. Face à ces évolutions, la France a jusqu’à maintenant semblé en retrait. A-t-elle eu raison d’être attentiste ou au contraire doit-elle se réformer rapidement face aux enjeux de l’« économie de la connaissance » ?
Sur ce point-là aussi, le propos de Nathalie Mons est loin des simplifications abusives. Pour elle, le travail de comparaison et d’évaluation internationales est intéressant et doit être pris en compte pour mieux analyser l’état de santé de notre système éducatif. Mais elle souligne aussi que ces évaluations internationales ne doivent pas piloter les réformes et imposer de soi-disant « bonnes pratiques » venant d’ailleurs. Il ne s’agit donc pas de « finlandiser le système français » mais de trouver nos propres directions d’évolution et de nouvelles régulations.
La France peut-elle pour autant rester dans le statu quo souvent décrié ? Nathalie Mons montre d’abord que ce supposé immobilisme du système français ne correspond pas tout à fait à la réalité. Le système éducatif français évolue « pas à pas » mais, dit-elle, « si l’école française renvoie cette image d’incapacité à se réformer, c’est parce que, contrairement aux autres pays de l’OCDE, les réformes y avancent sous couvert, sans effet d’annonce médiatique, ni régulation nationale, faute d’ambition politique affichée ». Mais elle souligne juste après que la France est aujourd’hui au milieu du gué, si « la réformette a évité au pays les effets pervers d’une politique néolibérale extrême », les résultats restent médiocres. L’échec et les inégalités sociales restent trop importants au regard des ambitions de l’école républicaine.
Il s’agit donc bien d’un choix de société qu’elle éclaire par cette forte analyse. Veut-on aller dans le sens de la réussite de tous ou vers une école du renoncement et du renforcement des inégalités ? Comment mieux gérer les ressources et évaluer les actions ?
Ce livre essentiel nous rappelle que l’enjeu pour l’école de demain sera de combiner efficacité et équité.

Philippe Watrelot