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Enseigner les Sciences Physiques en STI Arts Appliqués : rapport aux savoirs scientifiques et identité professionnelle

Le rapport aux savoirs s’enracine dans l’histoire du sujet à travers ses références, ses modèles, ses choix. Et ce qui détermine pour l’individu le choix de l’enseignement et de la discipline en fait partie. Cette histoire personnelle influence ses représentations des Sciences et de l’enseignement.

Une science à enseigner

Pour certains enseignants, la Science est liée à une culture permettant de comprendre le monde, de l’appréhender. Pour d’autres, elle est davantage liée à la forme d’esprit, à la démarche. Certains encore la pensent détentrice de vérités. Leur rapport aux Sciences Physiques est pour certains liés à l’enseignement reçu, pour d’autres à la forme de pensée que les sciences développent. Les sciences font parfois partie intégrante de leur univers, mais, le plus souvent, ce rapport reste de l’ordre du domaine professionnel. Les représentations de l’enseignement scientifique sont liées à celles de la Science. Pour une majorité des enseignants, l’enseignement scientifique fait partie de la culture indispensable pour se situer dans le monde actuel. Pour les autres, il est lié aux méthodes de travail qu’il permet d’acquérir. Une partie des enseignants établit des liens entre la pratique d’enseignant de Sciences Physiques et la recherche. Le rapport aux élèves est dépendant à la fois des représentations de la discipline et de l’enseignement. Ainsi pour tous, ce rapport est fondé sur l’enseignement soit en tant que transmission d’un savoir, soit sur la dimension relationnelle.
Une majorité des enseignants interrogés pense que le programme n’est pas adapté, pour des raisons diverses. Pour quelques-uns, certaines notions sont trop difficiles pour ces élèves. Pour d’autres, certains enseignements sont désuets, d’autres seraient plus en rapport avec les Arts Appliqués. Des enseignants regrettent que le programme ne soit pas suffisamment détaillé, ce qui pour d’autres au contraire est perçu comme un avantage permettant une certaine liberté. Si certains enseignants ne portent aucun intérêt aux Arts Appliqués, d’autres ont cependant une réflexion sur l’art ou le design et prennent du plaisir à découvrir cet univers. Les liens entre les deux domaines n’étant pas simples à établir pour les enseignants, le rapport entre les deux enseignements ne l’est pas davantage.
Nous avons déterminé trois types de rapport aux savoirs scientifiques :
– un rapport de type culturel : l’enseignant manifeste des valeurs liées à l’enseignement scientifique ou à la fonction enseignante ; son identité professionnelle est ancrée dans la reconnaissance d’une double interprétation possible du monde, scientifique ou sensible. Les Sciences apparaissent comme des connaissances utiles à chacun dans des applications précises, au même titre que d’autres types de connaissances, comme les connaissances artistiques.
– un rapport de type cognitif marqué par des valeurs liées aux Sciences et à l’enseignement scientifique mais relatives à la méthode scientifique, à l’esprit scientifique. Dans ce cas, les enseignants ont une identité professionnelle ancrée soit dans la discipline enseignée soit dans la fonction enseignante, voire une identité « perturbée » par la non-correspondance entre leurs représentations de leur enseignement et la réalité de la série.
– un rapport de type disciplinaire : l’enseignant laisse apparaître dans son discours des valeurs liées aux Sciences et a une identité professionnelle profondément marquée par la discipline enseignée.

Des identités différentes

Il est alors possible d’identifier quatre types d’identités.
Spécifiques : elles sont imprégnées par la discipline d’enseignement, pour des enseignants qui s’investissent dans le domaine du design en adaptant leur enseignement à la spécificité de la série.
Disciplinaires, quand les enseignants s’investissent surtout dans leur propre enseignement de Sciences physiques.
Enseignantes, quand les sujets s’affirment d’abord par leur qualité d’enseignant avant leur spécificité disciplinaire.
Perturbées, pour ceux qui trouvent pas leur place d’enseignant de Sciences physiques et sont mal à l’aise dans la spécificité de cette série.

S’il existe une identité collective réelle des enseignants liée à leur appartenance même à leur corps professionnel, il existe également une spécificité liée à la discipline enseignée ainsi qu’au contexte. Ainsi, pour les enseignants de Sciences Physiques de la série STI arts appliqués, l’identité collective ne peut se faire en dehors du groupe des enseignants d’enseignement général. C’est donc leur propre rapport aux savoirs scientifiques qui détermine leur identité professionnelle. Nous pensons que cette dimension du rapport aux savoirs doit être prise en compte à la fois dans la perspective curriculaire, c’est-à-dire dans l’application des programmes, mais aussi lors de la formation, moment de la constitution des identités professionnelles enseignantes.

Véronique Lorillot, Université Paris-Descartes
Docteur en Sciences de l’Education – professeur des écoles
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