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«Un texte, une lecture, ça ne va pas de soi»

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Le titre du dossier est « Lire, comprendre ». On ne peut pas lire sans comprendre?
Non. Pour nous, c’est même une évidence. On peut décoder sans comprendre (dans une langue qu’on ne connait pas mais dont on lit l’alphabet, par exemple), mais pas lire. Lire, c’est utiliser l’écrit pour se distraire, travailler, s’informer, etc ; ce qui implique que l’on comprenne. La partie « lecture » du programme de 1985 pour l’école primaire commençait, à juste titre, par l’affirmation «Lire c’est comprendre». Nous avons même du mal à comprendre qu’on en débatte. Mais une discussion en comité de rédaction des Cahiers pédagogiques nous a montré que ce n’était pas évident pour tout le monde. D’où le choix de nommer ainsi ce dossier.

Comprendre, au sens étymologique de «saisir par l’intelligence, embrasser par la pensée», c’est pouvoir se créer une représentation mentale structurée et cohérente d’un énoncé quelconque, d’une situation présentée ou évoquée. Lire, c’est avoir cette même compréhension, cette même aptitude, face à un écrit. On dépasse donc la simple capacité de déchiffrer, ou de prosodier. C’est sans aucun doute nécessaire mais certainement pas suffisant.

Quelles pistes propose le dossier pour aider les élèves à mieux comprendre ce qu’ils lisent?
On y rappelle ou on y apprend que comprendre un texte, une lecture, ça ne va pas de soi, que ça doit relever d’un enseignement, d’une méthodologie. Les pistes proposées sont nombreuses, avec des approches des plus techniques, modélisées, et d’autres plus empiriques, expérimentées au plus près du terrain et d’un contexte particulier. Le dossier, à travers ses contributeurs, met tout autant en avant l’efficacité d’un enseignement explicite des stratégies de lecture, que le non moins efficient choix d’aborder cet apprentissage par la rencontre direct et ouverte avec de «grands textes» et de «grands auteurs».

Les pistes varient également selon le niveau des élèves, les propositions ne seront pas les mêmes pour des lycéens ou des élèves du premier degré, sinon pour une activité : le débat, l’échange sur ce qui est lu, la construction collective du sens d’un texte. Ce sont les modalités de ces échanges et leur objectif précis qui varieront suivant la classe.

Une voie actuellement importante est l’enseignement de stratégies pour construire le sens d’un texte. Cela peut donc se faire en utilisant «l’enseignement explicite» au sens où l’entendent les didacticiens canadiens, ou par d’autres procédures. On va ainsi apprendre à clarifier son projet de lecture (on ne lit pas tous les types de textes de la même façon), se faire des images mentales, questionner le texte, repérer et lever l’implicite, vérifier et réguler sa compréhension… On met en place des routines qui s’automatiseront. Divers articles du dossier font des propositions en ce sens. Beaucoup insistent aussi sur l’idée de processus dans laquelle le voyage est tout aussi important que la destination, quand une pédagogie réfléchie de la compréhension permet à l’élève d’apprendre à se comprendre soi-même.

D’autres collègues contributeurs de ce dossier ont opté pour l’échange, la coopération entre élèves dans la recherche du sens d’un texte, mais aussi pour la confrontation des idées au service de la construction des représentations.

Est-ce que cela ne concerne que l’apprentissage de la lecture au début du primaire et donc que les professeurs des écoles?

On n’a jamais fini d’apprendre à lire, donc les propositions faites dans ce dossier concernent tous les niveaux, de la maternelle à l’université. Certaines ne seraient du reste pas adaptées à des lecteurs débutants (je pense par exemple à un article montrant le lien entre étude de la langue – ici de l’emploi des temps verbaux – et la compréhension). D’ailleurs, des professeurs de collèges et lycées, généraux ou professionnels, ont contribué à ce numéro.

L’idée était vraiment de dépasser les débats, voire les querelles, qui existent effectivement dans le monde l’éducation et dans la société en général, à propos des méthodes d’apprentissage de lecture et de première entrée dans l’écrit. Il s’en dégage finalement d’ailleurs objectivement des consensus plutôt équilibrés entre spécialistes et chercheurs de bonne volonté.

Malgré tout, il fallait aussi pouvoir savoir comment les enseignants de tous niveaux s’y prenaient avec leurs élèves les plus fragiles, les moins lecteurs, pour leur faire profiter tout de même d’un enseignement de la compréhension des écrits, de leur profondeur, de leur variété et de leur richesse culturelle. Faire en sorte qu’ils soient tous capables. On retrouve vraiment dans tous les textes, cette exigence et cette préoccupation d’embarquer tous les élèves et donc, par force, de chercher et trouver les moyens d’y parvenir au mieux.

Propos recueillis par Cécile Blanchard