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Des consignes pour ouvrir, des consignes pour apprendre

À la parution du livre Lecture d’énoncés et consignes[[Jean-Michel Zakhartchouk et Florence Castincaud, copublication CRDP d’Amiens et Crap-Cahiers pédagogiques, deuxième édition revue en 1999.]], cette problématique était peu en vogue. La prise de conscience que bien des élèves sont démunis « seuls face à la consigne », sans oralisation, sans aide du professeur, et qu’un travail spécifique puisse être utile a fait progressivement son chemin, à travers les évaluations nationales à l’entrée en 6e ou les stages de formation continue. Des activités autour des consignes apparues dans les manuels, sont devenues incontournables dans les dispositifs d’aide au travail personnel. Il a fallu remettre à jour la modeste brochure initiale, notamment pour intégrer l’oral, et changer « Lecture » en « Comprendre ». Il a fallu surtout dépasser la perspective techniciste pour découvrir quel continent se cachait derrière la « simple question des consignes ».
Le présent dossier est une suite de ce travail. Il sera utile aussi bien à ceux déjà engagés dans des efforts au long cours pour rendre les élèves plus efficaces, qui intègreront cet objectif à celui, plus global, de s’approprier les compétences du socle commun, qu’à ceux qui débutent, qui sont tentés par exemple de simplifier à l’extrême leurs consignes pour supprimer la difficulté au lieu d’aider les élèves à l’affronter, ou au contraire d’abandonner les élèves à leurs difficultés, sans forcément s’en rendre compte.
Plusieurs contributions portent sur le travail des premières années, dès l’école maternelle, pour construire la compétence « comprendre les consignes » : des équipes témoignent, diffusent des outils en nous invitant à penser leur mode d’emploi, entre appropriation de « bons gestes », de réflexes méthodologiques, et nécessaire réflexion, indispensables activités « métacognitives ».
Nous inscrivons cette action sur les consignes dans une aide plus générale à l’élève, conçue bien sûr comme un moyen de se passer d’aide, en classe, en PPRE, en accompagnement éducatif. Ce dossier se place ainsi dans la continuité de tout ce que les Cahiers ont publié sur l’aide au travail personnel des élèves[[Dossier n° 436 : Aider les élèves ? ; hors-séries numériques : Les PPRE, nouveau visage de l’aide individualisée, Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école ; Livre dans la collection Repères pour Agir : Pour un accompagnement éducatif efficace.]].
De nombreuses questions émergent, font l’objet de contributions parfois iconoclastes ou dérangeantes. Si la consigne peut être facteur d’autonomie (article d’Antoine Marsac en EPS), elle peut aussi mettre en difficulté (dans l’usage des Tice s’il n’est pas accompagné, les fausses pistes de l’aide) ou enfermer (le singulier « cri de haine » de Yannick Mével, le parcours compliqué en formation évoqué par Richard Étienne). Nous allons voir aussi, pour aborder ces problèmes, du côté d’activités où les consignes jouent un rôle-clé : le théâtre, les ateliers d’écriture, la documentation.
Nous élargissons enfin à un regard sur les consignes dans la « vraie vie » : ne sommes-nous pas entourés de « textes qui disent de faire » ?
L’abécédaire final peut être considéré comme une synthèse de ces diverses questions abordées, tellement moins simples que ne l’affirment ceux qui présentent la compétence « comprendre les consignes », très vague formulation du socle commun, comme pouvant « être acquise » après quelques entrainements et exercices.
On aura remarqué la polysémie du titre de notre dossier. Oui, les enseignants doivent être attentifs aux consignes qu’ils donnent, à la façon dont ils les donnent, aux objectifs qu’ils poursuivent en les donnant. Oui, ils doivent développer chez leurs élèves une attention particulière, à l’écoute et à la lecture, aux consignes qu’ils donnent, ce qui passe aussi par la production de consignes par les élèves eux-mêmes. Dans un univers où les « instructions » sont nombreuses, il faut savoir où porter son attention. Mais, il faut aussi permettre, autant que faire se peut, de ne pas être trop prisonniers des consignes : trop de consignes peuvent tuer la consigne ; la meilleure manière de respecter la consigne peut être parfois de ne pas la respecter, ou en tout cas d’en respecter l’esprit plutôt que la lettre. La consigne scolaire ne doit jamais être une fin en soi, pas uniquement un dispositif de contrôle de connaissances, mais bien d’abord un outil, un moyen d’apprendre.

Jean-Michel Zakhartchouk