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Un baiser qui fait du bruit

Questions à Sébastien Watel

Un mot d’abord sur vos choix artistiques : pourquoi des personnages animaux (une chatte, des poissons), pourquoi cette forte présence des éléments naturels (eau, Soleil, Lune) ?

Lors de l’écriture d’un scénario, certains choix ou idées s’imposent à l’auteur intuitivement, puis prennent sens ensuite. Le choix d’utiliser des animaux plutôt que des êtres humains permet de prendre plus de recul sur les personnages qui deviennent alors moins stéréotypés, plus poétiques et mystérieux.
Les poissons symbolisent la liberté et le bonheur, valeur importante dans l’histoire d’amour entre Félix et Léon. Les poissons sont aussi muets, conduisant vers le secret, le mystère, également présents dans le film.
Le personnage du chat m’a intéressé dans son contraste entre la douceur et le danger qu’ils représentent pour les poissons, également par son caractère spirituel qui le relie aux astres.
De plus, les chats n’aiment pas l’eau, ce qui les isolent des poissons. Les personnages ont chacun leur territoire : les poissons l’eau, la chatte la terre et les astres, ce qui leur donne des points de vue différents sur la vie.
Les éléments naturels sont très présents en opposition au château artificiel (le château représente la société, la norme) tandis que la mer, le ciel, les astres représentent la nature, beaucoup plus grande et forte. Le film oppose une vision de l’amour normé ou reconnu socialement, notamment par le mariage et les autres amours qui existent aussi et qui sont tout autant naturelles.

Quelle est la part, dans votre démarche, du projet de concevoir un film d’animation comme un outil de lutte contre les discriminations envers les homosexuels ?

Le projet de faire de ce film un outil de lutte contre l’homophobie chez le jeune public n’est venu que dans un second temps. Mais l’intention du film, celle de raconter une belle histoire d’amour homosexuelle, comme celles (hétérosexuelles) qui sont racontées aux enfants, allait déjà dans ce sens.
Je pense que l’expression artistique peut être un très bon médium pour militer, ou du moins faire réfléchir, de façon peut-être moins brutale et plus juste que des slogans ou revendications scandés dans la rue. Ce qui est particulièrement vrai pour le conte et le cinéma d’animation lorsque l’on s’adresse aux enfants.

Peut-être que finalement la plus belle réussite serait de ne pas faire discuter d’homophobie, mais seulement des relations amoureuses, ou encore de la qualité des animations et de l’atmosphère de ce conte ?

Dans un monde idéal (ou peut-être plus tard), le fait que deux poissons-garçon puissent s’aimer comme un prince et une princesse ne poserait même pas question, mais nous n’en sommes pas encore là. Et ce film doit bien permettre de discuter et de s’interroger sur ces relations homosexuelles encore trop taboues.
Cependant il est vrai que le film ne s’enferme pas sur ce sujet (qui n’est même pas vécu comme un problème dans le film). Il traite des relations amoureuses en général et interroge également sur la norme, le rêve, la solitude. Des thèmes chers au conte qui sont également présents dans Le Baiser de la Lune à travers une multitude de symboles invitant à la réflexion et à la manière dont on s’exprime à travers le cinéma d’animation.

Questions à Nadia Bellaoui

Quel sera le contenu du dossier pédagogique réalisé avec la contribution de la Ligue de l’enseignement autour du film ?

Ce dossier aura deux entrées, d’égales importances : d’une part des fiches sur le cinéma (découpage, travail sur les techniques d’animation, travail sur le scénario, la narration, les personnages) ; d’autre part un travail plus orienté sur l’égalité et la lutte contre les discriminations, l’homophobie plus particulièrement.

Pourquoi la Ligue a-t-elle choisi d’accompagner le projet de ce film ?

La Ligue a toujours milité pour une éducation artistique très présente dans son projet, à savoir la rencontre avec les œuvres, avec les artistes ou les professionnels, et la pratique artistique. C’est donc tout naturellement qu’elle soutient des œuvres de qualité. Par ailleurs, la Ligue est persuadée que l’éducation artistique et l’action culturelle sont de puissants leviers d’émancipation. On ne fait pas de l’art (que) parce que c’est joli : il s’agit bien de soutenir des projets qui ont une portée politique, au sens le plus citoyen du terme. Or, Le Baiser de la Lune délivre un message clair sur le respect de l’autre, et sur la prééminence de relations sincères sur le sexe des personnes entre lesquelles elles adviennent. Cela fait également partie intégrante du projet de la Ligue : une volonté affirmée d’éducation à l’égalité dans la diversité.

Propos recueillis par Patrice Bride


Programmation 2014-2015

Programmation 2014-2015

La bande-annonce et des informations sur la diffusion du film sont disponibles sur www.le-baiser-de-la-lune.fr.