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Une initiative importante de l’OZP pour l’éducation prioritaire

Pour Marc Douaire, président de l’OZP, la politique de l’éducation prioritaire aurait dû faire l’objet d’une évaluation générale en 2019, un nécessaire bilan d’étape de la « refondation » entreprise en 2013. Cette évaluation devait se faire avec la participation de l’ensemble des acteurs et s’engager rapidement. Or, le ministère ne semble guère désireux d’entrer dans cette démarche et n’a pas répondu à une lettre adressée par l’OZP dans laquelle il était demandé l’organisation d’Assises sur le modèle de ce qui s’est déjà fait, avec un niveau académique, puis national.

Devant ce silence ministériel, qui n’étonne pas outre mesure, l’OZP a décidé, dans les limites de ses moyens, de lancer cette opération d’évaluation et de mobiliser le maximum d’acteurs autour de ce projet qui aboutira le 18 mai lors d’une journée nationale à Paris.

Un conseil scientifique s’est mis en place autour de l’OZP, comprenant des personnes impliquées depuis longtemps dans les débats et pratiques autour de l’éducation prioritaire et dont certains étaient présents ce mercredi (Denis Bablet, Jean-Yves Rochex, Anne Armand, Jean-Michel Zakhartchouk…), avec une ouverture internationale.

Un rapport important

Lors de cette réunion de mercredi, Marc Douaire a également rappelé, avec Marc Bablet qui a longtemps dirigé au ministère le bureau chargé de l’éducation prioritaire[[Voir son passionnant blog]], des textes ou événements récents qui abordent le sujet.

D’abord le rapport de la Cour des Comptes, qui a eu un certain écho médiatique, mais parfois bien curieux, car ne reflétant pas toujours ce qui y est dit réellement. Jean-Yves Rochex souligne que, sur France Culture, on s’est permis de résumer le rapport par un titre choquant : « Discriminer pour échouer ».

Alors que ce rapport, sérieux et solide, donne quitus de la politique de l’éducation prioritaire à bien des égards. Certes, elle n’a pas produit de miracles, mais sans elle, les écarts avec la moyenne nationale auraient explosé. Parmi les points positifs du rapport, il y a le fait de considérer l’éducation prioritaire comme un « laboratoire de l’école du socle et d’expérimentation de pratiques pédagogiques innovantes », ce qui va dans le sens du combat de l’OZP et, ajouterons-nous, des Cahiers pédagogiques, depuis le premier dossier consacré à la question en 1982…

Le rapport souligne l’importance de renforcer les moyens et insiste par exemple sur la scolarisation des moins de trois ans pourtant en recul actuellement La fécondité de l’idée de « réseaux », la nécessité du pilotage fort sont également mis en avant. On a beaucoup retenu l’idée d’abandon de la « labellisation », comme si celle-ci pouvait signifier « stigmatisation » ce qui est contraire aux réalités. Qu’il y ait réflexion sur des allocations différenciées des moyens pour sortir d’une logique binaire EP/hors EP n’est pas gênant, au contraire, mais la politique de l’EP ne se limite pas à une distribution des moyens et implique une action collective, que le rapport vante par ailleurs. Une contradiction sans doute, mais qui demande d’aller lire au plus près le texte et d’étudier la question avec moins de désinvolture que ne le font certains journalistes…

Pédagogie et autonomie

On peut aussi déplorer, dans le rapport, l’absence totale de prise en compte des aspects pédagogiques qui sont pourtant essentiels. Ainsi, lorsqu’on parle d’autonomie, est-on seulement dans un aspect administratif (par exemple, le recrutement par le chef d’établissement) ou dans le pédagogique qui renvoie aussi au travail d’équipe, au collectif. Cette autonomie-là n’est pas trop à l’ordre du jour quand on impose des pratiques modélisantes (par exemple pour l’apprentissage de la lecture) ou des formations « formatées ».

Par ailleurs, l’OZP a été invité à une rencontre avec Pierre Mathiot et Ariane Azéma chargés d’une mission sur les « territoires  ». Il y a de gros risques que l’éducation prioritaire soit diluée dans un ensemble comprenant aussi les zones rurales et les DOM, avec un cadre de travail peu clair.

Comment donc maintenant mobiliser les différents acteurs pour voir ensemble ce qui fonctionne bien dans l’éducation prioritaire et ce qui est à améliorer ? Un premier débat a montré que dans les académies de l’Ile-de-France, certaines équipes s’y sont déjà mises, à travers par exemple des observations croisées entre enseignants avec l’aide de conseillers pédagogiques et d’inspecteurs, des exploitations non stéréotypées des évaluations nationales, des séminaires d’échanges et de réflexion.

Un certain nombre de questions doivent être traitées :
– la carte de l’éducation prioritaire et la question de la mixité sociale des établissements ;
– les résultats des élèves ;
– le référentiel, les dispositifs engagés, la taille des classes et les CP-CE1 dédoublés ;
– les moyens spécifiques, la formation, l’accompagnement, la « pondération » (des moyens pour la concertation et la formation, qui par exemple aujourd’hui consiste en des heures supplémentaires et non des décharges de service, qui donnent du temps, dans la majorité des cas) ;
– le travail en réseau, le travail en collectifs professionnels ;
l’articulation avec la recherche (si fructueuse dans un grand nombre de REP +) ;
– la gestion des ressources humaines ;
– le pilotage national et académique.

Bien sûr, l’OZP ne peut pas faire le travail qui aurait dû ou devrait être celui du ministère, mais des réponses seront apportées dans les semaines à venir, avec un premier rendez-vous le samedi 8 décembre, lors d’un séminaire ouvert aux équipes des réseaux au collège Rognoni à Paris.

Les Cahiers pédagogiques soutiennent ces initiatives, le rédacteur de ces lignes étant impliqué dans le conseil scientifique, et nous nous joignons bien volontiers à l’appel de l’OZP pour recueillir des témoignages et pour venir participer à ces moments de rencontres si indispensables. L’éducation prioritaire ne doit pas être marginalisée, dans une logique de méritocratie où il ne s’agirait plus que de proposer de pauvres « fondamentaux » à la grande masse des élèves et une attention poussée pour « ceux qui en veulent ». Il est possible de mener à bien, dans les limites d’une politique qui dépasse l’Éducation nationale, une action qui réduise les inégalités « par le haut » et qui mène à la fois un travail sur le climat scolaire et sur des apprentissages et le développement de compétences plurielles et riches.

Pour en savoir plus, une indispensable visite au site de l’OZP s’impose !

Jean-Michel Zakhartchouk


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