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David Larose : « C’est important de transmettre et d’apprendre à transmettre »

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Crédit photo Isabelle Greiger.

Après quinze ans de tournois et une participation aux jeux Olympiques de 2012, le judoka David Larose a rejoint les bancs de l’université Paris-Descartes. Une belle revanche pour cet enfant de la DDASS (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) né en Seine-Saint-Denis et non-titulaire du bac.
Vous avez commencé le judo suite à un incident de discipline à l’école primaire.

Oui, j’avais 8 ans et lorsqu’on me faisait des remarques que je trouvais injustes, je m’énervais très vite. Il faut dire aussi que je vivais alors dans une famille d’accueil qui ne m’éduquait pas, qui ne suivait pas mes devoirs. Un jour, au cours d’une discussion où le ton est monté très vite, j’ai lancé une chaise vers mon maitre de CE2. Le directeur m’a dit que ce serait bien que je trouve quelque chose pour canaliser mon énergie. J’ai choisi le judo ! Sinon, à l’école, j’étais assez doué dans les matières scientifiques, mais je n’aimais pas le français : je n’avais pas la gymnastique des mots. C’est d’ailleurs grâce à ma professeure de mathématiques de 3e que j’ai pu faire sport-études. Il fallait de bons résultats scolaires, mais surtout un potentiel d’athlète de haut niveau. Le responsable du Pôle Espoirs Ile-de-France de Brétigny-sur-Orge (Essonne), qui m’avait repéré lors des championnats interrégionaux, avait fait savoir que mon profil l’intéressait. J’ai donc fait une demande de dossier in extremis. Mais pour être accepté, il fallait que j’aie mon brevet des collèges et que j’entre au lycée. Or, j’avais obtenu une moyenne de 9,8/20. Ma professeure de maths a appuyé mon dossier, et le principal a tranché en disant qu’il ne fallait pas « pénaliser un jeune qui a un vrai projet ».

Sport-études, c’est vite devenu « sport-sport » pour vous ?

Le problème dans ce cursus, c’est quand il y a une grande réussite sportive, qui implique de nombreuses compétitions et des stages à l’étranger. Pour moi, c’était notamment en Asie. Si l’on n’est pas très scolaire à la base, comme c’était mon cas, on perd vite le fil, car les emplois du temps sont très chargés. Mais de nombreux élèves parviennent à concilier les deux ! Au cours de mon année de 2de, j’ai obtenu ma ceinture noire et le statut de sportif de haut niveau (délivré par le ministère des Sports). J’ai rejoint l’Insep (Institut national du Sport, de l’Expertise et de la Performance), toujours dans une section sport-études pour l’année de 1re. C’est là que, compte tenu de mes performances, mon club de Sainte-Geneviève m’a conseillé d’avoir un travail où je pourrais signer une CIP (convention d’insertion professionnelle). C’est une convention entre un sportif, sa fédération et un employeur qui permet de sécuriser l’athlète d’un point de vue financier. C’est ainsi que j’ai commencé à travailler pour le conseil départemental de l’Essonne, un jour par semaine. Le reste de la semaine, j’étais en détachement pour m’entrainer au judo. Je ne regrette pas d’avoir saisi le train au moment où il passait, on ne sait jamais quand passe le suivant ! J’ai été titularisé au conseil départemental au bout d’un an, et c’est encore ce poste de fonctionnaire qui me permet de vivre et de reprendre mes études aujourd’hui.

Pourquoi reprendre des études malgré vos difficultés passées ?

Il y a trois ans, s’est posée la question de ce que j’allais faire après ma carrière de sportif de haut niveau. Comme je n’avais pas de diplôme, j’ai préparé et obtenu un brevet professionnel pour être professeur de judo. Cette formation en deux ans m’a permis de me remettre à la page au niveau scolaire. Comme j’ai toujours voulu entrainer le haut niveau, j’ai poursuivi avec un Desjeps (diplôme d’État supérieur de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et du Sport), qui permet d’être entraineur national ou d’encadrer une grande structure comme un Pôle France ou un Pôle Espoirs. Je pense que c’est important de transmettre, et d’apprendre à transmettre. Je voudrais éviter aux jeunes judokas de faire les mêmes erreurs que moi, comme tous les régimes néfastes que j’ai faits. Je pourrais leur faire gagner du temps là où j’en ai perdu.

Mais ce n’est pas le tout de posséder des connaissances, encore faut-il savoir comment les partager avec les autres. L’an dernier, j’ai discuté avec la responsable des formations de l’Insep, qui m’a proposé d’entrer dans un master. Je lui ai dit : « Un master, c’est bien beau, mais je n’ai pas le bac !  » Elle m’a rassuré en m’expliquant qu’il y a une passerelle grâce au Desjeps, qui est l’équivalent d’une licence. Même la personne de l’administration de l’université Paris-Descartes a été surprise que je puisse m’inscrire en master sans avoir le bac ! Cela reste des cas particuliers. Voilà comment je me retrouve cette année en master sport, expertise, performance de haut niveau, qui se prépare à l’Insep en deux ans.

Vous avez deux petites filles. Quel regard portez-vous sur l’école aujourd’hui, en tant que parent ?

L’école, c’est l’apprentissage, elle doit instruire les enfants. Nous, les parents, nous sommes là pour leur inculquer des valeurs. Je dis à mes filles qu’il est important de s’aimer soi-même, d’être droit, de dire la vérité. Je fais attention à ce qu’elles respectent un cadre, des règles, même si, à côté de cela, on peut rigoler. J’ai été en échec scolaire et j’ai envie que mes enfants soient à l’aise avec l’école, aient des copains. J’espère que mes filles seront des passionnées de lecture, sinon c’est handicapant. Par exemple, pour mon master, je mets dix fois plus de temps que les autres à lire des rapports. Lorsque je rédige, je fais encore des fautes, même si j’ai beaucoup progressé. Pour moi, toutes les matières sont importantes.

Quels ont été les moments forts de votre carrière ?

Il y a d’abord mon titre de champion du monde junior, en 2004. J’avais 19 ans, et je suis le seul Français à avoir remporté une médaille d’or au cours de ce championnat, filles et garçons confondus. En plus, j’étais mené à quinze secondes de la fin de mon combat, et j’ai gagné à cinq secondes avant le gong. C’est assez jouissif comme sensation, et cela prouve qu’il ne faut jamais rien lâcher et se battre jusqu’au bout, y croire toujours. Même si je n’ai pas remporté de médaille, c’est aussi une grande fierté d’avoir représenté la France aux jeux Olympiques de 2012 à Londres. Les Jeux à Paris, j’en aurais rêvé. Il faut que les jeunes sportifs français se battent pour y participer !

Mon autre grande année fut 2013 : je suis arrivé troisième au championnat d’Europe. C’est important pour moi, car j’avais à peu près tout gagné sauf ce championnat, c’était donc un peu ma consécration. J’aurais été déçu et frustré de mettre fin à ma carrière sans avoir décroché au moins une médaille européenne. Mon deuxième grand souvenir de 2013 est quand j’ai obtenu pour la deuxième fois la victoire au Grand Slam de Paris, qui est l’un des plus grands tournois du monde. Cela a été un moment d’autant plus fort que j’ai gagné tous mes combats par ippon (lorsque l’on fait tomber son adversaire sur le dos, ce qui met fin au combat), à chaque fois par une technique différente, ce qui est rare en tournoi, car le niveau est très élevé. Les 20 000 spectateurs de Bercy se sont levés pour m’acclamer, c’était superkiffant !

Propos recueillis par Natacha Lefauconnier


article paru dans notre n°553, Pédagogie de l’oral, coordonné par Peggy Colcanap et Hélène Eveleigh, mai 2019.

L’oral a le vent en poupe! Quels outils utiliser pour aider les élèves à apprendre par ce biais ? Comment provoquer la prise de parole en classe ? Quid du bavardage ? Au-delà de ces pratiques, notre dossier aborde la question de l’évaluation de l’oral, de son rapport à l’écrit et des inégalités qu’il peut mettre en exergue.

https://librairie.cahiers-pedagogiques.com/revue/760-pedagogie-de-l-oral.html


Pour en savoir plus

Lire la biographie De la Dasss aux jeux Olympiques – Les 3 vies de David Larose par Alain Olivier, préfacée par Teddy Riner (2018), disponible sur https://www.amazon.fr/DASS-aux-Jeux-Olympiques-Larose/dp/2956683403.