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Un travail de groupe bien noté : vers un nouveau devenir

Depuis longtemps déjà, et peut-être même depuis toujours, le professeur connaît l’utilité du travail de groupe en classe. Au-delà de la motivation ainsi générée, il voit aussi tout ce que les élèves peuvent en tirer, individuellement et collectivement. Mais réunir les élèves en îlots de quatre à cinq personnes de façon permanente, et ainsi multiplier les occasions de bavardages et de dissipations l’en a souvent découragé. C’est exactement ce que j’ai vécu au début de ma carrière. Après maints essais infructueux, je finis par abandonner l’idée. Je ne formais des groupes qu’occasionnellement, même si j’essayais de le faire le plus souvent possible. C’est ainsi que, pendant des années, je mis ma classe en « U », pour parvenir à un certain équilibre entre discipline et participation, travail individuel et collectif. Cependant, j’en voyais aussi toutes les limites, sans vraiment savoir si celles-ci provenaient de la structure de la classe, ou étaient inhérentes au fait même d’enseigner. Une nouvelle situation personnelle allait déclencher une avancée dans ma réflexion.

Une mutation…

En fin d’année scolaire 2006, j’obtins enfin une mutation qui allait me rapprocher de mon domicile. Cette perspective me réjouissait, même si je savais pertinemment que ce chamboulement, après tant d’années passées dans le même collège, n’irait pas sans difficultés. Mais celles-ci ne me faisaient pas peur, j’étais prête à en assumer les risques et les conséquences. Je n’étais plus une débutante, j’avais en stock toute une série de stratégies à mettre en place en cas de difficulté avec une classe, et c’est donc l’esprit plutôt confiant et serein que j’abordai ce début d’année scolaire. J’avais tort. Je fus dès le départ confrontée à une classe de troisième très difficile, constituée d’adolescents au fort caractère, intelligents, mais que la vie, encombrée par des problèmes personnels de toutes sortes, avait conduit à des comportements asociaux, immatures et imprévisibles. En son sein, se trouvaient pêle-mêle : deux droguées reconnues, ingérables en période de manque, capables de mettre la classe sens dessus dessous en l’espace de dix secondes ; une enfant caractérielle, très intelligente et allergique à toute autorité féminine, détentrice du record de convocations pour rencontre entre équipe pédagogique et parents. Elle prenait la poudre d’escampette dès que vous aviez l’idée saugrenue de l’envoyer, à bout de ressources, en permanence. Il faut ajouter à cela trois garnements en pleine mutation hormonale, comptant sur leur imagination respective pour apporter à l’agitation générale leur active participation : en résumé, une classe que nous avons tous rencontrée un jour ou l’autre dans notre parcours, et qui nous a donné du fil à retordre. Mon artillerie de clés en tous genres, en passant du contrat bipartite au contrat d’objectif, d’une bienveillance individualisée à une discipline de fer, d’une responsabilisation personnalisée à une indifférence calculée, ne conduisit à rien. L’emploi du temps faisait que j’assumais avec eux la dernière heure de la semaine, heure tant redoutée du vendredi soir de quatre à cinq. L’année fut difficile, pour dire le moins !

Jamais plus ça !

Je me jurais que : jamais plus ! Oui, mais comment ? Qui ou quoi, pouvait me garantir que ce cocktail infernal ne se reproduirait plus ? Personne ! Mais alors, étais-je condamnée, à plus ou moins long terme, à retrouver des conditions telles que le travail devenait si difficile qu’il compromettait à la fois la réussite des élèves et ma santé ? Cette énergie, déployée par ces chers bambins pour entraîner vers le bas, ne pouvait-elle donc pas être canalisée et optimisée pour propulser vers le haut ? Ces questions ne cessaient de me tarauder. Je me mis en quête d’un système basé sur une fédération des énergies conduisant à une coopération qui permettrait à tous de trouver leur compte, sans ennui ni coercition inexorable. Je réfléchis ainsi toute une partie de l’été 2006. Je voulais revenir sur le travail de groupe, en trouvant le moyen de permettre une autogestion positive. Je finis par trouver ceci :

Le dispositif

Fonctionnement du travail de groupe en cours d’anglais, générant une note d’activité sur 20 points :

1. Les élèves de la classe se placent selon leur choix autour d’une table composée de quatre à cinq élèves. Ils garderont cette place pour chaque heure de cours, l’organisation du cours lui-même étant construite en fonction de cette configuration.
2. Chaque table constitue un groupe qui va travailler ensemble dans le but de parvenir rapidement à gagner le maximum de points. Plus la table participe et fournit un travail de qualité, plus elle avance vite dans le compte de ses points.
3. Toutes les tables partent de zéro, et emmagasinent des points bonus selon la qualité du travail et de l’attitude durant l’heure. Les points bonus sont enregistrés sous forme de marque de couleur (au choix du professeur) sur une fiche attribuée à chaque table.
4. Si la table ne fournit pas un travail de qualité raisonnable, ou si elle empêche les autres tables de travailler, elle peut être sanctionnée d’une marque rouge. Chaque marque rouge entraîne la perte d’un point bonus. Les marques pénalisantes peuvent également être individuelles en cas de troubles répétés par un individu.
5. La première table arrivant à vingt points bonus, et ce, quel que soit le nombre de marques pénalisantes, stoppe les comptes de toutes les tables. Le décompte est fait alors pour chaque table : les points bonus, moins les marques pénalisantes. La note est inscrite sur le carnet de notes du professeur (coefficient 0,5 pour les troisièmes et quatrièmes, coefficient 1 pour les sixièmes et cinquièmes). Elle est attribuée à tous les élèves assis autour de la table.
6. Le nombre de notes ainsi obtenues dépend donc du rythme et de la qualité du travail fourni en classe. Plus le rythme est soutenu, plus le nombre de notes est élevé, ce qui peut être vraiment avantageux, étant donné le coefficient de la note.
7. Chaque fois qu’une table a bloqué les autres, donc à chaque nouvelle note, les élèves ont le droit de demander à changer de table, s’ils le souhaitent.

Le système ainsi élaboré me semblait pouvoir marcher. Il était attractif grâce à ses points bonus gagnés à chaque heure, au gré des activités proposées par le professeur, donnant ainsi à l’élève le sentiment d’être récompensé immédiatement pour ses efforts, quand bien même ils fussent collectifs. Il devait aussi permettre une entraide significative pour les élèves en difficulté, ceux-ci trouvant un appui au sein même de leurs camarades. Il devait également réduire de façon conséquente le brouhaha causé par le travail de groupe grâce aux marques rouges pénalisantes. Je savais également que, pour que le système fonctionne bien, il fallait ne pas être avare en points de bonus, insister sur le côté positif du travail en groupe, sur les retombées quasi immédiates du système sur leurs résultats, y compris pour les leaders des groupes, et avoir la main légère sur les marques pénalisantes, ne sanctionner que lorsque la règle de vie communautaire était enfreinte (gêner au point de rendre le travail des autres impossible). Il me restait à établir toute une panoplie d’activités générant des points de bonus, un, deux ou trois, selon la difficulté d’exécution.

Le bonus des points bonus

La base du système était établie. Elle me semblait sûre et constructive, et même si je savais que l’expérience me conduirait à des aménagements, j’avais assez mûrement réfléchi sur chacun des points de son fonctionnement, pour ne pas revenir sur la forme générale. Le travail ainsi établi conduirait à coup sûr à des progrès en anglais, mais les élèves apprendraient aussi beaucoup d’autres choses : gérer le travail de groupe, gérer la discipline au sein du groupe, apprendre à écouter et à tenir compte de l’autre, apprendre à aider l’élève le plus faible du groupe, apprendre à mettre en commun pour parfaire le travail du groupe, apprendre le respect de la règle et à ne pas tricher dans le décompte des points, apprendre à donner et être prêt à recevoir, et j’en oublie sans doute : autant d’atouts indispensables à une vie d’adulte réussie.
Il est à noter que cette note d’activité ne serait pas la seule à compter dans la moyenne, qu’il conviendrait d’y ajouter les devoirs de fin de séquence (évaluations individuelles), les devoirs maisons, les réalisations pratiques, les inter-évaluations, les contrôles de verbes irréguliers pour les troisièmes, etc. les apports théoriques seraient soit amenés par le professeur (méthode inductive), soit par les élèves (méthode déductive). L’appropriation des notions se ferait individuellement dans un premier temps, puis en inter-correction, dans un second temps. La restitution donnerait en général lieu à un travail par table, générant alors des points bonus, selon la qualité du travail.
J’étais assurée du succès du système en 6e et 5e : les élèves étant encore assez enthousiastes à cet âge, ils ne pouvaient recevoir que favorablement cette idée. De plus, je savais pertinemment que le travail de groupe est quasiment systématique en primaire, et que les élèves entreraient d’autant plus facilement dans cette organisation bonifiée du travail. Elle était plus intéressante que le système des bons points ou des images, (bonification limitée et trop individuelle à mon goût), parce qu’elle se transformait en notes ayant une influence directe sur la moyenne. Certains, bien sûr, argumenteront du fait que nous retombons sur une sempiternelle note, mais cela est un autre débat dont l’Education nationale n’est pas sortie aujourd’hui. D’autres n’iront pas sans être chagrinés, pour ne pas dire plus, par cette forme de « rémunération ». Je leur répondrais alors que si cela suscite chez nos élèves ce goût de l’effort que nous regrettons sans cesse de ne pas les voir acquérir, alors, ou demeure le problème ? Que cherchons-nous tous, en fin de compte, si ce n’est de les voir gagner le maximum de compétences pour affronter la vie telle qu’elle est vraiment et leur donner le maximum de chances de la réussir ? La fin ne justifie-t-elle pas les moyens ?

Les 4e et 3e rentreraient-ils dans le jeu ?

J’étais beaucoup moins sûre de moi concernant les 4e et 3e : les élèves étant plus âgés, seraient-ils sensibles à la carotte mise en place ? Allaient-ils rentrer dans le jeu ? Le système permettrait-il aux élèves au lourd passé de refaire surface comme je l’espérais ? N’allaient-ils pas trouver le système infantile ? Les bonifications les motiveraient-elles assez ? Les pénalisations suffiraient-elles vraiment à leur permettre de s’auto-discipliner ? C’est la tête pleine de ces questions que j’abordais la rentrée 2007. J’avais hâte de constater si ma réflexion était fondée et si les retombées allaient être celles auxquelles je m’attendais.
Lors de la prérentrée, j’allais donc trouver mon chef d’établissement pour la tenir au courant de ma démarche, lui donner un exemplaire du règlement établi, et lui demander l’autorisation de le mettre en place. Cette dernière fut accordée sur le champ. Je montais alors dans ma classe pour la réorganiser, et mettre les tables en îlots. J’eus l’agréable surprise de constater alors un gros gain de place, et une meilleure circulation possible entre les tables. Je pouvais aussi garder mon rétroprojecteur devant l’écran, comme d’habitude. (Je n’écris rien au tableau, mais tout sur transparent vierge, que je peux ainsi photocopier à loisir pour les enfants dyslexiques ou dyspraxiques).
C’est le cœur battant que je fis entrer ma classe de 6e dans ce nouvel espace de vie. Ils ne furent pas plus surpris que cela devant les îlots, ayant pour la plupart déjà l’habitude de fonctionner par table en primaire. Ils s’installèrent rapidement, par affinité, ainsi que je le leur avais précisé en préambule. Par contre, leur réaction fut tout autre à l’énoncé du règlement. Ils furent extrêmement surpris et ravis en comprenant que leur travail leur rapporterait des bonus immédiatement, et me posèrent toutes sortes de questions pour s’assurer qu’ils avaient bien compris cette bonne aubaine. Le résultat fut immédiat, et ce, dès les premières séances : je peux dire sans exagérer, qu’ils se « jetèrent » sur le travail, et lancèrent des regards pétillants aux premiers points bonus que je ne manquais alors pas de distribuer plutôt généreusement. En effet, si on veut amorcer un travail rapide et efficace, rien de tel que d’annoncer à l’avance le nombre de points que celui-ci peut rapporter, selon sa qualité. Renouveler les occasions de ces points bonus dans l’heure motive les élèves et accélère leur rythme de travail.
Le phénomène se reproduisit quasiment à l’identique avec les 5e, avec l’effervescence qu’on leur connaît. Sans énervement aucun, sans cris, sans perte de temps, (finis les mots dans le carnet, dont l’efficacité très limitée, pour dire le moins, m’avait déjà conduit à les limiter au maximum…) J’eus alors l’occasion d’utiliser la première marque rouge pour une table, avec pour résultat immédiat, un silence de mort dans la classe. Je perçus à la table voisine, un « ça calme ! » significatif ! Cela marchait donc ! Je me réjouissais intérieurement de ce que cela pouvait augurer au niveau du travail de tous, de la qualité gagnée, et des progrès que cette bonne écoute pourrait automatiquement permettre. Bien sûr, ce n’était que le début, je savais bien qu’après les premiers jours, le système perdrait sans doute de son efficacité, mais c’était malgré tout très encourageant. Il ne tenait qu’à moi de faire en sorte qu’il soit le plus performant possible.
Il ne me restait plus qu’à voir ce qu’allaient en penser les troisièmes ! (Je n’avais pas de quatrièmes cette année-là).
La disposition des tables leur plut d’emblée, et encore plus lorsque je les informais qu’ils pouvaient se placer comme ils voulaient, au gré de leurs affinités. Je leur signalais seulement qu’ils ne pourraient plus changer, tant que la première note n’aurait pas été obtenue. Le règlement ne leur posa pas de problèmes, bien au contraire, et le système des marques rouges leur parut juste. Il ne restait plus qu’à tester, ce que je m’empressais de faire en leur proposant une première activité facile pouvant rapporter deux points bonus. La seule condition (qui est valable pour tous les niveaux, pour toutes les activités, et qui est fondamentale, est que tous les élèves rédigent seuls pendant deux ou trois minutes, c’est-à-dire chacun sa feuille : et non pas une feuille pour la table. La mise en commun du travail n’ayant lieu qu’après le travail individuel). À ma grande surprise, et aussi, je dois bien le dire, à mon grand soulagement, tous les élèves des deux classes que j’avais cette année-là, entrèrent dans le jeu, et firent ce qui était demandé. Il fut alors passionnant de voir comment le travail collectif qui suivit la phase individuelle se mit en place selon les tables, les élèves les plus avancés aidant les plus faibles, les discussions qui allaient bon train selon les erreurs à corriger ou non, la décision finale avant de m’appeler pour que je décerne les points bonus tant convoités.
Ce que j’avais imaginé fonctionnait parfaitement. J’étais ravie et me régalais de voir tous les élèves actifs, même ceux qui étaient en difficulté. Bien sûr, les classes étaient différentes, et les élèves qui n’étaient pas habitués à travailler ne firent, pour certains, que recopier le travail de leurs camarades, mais, et nous avons tous été confrontés à ce genre d’élèves, pour ces derniers, c’était déjà une grosse avancée. Je devais m’apercevoir, au fil des mois, que ces mêmes élèves, à force de recopier des choses justes, et de pouvoir ainsi répondre aux questions et aux sollicitations du professeur, finissaient par ne plus être passifs, et à progresser, presque malgré eux.

Une synthèse des points positifs de cette pédagogie

Pour certaines classes, et notamment une classe que j’eus l’année suivante, ce fut le vrai jackpot : les tables entrèrent à fond dans le jeu, et essayèrent vraiment d’être les premières à parvenir à vingt points. Il s’en suivit un excellent rythme de travail, et des résultats comme je n’en avais jamais vus auparavant. Un vrai bonheur.
Voici donc, en résumé, les points positifs qui ont transformé mes classes et mon mode de fonctionnement :
– un réel enthousiasme des élèves, générant automatiquement,
– une meilleure ambiance de classe,
– une meilleure autodiscipline au sein des tables,
– un travail de tous, et donc moins de décrochage sérieux d’élèves,
– une plus grande entraide au sein de chaque table,
– un meilleur rythme de travail,
– de meilleurs résultats,
– la remise en route de beaucoup d’élèves qui se sentaient perdus en début d’année,
– une relation apaisée entre professeur et élèves,
– une accentuation phénoménale de la participation des élèves, et ce même en classe de troisième grâce à une attribution de points bonus supplémentaires en cas de participation de tous les élèves à la table (une ardoise effaçable est placée sur chaque table. À chaque heure de cours, les élèves inscrivent leur nom dans une colonne qui leur est réservée, et font une barre chaque fois qu’ils prennent la parole : si à la fin de l’heure, tous les élèves ont une barre, la table obtient un point bonus supplémentaire. S’ils ont participé trois fois chacun, deux points bonus sont inscrits en plus sur la fiche de marque.) Ce système a plusieurs avantages : une participation égalitaire de tous les élèves moteurs, une stimulation efficace des élèves distraits, un encouragement et une solidarité inter-élèves au sein d’une même table envers les élèves plus réservés ou craintifs (« vas-y, il n’a que la phrase à répéter »), une deshinibition progressive des élèves coincés (ils finissent par ne plus même se rendre compte qu’ils osent prendre la parole), et par voie de conséquence, une amélioration de la prononciation,
– un développement systématique du travail de groupe qui permet aux plus démunis de se sentir encadrés et soutenus par la table, qui devient alors « une »,
– une multiplication presque infinie de travaux de groupe générant des points bonus,
– une réduction importante, pour ne pas dire complète, du sentiment d’ennui que peuvent parfois générer des cours plus conventionnels…
Cette liste déjà impressionnante n’est pas exhaustive : il me semble que chaque jour apporte une nouvelle idée, un nouvel aspect à exploiter. Cela paraît sans doute trop beau, trop facile… et pourtant, depuis maintenant deux ans que le système est en route, je ne lui ai trouvé que des avantages. Constater de quelle façon les élèves s’investissent et progressent me réjouit chaque jour davantage. La réussite du système repose aussi certainement sur la personnalité de l’enseignant, sa confiance dans cette forme de travail et sa gestion, la perception plus ou moins positive qu’il transmet aux élèves. Toujours est-il qu’il me serait impossible de revenir en arrière.

Est-ce que ça marche dans les zones sensibles ?

Je veux spécifier ici que je ne travaille pas dans un collège particulièrement difficile, et que je me posais la question de la réussite du système dans des zones sensibles. Il est alors très intéressant de savoir que la jeune stagiaire que j’avais la première année de cette mise en place a été nommée, l’année qui a suivi, dans une « zep » sensible de la région parisienne. Elle s’est empressée de mettre en place le « système Rivoire », ainsi que l’appelle Monsieur Guilbert, IPR d’anglais de l’académie de Grenoble. Il a généré le même enthousiasme, et a motivé les élèves à tel point qu’ils ont demandé à ce que cela soit appliqué dans tous les cours.

Pour une généralisation du « système Rivoire »

Je demeure persuadée qu’il fonctionnerait aussi bien dans presque toutes les matières, et pourquoi pas, de la primaire au lycée, pour le plus grand encouragement et le profit de tous.
Il me reste beaucoup de choses à aborder et à développer :
Par exemple :
– l’adaptation des îlots aux différentes formes de salles,
– comment s’opère la modification de l’ambiance de classe, ainsi que la suppression des rapports de force entre élèves de la même classe,
– l’importance du libre choix des places autour des tables (le contraire peut faire échouer le système).
– comment opérer la comptabilisation des points bonus et malus de façon facile et rapide,
– quel est le rythme moyen d’obtention des notes d’activité,
– quelles sont les typologies d’activités ou de tâches possibles générant des points bonus et leur mise en œuvre détaillée,
– le côté résolument positif à adopter pour que le système marche,
– la façon de l’expliquer aux élèves et aux parents,
– le pourquoi des points choisis dans le règlement,
– la bonne utilisation des marques pénalisantes, selon un code connu des élèves et établi avec eux,
– comment faire en sorte que les devoirs de fin de séquence n’obligent pas à remettre la classe en rangs pour éviter le copiage,
– l’avis des élèves à la suite d’un sondage que j’ai construit et que je leur ai soumis au bout de trois mois de fonctionnement,
– l’avis d’autres collègues utilisant le système,
– comment gérer les conflits qui peuvent survenir au sein des tables,
– etc.

Toutes ces informations donneront prochainement lieu à une publication plus riche. Je ne voulais ici qu’informer de ma recherche et ouvrir ainsi peut-être de nouvelles perspectives sur le travail et la réussite du plus grand nombre, pour le bien être de tous.
Je ne suis d’ailleurs pas la seule à croire que « cela marche vraiment », puisqu’au jour ou je publie cet article, et donc moins de deux ans après sa première introduction, une multitude de collègues ont adopté le système (je suis formatrice depuis de nombreuses années, et je propose toujours les avancées de mes recherches aux stagiaires qui assistent à mes formations), y compris dans mon collège, et pas seulement en anglais (toutes mes collègues s’y sont mises), mais dans toutes les autres langues ! Des collèges d’autres départements m’ont également contactée pour se lancer dans l’aventure : alors… jusqu’au bout de monde ? Et pourquoi pas ?

Marie Rivoire, professeure d’anglais, collège Liers et Lemps, 38690 Le Grand Lemps.

Un petit exemple concret
Je propose ici, afin de faciliter la compréhension de l’esprit du système, un petit exemple concret (parmi tant d’autres…) de son application en classe.
Tous les professeurs font en général un retour rapide sur les apprentissages de la séance précédente. Celui – ci peut prendre une multitude de formes, de l’interrogation collective informelle, à l’interrogation individuelle notée (type contrôle surprise), en passant par une interrogation inter-tables, avec points bonus à la clé, entre autres J’ai quasiment tout pratiqué, sauf le contrôle surprise individuel. Je n’ai en effet jamais bien compris le but de l’exercice : celui de vérifier que tout le monde a appris sa leçon me semble particulièrement pervers, puisque n’importe quel professeur vous assurera d’un ton dépité que : « Ils n’apprennent pas leurs leçons, alors, comment voulez-vous qu’ils progressent ? ». Que cherche-t-on alors à faire en faisant des contrôles surprise ? À vérifier, qu’en effet, ils n’apprennent pas ? À pénaliser ainsi, parfois de façon dramatique, la moyenne de l’élève, ce qui aura, dans bien des cas, un effet décourageant et démobilisant ? Ceci est-il bien pédagogique ? N’est-il donc pas plus porteur de faire en sorte que la leçon s’apprenne en cours ? De multiples techniques de mémorisation, qui plus est, très ludiques, sont à la portée de tous les enseignants, et permettent de gagner un temps précieux, contrairement à ce qu’il parait de prime abord. Cet apprentissage en classe permet également une mise en place correcte de la phonologie, élément fondamental en ce qui concerne l’anglais.
Celui d’inciter ainsi les élèves à apprendre par peur d’une mauvaise note, me paraît tout aussi antipédagogique, inégalitaire et destructeur : nous savons pertinemment que les élèves ne sont pas tous dans des conditions personnelles et familiales optimums, permettant un apprentissage serein, encadré et constructif. Les élèves qui en sont privés, sont indubitablement pénalisés, subissant alors un phénomène comparable à celui de « la double peine », celle de ne pas être aidé à la maison, et d’en subir les conséquences à l’école… Insupportable !
Mes élèves savent qu’ils seront interrogés en début de chaque heure, à propos de la leçon précédente, et que cette interrogation peut prendre plusieurs formes (il est bon de varier les plaisirs !) Voici donc une de celles que j’aime pratiquer pour cette phase indispensable qu’est la « remise en route » :
1. Le professeur formule sa demande concernant la leçon précédente sous la forme qu’il veut (règle de grammaire, vocabulaire, structure à retrouver, petites phrases de thèmes ou de version, etc.), mais l’activité ne doit pas prendre plus de cinq à sept minutes.
2. Tous les élèves répondent aux demandes du professeur de façon individuelle sur une feuille navette d’interrogation (feuille double préparée au nom de l’élève en début d’année, et qui servira plusieurs fois lors des petits contrôles de début d’heure, ramassée et rendue corrigée pour l’heure suivante. Elle permet ainsi un vrai gain de temps et des économies de papier…) pendant trois ou quatre minutes.
3. Le professeur en profite pour circuler dans les rangs et « sermonner » les élèves qui n’ont visiblement rien appris, ou encourager ceux qui ont fait des efforts.
4. Lorsque le temps de travail individuel est terminé, le professeur annonce alors qu’un travail d’échange d’informations et de corrections peut avoir lieu au sein de la table, pour une durée de deux à trois minutes. Une seule feuille sera ramassée au hasard à chaque table, et chaque table se verra alors récompensée d’un ou deux points bonus selon la qualité du travail effectué. Il spécifie qu’il est donc indispensable que tous les élèves corrigent leur production au mieux, afin d’assurer le meilleur gain à la table.
5. À la fin du temps imparti, le professeur récupère au hasard une seule feuille à chaque table puisque toutes les productions doivent être identiques. Il les corrige pour la séance suivante en indiquant pour chaque table, le nombre de points bonus obtenus. Ces derniers sont alors inscrits sur la fiche de marque de chaque table concernée.
Les effets positifs de ce type d’interrogation de début d’heure sont multiples, aussi bien pour les élèves que pour le professeur :
– Chaque élève est bien confronté individuellement à ses savoirs lors de la phase 1. Ainsi que je l’ai indiqué précédemment, cette phase est indispensable, dans tous les types d’exercice, afin que chaque élève puisse se construire ses stratégies, prendre conscience de ses manques et réaliser ainsi que, peut-être, son apprentissage a été insuffisant, ou que sa méthode n’a pas été la bonne.
– Lors de la phase 2, que les élèves adorent, ils sont amenés à confronter leurs productions, à échanger sur les éventuels apports et modifications. C’est alors un régal pour le professeur de voir les élèves concentrés, actifs, cherchant visiblement à faire le mieux possible, mobilisés sur la tâche à accomplir. Cette phase est parfois l’occasion de vives discussions lorsqu’il y a désaccord, et quel que soit le choix final, on peut parier qu’ils se souviendront beaucoup mieux du point discuté, que si la solution avait seulement été donnée par le professeur.
– Cette phase 2 permet également aux élèves qui n’ont rien appris, de se remettre dans la leçon de façon constructive, contrairement aux contrôles surprise qui laissent l‘enfant qui n’a pas appris, dans un état d’ignorance et de stress peu propices à une bonne assimilation des notions qui suivent. C’est cette phase de confrontation et de discussion qui a permis à bon nombre de mes élèves, de se remettre à flots. Il est aussi intéressant de constater que même les plus perdus et irréductibles, se sentent rassurés et modifient ainsi leur comportement rebelle. Même si certains ne se contentent que de recopier des choses justes, ils finissent par progresser « à l’insu de leur plein gré » ! J’ai vu des dilettantes notoires finir par donner des réponses aux questions, en sachant que leurs productions avaient de bonnes chances d’être justes, puisqu’elles avaient été agréées par le groupe. La force du groupe les libérait à la fois petit à petit de la peur de l’échec, et du rôle négatif dans lequel celle-ci les avait conduits.
– Conséquence non négligeable pour le professeur de ce type de contrôle : au lieu de ramasser 28 ou 29 copies, il n’en ramasse et n’en corrige que 6 ! Cela lui permet de les rendre au cours suivant sans problème, avec en marge, le nombre de points bonus gagnés par la table.
– Une fois les six copies ramassées au hasard, le test est bien sûr corrigé pour toute la classe par les élèves fournissant les réponses, ce qui leur donne également l’occasion, chaque fois qu’ils participent, de se mettre une barre supplémentaire dans leur case, sur l’ardoise.
– Le cours suivant peut alors démarrer dans les meilleures conditions, pour tous.