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L’éducation à l’autonomie

Les trois dispositifs impulsés par l’institution au détour de l’an 2000 (TPE en lycée général, PPCP en lycée professionnel et IDD en collège) font d’une certaine autonomie accordée aux élèves un levier pour (re) donner du sens aux activités scolaires et (re) mobiliser les élèves sur les apprentissages. A la marge du système scolaire, le pouvoir politique impose la généralisation et l’encadrement de pratiques pédagogiques qui ne sont pas nouvelles et qui sont caractérisées par la démarche de projet, une approche inter/pluri/transdisciplinaire et le travail en équipe des enseignants. Notre Groupe de Recherche-Formation a voulu aller voir de plus près ce que ces dispositifs qualifiés de « novateurs » produisent en terme d’éducation à l’autonomie des élèves.

De quelle autonomie parlons-nous ?

Bien souvent invoquée pour définir les finalités de l’enseignement, l’autonomie devient très vite mystérieuse dès qu’il s’agit de se poser la question des moyens mis au service de cette finalité. Si l’on emprunte à Castoriadis, une définition dont l’exigence radicale transparaît fortement derrière son apparente simplicité, l’autonomie peut être considérée comme le fait de « se donner soi-même ses lois, […] sachant qu’on le fait »[[In Les carrefours du Labyrinthe III, Paris, Le seuil, 1990 ; cité par G. David, in Cornélius Castoriadis, Le Projet d’autonomie, Paris éd. Michalon, 2000, p. 13]], on s’éloigne fortement des représentations spontanées des élèves – mais sans doute également de certains enseignants – qui donnent à l’autonomie le sens de ce qu’on accomplit en se débrouillant seul, en agissant librement, en découvrant par soi-même ou encore en faisant à sa propre manière. D’une façon générale, il semble que l’autonomie soit perçue de manière profondément ambivalente et pas seulement parce qu’elle s’inscrit à la fois dans le registre des moyens et celui des fins. Elle l’est aussi parce qu’elle désigne aussi bien le potentiel quasi illimité de celui qui serait parvenu au terme de ses apprentissages et les manières de se montrer un peu plus « débrouillard » qu’un autre dans les activités quotidiennes de la classe. D’un côté, l’Autonomie est saluée comme la raison ultime de l’enseignement ; de l’autre, l’autonomie des élèves ne serait que l’indice d’une certaine habileté dans l’accomplissement des tâches scolaires. L’histoire ne dit pas vraiment comment passer de cette petite autonomie, partielle, limitée au domaine du faire, à la grande Autonomie des sujets adultes pleinement responsables et conscients de l’être.

Dans la préface rédigée pour le rapport final du GRF[[L’accompagnement de l’élève dans une démarche d’autonomie, Rapport final du Groupe Recherche Formation 03/05, IUFM d’Alsace, avec François Galichet, (Professeur émérite de Philosophie à l’IUFM d’Alsace et expert scientifique du groupe)]], François Galichet se livre à une archéologie de la notion dans laquelle il souligne, lui aussi, la profonde ambivalence de l’autonomie à travers différentes périodes depuis ses origines antiques. Aujourd’hui, l’autonomie paraît à la fois comme un facteur d’émancipation et d’accomplissement de soi et comme un facteur d’intégration dans le monde économique et social. On peut même parler d’une véritable injonction à l’autonomie, y compris en direction des emplois « non qualifiés » : « … les enquêtes qualitatives montrent qu’au-delà des tâches, des zones d’autonomie et de responsabilité existent : responsabilité financière pour les caissières, surveillance des stocks et commandes des réassortiments pour les employés de libre-service, lancement des commandes selon le rythme d’arrivée des clients dans la restauration ; et, plus généralement, toutes les situations de gestion de l’urgence et des conflits éventuels avec la clientèle. Tout en n’ayant qu’une information très sommaire sur le fonctionnement de l’établissement, les salariés sont amenés à prendre des décisions et à faire preuve d’initiative. Ils sont souvent livrés à eux-mêmes face à des situations qui ne relèvent pas de leur niveau de qualification… »[[Le retour de l’emploi non qualifié paru dans le mensuel Alternatives Economiques (n° 237, Juin 2005, p. 71)]]

Bernard Lahire nous ramène sur le terrain de l’éducation dans un article consacré à la construction de l’autonomie à l’école primaire[[Bernard Lahire, La construction de l’autonomie à l’école primaire : entre savoirs et pouvoirs, Revue française de Pédagogie, n° 134.]] en montrant l’articulation entre autonomie politique et autonomie cognitive. Cette dichotomie nous aide aussi à penser la place de l’autonomie dans les dispositifs mis en place dans le 2nd degré.
L’autonomie politique suppose la mise en place d’un espace régi par les règles du jeu explicite que l’élève doit pouvoir s’approprier pour se libérer de la dépendance vis-à-vis du professeur ; c’est tout l’intérêt du cadre mis en place dans les dispositifs étudiés. Cet espace est aussi ouvert sur l’extérieur avec les innombrables ressources offertes aux élèves pour mener à bien leur projet[[Les citations d’élèves sont extraites du rapport final.]] : « On a cherché tout ce qui était dans les bouquins, dans les magazines au CDI. Après, chacun a cherché dans les bibliothèques municipales et tout ça. Et puis, trois séances après, quand on a pu prendre rendez-vous, on est encore allé voir dans les hôpitaux, enfin dans les établissements. » (Yves, TPE, Comment le sport peut-il mieux intégrer les handicapés à la société).
L’autonomie cognitive renvoie d’abord à la liberté laissée à l’élève de rechercher, sélectionner, exploiter des informations ou procéder à des expérimentations pour construire son savoir : « tâtonnement expérimental » cher à Freinet, multiplication des situations-problèmes et des conflits socio-cognitifs sont ici au cœur du processus d’apprentissage. Mais celle-ci suppose toutefois le changement de posture des acteurs. Le professeur, de transmetteur de savoirs devient, dans ce contexte, accompagnateur de l’élève dans son cheminement vers le savoir. Parallèlement, l’élève est invité à abandonner son « métier d’élève »[[Philippe Perrenoud, Métier d’élève et sens du travail scolaire, Paris, ESF, 1994.]] pour devenir progressivement l’auteur et le sujet de ses apprentissages.

« Ils nous ont fait confiance… »

Les témoignages des élèves confirment la profonde ambivalence de la notion d’autonomie dans le cadre des IDD, TPE et PPCP. Il faut d’abord noter que la démarche de projet et la « mise en autonomie » ne conviennent pas, d’emblée, à tous : « Tout au début on n’était pas motivé ; mais après on s’est dit : on va le faire vite ; comme ça, ça sera fait le plus vite possible. On va se débrouiller pour faire le plus vite possible. Mais j’avais pas trop envie de faire le boulot. » (Myriam – IDD 5e).

Pour d’autres élèves, la conduite du projet apparaît comme une obligation, une succession de tâches dictées par le professeur, comme dans les autres activités scolaires. « Et après on devait… Ils nous ont dit de… regarder ce qu’on avait et de trier. Et alors on a trié et on a fait un… panneau ou un cahier. On devait présenter devant tous les élèves. A un moment on a fait le carnet de bord à partir… On devait y chercher des mots clés. Et à partir de ces mots clés, on devait chercher des questions. » (Mélanie, IDD 5e).

Ensuite, cette injonction d’autonomie peut s’avérer déstabilisante pour les élèves face à la complexité et à la nouveauté des tâches attendues, y compris pour des élèves de 1ère S : « C’est dur de gérer au quotidien un peu… tout ça des fois, plutôt que de l’avoir sur toute l’année à chaque fois. L’avantage d’avoir un programme en 1ère S, les professeurs, contrairement aux chercheurs, ils ont un programme. Chaque semaine, ils se fixent : « Bon, il faut que je parle de cela » Et là justement, on ne savait pas trop où aller et rester dans le sujet et le traiter dans les temps voulus. Et rester dans la problématique en rendant une bonne chose. Ça pouvait être dur… oui. » (Yves, TPE).

De toute façon, dans ce type de démarche, les moments de doute sont inévitables et parfois anxiogènes : « La séance la moins intéressante ? Cela devait être quand on travaillait vraiment toutes les deux, comme ça, et puis qu’on savait plus trop où est-ce qu’on en était… et puis qu’on ramait un peu quoi. On se regardait un petit peu angoissée… » (Marine, TPE).

C’est bien souvent dans l’après-coup, une fois le travail terminé, que les élèves prennent conscience du bénéfice qu’ils peuvent retirer d’une démarche fondée sur le développement de l’autonomie, : « Ce qui m’a plu dans ce travail, c’est le fait que l’on soit autonome pour différentes choses. D’abord, pour l’accueil de l’écrivain, on nous a laissé quartier libre, à peu près, pour faire tout nous-mêmes : la préparation des gâteaux, l’accueil, les textes qu’on devait écrire et tout ça quoi. Et aussi par rapport à la vie associative : là, on nous laissait la liberté d’aller chercher par nous-mêmes, d’aller chercher nous-mêmes les lunettes, on n’était pas constamment derrière nous. Et ça, j’apprécie vraiment qu’ils nous fassent confiance. » (Martine, PPCP).

Autonomie du faire, certes, mais aussi autonomie de l’apprendre, comme l’expriment aussi bien Mathieu en classe de 5e que Carole en 1ère S : « L’autonomie ? C’est que… si je comprenais pas quelque chose déjà je pouvais m’en remettre presque qu’à moi-même. Ensuite, les recherches, j’estime que je les ai faites par moi-même et c’est pas quelqu’un qui m’a mis devant un cahier, qui m’a fait écrire des choses. Ensuite j’ai appris. C’est plutôt moi qui ai fait les recherches et ensuite que j’ai appris… «  (IDD). « L’exposé, c’est des choses, des informations, que l’on peut trouver dans les encyclopédies, dans les livres, c’est juste des informations que l’on reformule pour les présenter, pour apprendre quelque chose. Alors que les TPE, c’est des informations que l’on cherche ailleurs, qu’on est obligé de… pas d’inventer mais qu’on est obligé de faire, nous-mêmes, plus ou moins. On a une problématique à laquelle on doit répondre. Il faut prendre des initiatives, faire des expériences, tout ça. Eventuellement, prendre des rendez-vous avec les gens qui peuvent nous aider et à partir de ça, on peut écrire quelque chose. » (TPE).

Mais l’autonomie se développe aussi et surtout dans une dimension collective grâce à la dynamique du travail en groupe : écoute de l’autre, tolérance, entr’aide, respect de points de vue différents sont autant de signes de l’évolution du rapport aux autres. Si on y ajoute le renforcement de la confiance en soi et l’ouverture sur le monde, nous avons là tous les ingrédients de l’instauration d’un autre rapport au savoir : « J’ai appris à faire du travail en groupe plus que d’habitude parce que, même quand c’est un devoir, on fait jamais un travail en commun. Alors que là c’est vraiment réparti… Tout le côté répartition des tâches, être un peu dans une équipe qui apparaît. Donc, ça j’ai déjà appris… J’ai aussi appris pas mal à apprendre, pas mal par l’échange plus que par la lecture ou des choses comme ça. » (Yves, TPE).

Et puis… « Pouvoir faire autre chose… surtout un petit peu une bouffée d’air frais par rapport aux autres cours. Voilà… c’était vraiment un peu nous qui faisions le cours, quoi. » (Marine, TPE).

L’autonomie comme espace de liberté laissée aux élèves apparaît bien, pour certains d’entre eux au moins, comme la condition de l’élaboration du savoir. Au bout du cheminement, l’autonomie comme condition d’apprendre et l’autonomie comme finalité des apprentissages, l’autonomie politique et l’autonomie cognitive, peuvent, sous certaines conditions, se rejoindre.

Cohabitation ou tension ?

La mise en œuvre des IDD, TPE et PPCP dans une perspective de développement de l’autonomie des élèves ne va pas de soi. Elle suppose, de la part des enseignants, une gymnastique complexe pour essayer de gérer au mieux les contradictions et les paradoxes inhérents au statut institutionnel de tels dispositifs. Installé à la marge du système scolaire, l' »extraordinaire du projet » à raison d’une moyenne de deux heures par semaine, côtoie « l’ordinaire de la classe »[[Pour reprendre l’expression de P. Bouveau et JY Rochex dans « Les ZEP, entre école et société » – CNDP Hachette, 1997.]] et de la « forme scolaire ». Il s’agit dès lors de faire cohabiter, pour les élèves comme pour les enseignants, deux mondes scolaires, deux figures de l’apprendre, deux types de rapport au savoir.

Pour les enseignants, l’enjeu est donc de transformer en tensions fécondes ces paradoxes et contradictions, d’articuler contraintes et espaces de liberté. Au terme de notre travail, nous en avons identifié plusieurs :

  1. Tension entre le cadre institutionnel et les situations sur le terrain qui suppose l’élaboration d’arrangements locaux
  2. Tension entre les programmes (ou référentiels) des différentes disciplines et l’approche pluridisciplinaire qui ne va pas sans poser de réels problèmes didactiques
  3. Tension entre la production visée par le projet et le processus de réalisation : surtout s’il est ambitieux et original, l’objectif de production peut se révéler un puissant stimulateur du travail des élèves ; mais, il ne doit pas constituer un but en soi, ni faire oublier l’importance du processus d’élaboration du produit final. Dans cette optique, le carnet de bord peut apparaître, certes, comme un moyen de contrôle pour le professeur mais peut aussi devenir un véritable outil au service de l’élève dans la gestion de son temps. Le temps de la réalisation d’un projet collectif est fait d’un enchevêtrement de temporalités de durées et d’orientations variables, d’allers-retours constants entre ce qui est en train de se faire (présent), ce qui a déjà été fait (passé) et ce qui reste à faire (futur) pour atteindre le but fixé. En permettant aux élèves de se « projeter »[[Philippe Perrenoud : Le projet personnel de l’élève : une fiction ? 2001. Dans cet article, l’auteur critique vigoureusement le « projet personnel de l’élève » et conclut ainsi : « Si l’on veut amener les élèves qui n’ont pas construit en famille ce rapport au projet, le plus urgent n’est pas de les individualiser en s’inventant prématurément un projet personnel, c’est de les embarquer dans des projets collectifs ».]] dans un futur pas trop lointain, à leur portée, la pédagogie de projet peut contribuer à donner de la valeur, de l’épaisseur au temps scolaire et à sortir les élèves du « présentisme »[[Voir François Hartog : Régimes d’historicité ; Présentisme et expérience du temps, Paris, Le Seuil, 2003.]] et de son corollaire, le fatalisme.
  4. Tension entre la maîtrise du projet par les professeurs et l’implication des élèves : qu’ils le veuillent ou non, les enseignants sont les garants de ce qui se fait à l’école sous leur responsabilité. Mais les élèves ne peuvent s’approprier le projet que si les professeurs acceptent d’abandonner une partie, au moins, de leurs prérogatives dans la conduite des opérations. C’est notamment le cas lors du choix du sujet, de la constitution des groupes, de la gestion du temps, de la place des élèves dans l’évaluation. De la même façon, la posture d’accompagnement de l’enseignant oscille constamment entre deux types d’attitudes. Tantôt, le professeur joue le rôle du guide : il précède le groupe et lui montre le chemin à suivre ; il met en place des séances méthodologiques, donne des consignes et définit, avec le groupe, des critères de mise en œuvre. Tantôt, il est aux côtés des élèves : il apporte des réponses à une demande d’aide ponctuelle, stimule, incite à aller plus loin dans sa « zone proximale de développement »[[L.S. Vigotsky, Pensée et Langage, 1934 – La Dispute, 3e éd. 1997]], est à l’écoute notamment lorsque les élèves connaissent des difficultés. L’attitude bienveillante, compréhensive à l’égard des élèves traduit un double souci : celui de les pousser à aller le plus loin possible et celui de veiller à ce qu’ils ne s’écartent pas (trop)… du droit chemin.
  5. Tension entre la méthode d’apprentissage des enseignants et le tâtonnement des élèves : par atavisme professionnel, l’enseignant se sent obligé de définir un cadre de recherche ou d’expérimentation le plus précis possible : faire la liste des problèmes à résoudre, énoncer des hypothèses de recherche ou construire une problématique, diversifier les sources d’information, traiter et exploiter l’information recueillie, formuler des conclusions. Cette méthodologie est censée représenter le plus court chemin pour accéder au savoir. Mais en prétendant faire l’économie des tâtonnements de l’élève, elle risque d’occulter son autonomie cognitive et de le priver ainsi de détours fructueux par l’erreur, le conflit socio-cognitif avec ses pairs, la résolution de situations-problèmes… Plus que d’un apprentissage par l’erreur, on peut alors parler d’un mode d’apprentissage par l' »errance », qui permet à chaque élève de faire l’expérience, collectivement et individuellement, de la liberté d’apprendre.
  6. Tension entre le faire et l’apprendre : le faire, c’est ce que les élèves évoquent le plus spontanément au cours des entretiens ; c’est donc vraisemblablement ce dans quoi ils s’impliquent le plus, de différentes façons : en temps, en énergie, en créativité, en ingéniosité, en prise d’initiatives et de responsabilités qui permettent de révéler des compétences inattendues. Mais faire n’est pas un but en soi… La pédagogie de projet est aussi, bien souvent, une pédagogie du détour pour amener les élèves à réaliser certains apprentissages[[On rejoint ici une interrogation souvent formulée à l’égard des pédagogies actives : dans quelle mesure ne confondent-elles pas activité des élèves et agitation, activité intellectuelle et activité physique ? Il est évidemment plus facile de se centrer sur ce que fait l’élève concrètement que sur ce qu’il mobilise intellectuellement, sur ce qui est du domaine de l’observable que ce qui ressortit de l’invisible.]], à condition que l’application des élèves à faire se combine avec une mobilisation sur l’apprendre. Mais une des difficultés majeures à accorder toute leur place aux savoirs tient dans le fait que le travail de recherche, qui absorbe une partie de l’énergie des élèves, ne débouche pas nécessairement sur l’élaboration et l’appropriation de connaissances. Lorsque les élèves apportent des réponses aux questions qu’ils se sont préalablement posées, rien ne nous permet d’affirmer qu’ils en ont tiré la « substantifique moelle ». Découvrir et apprendre ne sont pas des opérations de même nature. Si, comme l’a écrit JY Rochex, apprendre c’est « faire un pas de côté »[[“A l’école, il importe de faire un pas de côté par rapport au monde d‘expérience qui est d’abord celui de l’enfant. Ce qui était objet d’action devient objet de pensée, et ce travail est lié à la fonction primordiale de l’écrit. (…) La culture écrite permet l’élaboration d’un autre rapport au monde moins immédiat, elle inscrit l’enfant dans un nouveau rapport au langage et à ses propres expériences, elle introduit un temps d’élaboration, de médiation”. Cahiers pédagogiques, n° 410, janvier 2003, p. 27.]] ; il importe de prévoir des moments de pause réflexive, voire métacognitive, afin de permettre aux élèves d’entreprendre cette « maturation », cette transformation de l’action en pensée, de l’expérience du projet en apprentissages scolaires.

La construction des compétences nécessaires pour gérer les différentes tensions explicitées ci-dessus ne peut se faire que dans le tâtonnement et dans la durée. Or, l’élan institutionnel pour mettre en place ces dispositifs pédagogiques dits novateurs est vite retombé : en 2004/2005, les TPE ont été supprimés en Terminale ; la réduction drastique des moyens dans le cadre de la DHG a conduit à l’abandon pur et simple des IDD dans de nombreux collèges ; le caractère pluridisciplinaire des PPCP se révèle, à la longue, très aléatoire. Aujourd’hui pourtant, le socle commun fait la part belle aux compétences liées à l’autonomie et à l’initiative des élèves en leur consacrant l’ensemble du pilier 7.

Loin des aléas et des soubresauts de la politique éducative, nous avons simplement souhaité mieux comprendre les potentialités, les enjeux et les limites de dispositifs susceptibles de contribuer à une éducation à l’autonomie. Chemin faisant, nous avons repéré des points d’appui pour fonder, dans le quotidien de la classe, des pratiques qui cherchent à articuler apprentissage de l’autonomie et autonomie dans les apprentissages.

Jean-Pierre Bourreau et Michèle Sanchez, Responsables de formation continue 2nd degré – IUFM d’ALSACE.


Objets d’étude et méthodologie de recherche

Notre groupe étant « multicatégoriel » c’est-à-dire composé de professeurs de collège, de lycée et de lycée professionnel, il a été possible d’analyser les différentes prises en charge par certains membres du groupe.

Dans le cadre des itinéraires de découverte, il s’agit de deux thématiques : l’une sur « l’imprimerie à travers le temps » (Français et Technologie), l’autre sur « L’Ill aux mystères » (SVT et Histoire-Géographie) dans des classes de 5e au collège. Pour les Travaux Personnels Encadrés en 1ère Scientifique, ce sont des objets d’étude communs aux SVT et à l’EPS qui ont été choisis par les élèves. Enfin, concernant le Projet Pluridisciplinaire à caractère professionnel, les champs sont particuliers : d’une part, il s’agit du travail effectué dans le cadre des stages à l’étranger des sections européennes en Terminale Bac Pro de Maintenance des Matériels et, d’autre part, de la collecte de lunettes dans un but humanitaire avec une classe de Terminale BEP Vente en lycée professionnel.

Le corpus de travail a pu être constitué, pour chaque dispositif présenté, à deux niveaux : d’une part, la description et l’analyse des séances sur l’année scolaire par chaque collègue concerné ; d’autre part, l’interview de 2 à 4 élèves par classe par d’autres membres du groupe, ces derniers ne connaissant pas les élèves pour garder toute la neutralité nécessaire au questionnement.

/Formiris/Août 2006