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Un projet pour la société

Edwy Plenel et Claude Lelièvre sont tous deux intervenus devant les 280 participants de la Biennale internationale de l’éducation nouvelle, citant Jules Ferry, le congrès fondateur de la Ligue Internationale pour l’éducation nouvelle (LIEN) de 1921 à Calais, ou encore le plan Langevin-Wallon… Voici, parmi d’autres, trois points communs à leurs conférences.

Premier point commun : la référence à Jules Ferry, souvent présenté comme le chantre de l’école traditionnelle et autoritaire. À les entendre le lire, il pourrait bien en fait être l’un des pionniers de l’éducation nouvelle, ou de ce que certains appellent le «pédagogisme» pour mieux le dénigrer. Tous deux ont donc cité des écrits de Jules Ferry, dont le contenu peut surprendre voire déranger un peu si l’on ne s’y attend pas.

Prenons pour seul exemple (on en trouve de nombreux autres sur le blog de Claude Lelièvre, en particulier dans ce billet-ci) son discours au Congrès pédagogique des inspecteurs, et directeurs et directrices d’écoles normales primaires du 2 avril 1880 : «Aux anciens procédés qui consument tant de temps en vain, à la vieille méthode grammaticale, à la dictée – à l’abus de la dictée -, il faut substituer un enseignement plus libre, plus vivant, plus substantiel.»

Montessori ou Freinet?

Deuxième point commun : le parallèle entre Maria Montessori, à laquelle s’est récemment référé le ministre Jean-Michel Blanquer, et Célestin Freinet, que sa prédécesseuse Najat Vallaud-Belkacem avait mis à l’honneur à l’occasion du cinquantenaire de sa mort en octobre 2016. Aussi bien Edwy Plenel que Claude Lelièvre ont évoqué les deux pédagogues, militants de l’éducation nouvelle, pour souligner que la différence la plus essentielle entre les deux tient au projet démocratique de Freinet, appuyé sur la coopération entre élèves (et entre enseignants), dans la recherche d’une émancipation collective des élèves, «par, dans et pour le collectif», là où le projet de Montessori aboutit à développement plus individuel, voire individualiste. On pourra lire le billet que Claude Lelièvre avait publié à ce sujet sur son blog sur le site de Mediapart en juillet dernier.

Troisième point commun, la conviction que l’éducation nouvelle est porteuse d’une vision très politique de l’éducation et du projet de l’école de la République, notamment quant à la répartition des pouvoirs au sein de la société (mais aussi de la classe). Edwy Plenel dénonce une «offensive néo-libérale qui a trois mots clés : pédagogisme, égalitarisme, élitisme» derrière lesquels on trouve «un renoncement à l’ambition démocratique». Selon lui, «l’émancipation, c’est ne pas penser à la place d’autrui. Ce n’est pas l’autorité descendante du savoir du maître.» Et Claude Lelièvre a, lui, convoqué le plan Langevin-Wallon élaboré à la Libération : «Il importe en effet d’éviter de cultiver en certains l’absolutisme du chef prédestiné et en d’autres l’habitude paresseuse d’une aveugle soumission.»

Edwy Plenel, face à l’offensive néo-libérale qu’il évoque, appelle à «reconstruire avec la société, dans la société, un nouveau rapport de force», comme un écho à la devise des Cahiers pédagogiques, «changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société».

Cécile Blanchard

Pour visionner les conférences sur la page Facebook de la Biennale:
Edwy Plenel
Claude Lelièvre

Pour en savoir plus sur la Biennale :
«L’éducation nouvelle promeut le débat pédagogique inventif»
Conférence de Philippe Meirieu
Première Biennale internationale de l’éducation nouvelle
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