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Une équipe entre le faire, le dire et l’écrire

Au collège nous sommes sept, six femmes et un homme, la première difficulté consiste à trouver le bon moment. Nous sommes tous d’accord pour dire que la meilleure chose serait de banaliser une heure dans la semaine pour nous réunir mais de multiples raisons font que ce n’est pas le cas : en premier lieu la nécessité d’une occupation continue des locaux et le fonctionnement de l’association sportive le mercredi après-midi. Il ne reste que les fins de journée quand nous ne sommes ni en conseils de classe ni en réunions-parents profs. La pression institutionnelle n’étant pas trop forte, les situations individuelles prennent le dessus (enfants, entraînements personnel ou entraînement de jeunes en milieu associatif, éloignement d’habitation par rapport au collège, engagement dans la formation…).
Dans ces conditions, pour que nous soyons tous présents, l’efficacité de la réunion doit être démontrée. Généralement, l’ordre du jour, l’horaire (début et fin) et le lieu sont définis. Un président de réunion et un secrétaire sont nommés. Ces fonctions sont tournantes.
Notre souhait, serait de passer un maximum de temps sur le projet pédagogique. Mais il faut d’abord régler les problèmes d’occupation des locaux, faire avec les imprévus (travaux, fermetures de salle…), s’occuper du matériel (dégradations, nouvelles commandes…) partager les classes, répartir notre présence aux conseils de classe. Une grande partie du temps est consacré à ces taches incontournables.

Le projet

Les réunions sur le thème du projet sont les plus animées. Les points de vue se confrontent dans une grande diversité où jouent les personnalités, les âges, l’expérience. Les « courants didactiques » qui traversent la discipline imprègnent nos discours qui sont très différents selon les lieux et les époques de nos formations initiales : Lillois, Marseillais ou Nantais n’ont ni les mêmes approches ni les mêmes mots pour parler du métier. Leur clarification est le premier passage obligé.
La rédaction du chapeau de notre projet nous a pris plus d’une année de discussion. Il s’agit d’un document d’une page, qui sert à affirmer la cohérence du projet de l’EPS pour l’équipe qui l’a conçu et aussi pour le Conseil d’Administration, l’Inspection, les Parents d’Elèves.
Le projet doit par ailleurs nous aider à formaliser notre démarche : définition d’objectif(s), choix d’activités par niveau, formes de pratique et si possible d’évaluation commune. Qu’en est-il réellement ?
Dans l’élaboration de cette partie du projet, la formation continue a joué un rôle important. Formations interne à l’établissement ou commune à un groupement d’établissements, stages de secteur ayant pour support des activités physiques sportives et artistiques, participation de notre correspondant d’établissement aux journées de formation plus institutionnelles, tout cela a apporté de la matière à l’élaboration du projet. Les temps de pratique, d’observation, de réflexion devaient nous aider à écrire collectivement. Dans les faits, cela se révélait laborieux, le travail n’étant finalement réalisé que par quelques personnes. Lorsqu’un document était ainsi produit, il devait nous guider par la suite dans le travail au quotidien mais nous rencontrions beaucoup de difficultés à tous le mettre en oeuvre et à le stabiliser.
Tout cela a quand même fini par constituer un classeur que nous ressortions à la demande des stagiaires notamment, car le projet est un axe fort de leur formation. Quand ils le lisent, ils sont surpris car il ne correspond pas à la représentation du projet telle qu’ils l’ont perçue en formation. Et, pour nous, il ne garantit finalement en rien un minimum de collectif dans la pratique de chacun. Ce collectif réside encore dans des accords tacites, ponctuels, reposant sur la bonne volonté des individus. Nous faisons évoluer nos pratiques, pas notre projet.

Travailler ensemble

Des événements ponctuels nous font travailler ensemble : cross du collège, assemblées générales et galas de GRS (gymnastique rythmique et sportive) de l’association sportive. Ces moments amènent un surcroît de travail mais renforcent le collectif et la convivialité.
Pour dépasser l’émiettement qui nous menace, nous avons travaillé par deux en profitant par exemple de l’hiver pour ne pas laisser un collègue et sa classe dehors. Les niveaux de classe étant alignés nous en profitons pour enseigner ensemble sur le même lieu, la même activité. Certaines activités s’y prêtent plus que d’autres : la course longue, la gymnastique en sixième sous forme d’ateliers, le volley-ball… il faut tenir compte de l’effectif et de l’espace afin de préserver le temps de pratique des élèves.
Travailler par deux, nous amène à préparer ensemble, nous oblige à expliciter nos évidences, à interroger nos cohérences et envisager des alternatives à nos propres façons de faire. Nous changeons de partenaire au fil de l’emploi du temps ou des cycles. Peu à peu ce travail en commun prend plus de poids et sert de base aux réunions collectives. C’est à travers ce type de travail que nous avons vu croître la confiance, que nous avons identifié les richesses, les manques des uns et des autres. C’est ainsi que Caroline, spécialiste en gymnastique rythmique et sportive, nous a proposé un cycle à faire vivre à l’ensemble de nos 6èmes. Pour s’assurer de la mise en œuvre, nous l’avons vécu dans une formation à l’interne de trois heures. Nous avons renouvelé l’expérience pour la boxe française avec un intervenant extérieur à l’établissement.

Depuis deux ans dans l’académie, l’accent est mis sur les évaluations communes. Un stage institutionnel est mis en place pour aider à la mise en œuvre et au questionnement de nos pratiques. Un collègue différent participe à chaque journée. Un travail intersession est demandé. Il nécessite de réunir l’équipe, de l’informer du contenu de la formation et de répondre à la commande. En fin d’année, chaque établissement doit envoyer une ou deux épreuves réalisées. Ce cadre amène, une réflexion, une écriture mais aussi une mise en oeuvre qui va bien au delà du travail que nous faisions jusqu’à présent. C’est un véritable outil d’analyse de pratiques individuelles et collectives qui nous fait tendre vers plus de cohérence. Le passage obligé de la mise en œuvre sur un niveau, si possible à plusieurs classes simultanément, les dates de renvoi des documents sont autant de contraintes qui obligent à avancer. Le stage de secteur articulé à cette commande institutionnelle vient enrichir, aider, illustrer parfois ce qui est attendu.

Travailler en équipe pour nous aujourd’hui, c’est se donner des échéances, accepter une répartition des tâches. Faire en sorte que les responsabilités soient partagées : à certains moments, nous pourrons être meneur « porteur du dossier » et à d’autres « au service de ». Ceci n’est possible qu’après avoir établi une confiance mutuelle, quand la critique n’est plus synonyme de jugement négatif mais de questionnement de la pratique en vue d’obtenir une plus grande cohérence dans sa propre pratique et dans la pratique collective, ceci pour être toujours plus efficace dans notre activité avec les élèves. C’est aussi accepter que notre travail soit perfectible sans forcément toujours tout remettre en cause. Ce qui est décidé est expérimenté par tous sur un an, puis nous faisons le bilan et modifions si nécessaire. Le faire est un incontournable de notre travail, mais il ne s’agit pas de dicter à chacun la façon dont il doit s’y prendre mais de définir des incontournables (comme l’évaluation commune). Faire en sorte d’articuler le faire, le dire et l’écrire en collectif.

Véronique Vanhaesebrouck