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Les notes. Secrets de fabrication

Dans un récent rapport de l’inspection générale de l’Éducation nationale, on estimait que l’évaluation représentait entre un quart et un tiers du travail de l’enseignant. Cette activité chronophage est aussi bien souvent une « boîte noire » dont les mécanismes qui aboutissent à la production de la note sont inconnus.
Pour beaucoup d’enseignants, il n’y a pas d’ailleurs à s’y intéresser puisque la note constitue une mesure la plus objective possible du niveau scolaire des élèves.
C’est le premier mérite de Pierre Merle que de rappeler dans ce livre, comme dans certains ouvrages précédents, que la note est loin de cette « objectivité » mythifiée et résulte d’un véritable processus de fabrication. Il s’appuie sur des entretiens menés il y a plusieurs années auprès de professeurs et de données plus récentes pour développer l’idée que la note est un « arrangement ». C’est-à-dire un bricolage entre des objectifs quelquefois contradictoires : mesurer les acquis, encourager et ne pas démotiver, obtenir la paix dans la classe,…
L’arrangement ne se limite pas à une négociation implicite, celle-ci peut aussi être explicite et se faire à plusieurs niveaux.
L’auteur montre aussi que l’image que l’on se fait de l’élève joue un rôle non négligeable dans l’évaluation. Il s’appuie notamment sur une analyse de la pratique des fiches de renseignement que l’on fait remplir (ou non) en début d’année. Il montre que les questions sur l’origine sociale, la taille de la fratrie, les conditions de travail, etc. qui sont souvent posées dans ces fiches sont révélatrices des conceptions que se font les enseignants de l’équité et de l’égalité.
Il s’intéresse aussi au « monument national » qu’est le baccalauréat. On a souvent mis en avant l’argument de l’égalité de traitement pour justifier de son maintien. Pierre Merle questionne cette supposée égalité et insiste sur les biais et les aléas de la notation au moment des épreuves. Il se penche également sur le fonctionnement des jurys et des commissions d’entente. Là aussi, il est question d’« arrangements » et l’auteur en profite pour plaider pour plus d’encadrement et de définition de règles communes.
Au final, derrière la question de la note qui est déjà importante en soi quand on sait ce que cela représente dans la réussite ou l’échec des élèves, se cache une autre question. C’est la question des valeurs de l’école et du vieux débat entre égalité et équité. Un débat qui se joue au quotidien pour chaque enseignant, devant chaque copie, devant la classe et avec les collègues.