FEVRIER 1986. La Cinq, première chaine de télévision privée française, commence à émettre. L’un des propriétaires est Silvio Berlusconi. Au nom de la liberté d’expression, la gauche française ouvre la voie à une télévision entièrement tournée vers le divertissement, la publicité et le profit. La vulgarité des programmes inquiète. Comme à la radio en 1981 (« N’ayez pas peur, Ce sera tout à fait comme à la radio, Ce ne sera rien, Juste pour faire du bruit », avait chanté de façon prémonitoire Brigitte Fontaine en 1969), l’espoir des télévisions locales et alternatives sombre, vendu à la loi du marché. « Qu’est devenu le projet culturel de la gauche ? », se demandent alors bien des électeurs de gauche pourtant plutôt séduits par les innovations de Jack Lang. Les élections législatives arrivent dans le mois qui vient, la désillusion annonce une nette victoire de la droite. Les Cahiers pédagogiques s’interrogent aussi et consacrent le dossier du mois à la question « 81-86 : qu’est-ce qui a changé dans l’école ? », sans savoir précisément quel sera le résultat du vote. Jacques George y signe un article où il reprend l’histoire des Cahiers pédagogiques et des classes nouvelles : « 45-81-86… L’Histoire bégaie-t-elle ? ». Aujourd’hui, il suffirait d’ajouter deux dates : 2012-2017. Même motif, même punition ? À l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai aucune idée de la réponse : juste le constat de quelques concordances des questionnements et de la continuité des positions du CRAP-Cahiers pédagogiques telles qu’elles étaient exprimées dans l’éditorial du dossier. Le résultat de l’élection présidentielle de 2017, que mes lecteurs connaissent, oriente leur lecture dans un sens que j’ignore aujourd’hui, mais je sais qu’il leur fera penser, une fois encore : « Depuis le temps… »
YANNICK MÉVEL