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Un pas de côté…

Web 2.0… Cette expression mystérieuse envahit les médias, et maintenant même une couverture des Cahiers pédagogiques. Elle sonne pourtant comme un logo publicitaire, comme un gadget dédié à la futilité, une mode qui passera très vite dans un monde de consommation. Le Web 2.0, c’est une jungle : un enchevêtrement de sites et de réseaux, gratuits, mais pleins de publicité, un écosystème foisonnant, mais superficiel et volatil, un monde dangereux aussi peut-être, pour nos données personnelles collectées au fil de la navigation, pour nos enfants qui y font des rencontres malsaines, pour notre vie qui pourrait s’écouler devant l’écran d’un ordinateur dont on ne saurait décoller. Qu’a donc à faire l’école avec le Web 2.0 ?
En réalité, le Web 2.0, c’est le principe d’horizontalité appliqué à Internet. Loin de la passivité du téléspectateur, l’internaute devient acteur sur le Web. Il participe à l’élaboration des données qu’il consulte, publie, partage ses données, échange via les réseaux sociaux, participe à des travaux collectifs. Il devient « utilisacteur ». Rien de réellement révolutionnaire, mais la facilité de prise en main entraine une massification de ces pratiques. Lequel de nos élèves n’a pas son blog et sa page Facebook ? Même le ministère de l’Éducation nationale a son compte Twitter. L’école doit donc se préoccuper du Web 2.0 parce qu’elle forme les enfants d’aujourd’hui, dans ce monde-ci, tel qu’il est, imprégné de ces technologies qui permettent d’écrire, de publier, de partager textes, images et sons, qui permettent d’échanger en temps réel et qui conserve les traces de tout, mais aussi de n’importe quoi.
Pourtant, nous n’avons pas intitulé ce dossier « Le Web 2.0 à l’école », mais « Le Web 2.0 et l’école ». C’est d’abord une question de lieu : en effet, le Web 2.0 fait sortir les apprentissages du cadre purement scolaire et fait entrer d’autres espaces, dans la sphère éducative. C’est aussi une question de mise en relation. Les différents acteurs de l’école doivent inventer leurs usages, leurs règles de fonctionnement dans cet environnement de plus en plus interactif, hors des rapports sociaux sur lesquels l’école s’est construite. Beaucoup de questions émergent des articles de ce numéro, qui montrent que les enseignants cherchent leur place dans ce nouveau contexte. Mais on y voit aussi une inventivité incroyable dans l’utilisation des outils du Web 2.0 pour rendre les apprentissages plus faciles, plus efficaces, pour individualiser sans jamais renoncer aux contenus.
Ce dossier s’interroge sur l’utilité de ces usages du Web 2.0, sur leur pertinence et leur pérennité. La réflexion portera d’abord sur les postures mises en œuvre. Quel est le rôle de l’enseignant face à des adolescents déjà très utilisateurs de Web 2.0 ? Qu’y a-t-il à leur apprendre en la matière ? Est-ce vraiment efficace en terme d’apprentissages ?
La deuxième partie met en avant des pratiques de classe qui visent à donner du sens à la lecture et à l’écriture en les mettant en œuvre dans des situations de communication authentiques : bloguer son livre préféré, partager les compétences sur un wiki et s’améliorer encore grâce aux retours des lecteurs.
Viennent ensuite des exemples de détournements éducatifs d’outils divers, de Twitter à Netvibes ou Facebook, dans l’objectif toujours de renforcer les savoir-faire et de développer les savoirs.
Le quatrième chapitre de ce dossier interroge la question de l’identité numérique : quelle image doit-on donner de soi sur la Toile, en tant que jeune, adulte ou enseignant ? Comment gérer l’imbrication entre vie privée et vie professionnelle dans le cadre des réseaux sociaux ?
Nous verrons enfin ce que le Web 2.0 change pour les usagers de l’école : des élèves prennent confiance et gagnent en autonomie, des enseignants s’enrichissent du travail en réseau, des parents s’investissent dans la classe…
Ces témoignages parfois enthousiastes sont pourtant parsemés de points d’interrogation : les auteurs racontent ce qui ressemble parfois à une aventure collective, mais qui est souvent de l’ordre de l’expérimentation isolée. On les voit faire ici un pas de côté pour s’observer, enseigner et analyser ces pratiques nouvelles.

Caroline d’Atabekian et Caroline Jouneau-Sion