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Une seconde langue vivante en cinquième ?

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Christine Garcia, Monique Laffite ©DR

Vous avez généralisé à la rentrée 2014 la deuxième langue vivante en cinquième à tous les établissements de l’académie. Pour quelles raisons ?
Monique Laffite : Effectivement, plus de 300 établissements se sont lancé dans cette expérimentation qui préfigure ce qui va exister avec la réforme du collège, du public comme du privé. C’est un projet qui est né en 2012 au moment des débats sur la refondation. Nous avions constaté la présence de nombreuses classes de sixième bilangue qui, dans l’ensemble, mis à part les petits collèges ruraux, participaient d’un système élitiste. Nous avons mis fin à ce fonctionnement, avec quelques exceptions en fonction d’accords avec l’Allemagne. Il n’était pas sûr d’ailleurs que ces trois heures de deuxième langue vivante en sixième aient été une bonne chose, alors même que les élèves sont en surcharge de matières nouvelles.

Depuis la rentrée 2014, nous fonctionnons avec deux heures en cinquième, trois heures en quatrième et trois heures en troisième. Les professeurs sont favorables à l’augmentation de deux heures sur ce cycle.
Cette réforme est en outre cohérente avec la mise en place d’un cycle 4 commençant en cinquième.

Quelle est l’orientation de cet enseignement d’une seconde langue en cinquième ? Et avez-vous déjà des retours ?
Monique Laffite : La priorité doit être donnée à la compréhension et à l’expression orales, en s’appuyant sur le cadre européen commun de référence pour les langues. L’entraînement à la compréhension de l’écrit n’est pas absent, mais il est essentiel de former les élèves à s’exprimer oralement. Les retours sont positifs, même si les enseignants ont dû faire évoluer leurs pratiques (par exemple, ils ne disposaient pas de manuels spécifiques) et le cadre européen les a bien aidés.

Christine Garcia : Nous prévoyons en fin d’année une évaluation pour tous les élèves qui pourra s’effectuer en deux heures maximum pour chaque classe et portera sur les compétences orales, compréhension et expression ; la validation se fera simplement en termes d’acquisition ou non des compétences en question.

Quelle place peuvent prendre les langues dans les enseignements pratiques interdisciplinaires ? Y avez-vous déjà travaillé ?
Monique Laffite : Nous suivons avec intérêt le développement de l’interdisciplinarité. Notamment à l’occasion de l’Histoire des arts ou encore de l’accompagnement personnalisé. Un nombre non négligeable d’enseignants de langues s’investissent dans le travail avec des élèves non francophones. Nombre d’enseignants de Lettres peuvent travailler sur des auteurs étrangers, par exemple en littérature jeunesse, en lien avec les professeurs de langue. Dans le cadre des EPI, les collaborations sont prêtes à se développer.

 

Les élèves adhèrent

 

L’intérêt de commencer la langue en cinquième est important car je pense que plus on commence tôt, plus l’enseignement est efficace s’il est fait par des personnes qualifiées. J’entends par « qualifiées » des professeurs de langue, ce qui n’est pas le cas en Primaire où l’enseignement des langues est effectué par des « non spécialistes ». Je ne dévalorise pas leurs compétences mais je dis simplement que les professeurs des écoles ne peuvent pas être spécialistes de tout. On leur en demande beaucoup trop.

L’enseignement en cinquième se fait à raison de 2h hebdomadaires, ce qui est peu. Cela pourrait être suffisant si l’horaire restait à 3h par semaine en Quatrième et en Troisième mais, malheureusement, je crois qu’il est question de le modifier pour passer à 2h pour chaque niveau. C’est insuffisant pour s’exercer: le temps de prise de parole individuelle n’est pas suffisant pour permettre à chaque élève de progresser.

Étant donné qu’il s’agissait de la première année, je n’ai pas réorganisé mon enseignement. J’ai considéré les cinquièmes pour ce qu’ils sont: des débutants. Nous faisons beaucoup d’oral dans des situations pragmatiques qu’ils pourront réutiliser lors de séjours dans des pays hispanophones.

C’est un bilan provisoire positif car les élèves adhèrent. Certains qui sont en difficulté par ailleurs voient là une occasion de recommencer à zéro et réussissent à se mettre en valeur, ce qui leur donne confiance pour leurs autres apprentissages.

En revanche, si l’horaire hebdomadaire passait à 2h en quatrième et en troisième, cela serait vraiment regrettable et je ne vois pas comment nous pourrions faire avancer les élèves sans pratique régulière et approfondie.

Karine Sanjuan
Professeure d’espagnol au collège Jules Verne de Plaisance du Touch.

 

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk

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