Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Trouver la bonne organisation

Dans un enseignement basé sur le travail de groupe, c’est la mise en activité des élèves qui est recherchée avant tout. D’après PIAGET, l’école active suppose […] une communauté de travail avec alternance de travail individuel et du travail de groupe parce que la vie collective s’est révélée indispensable à l’épanouissement de la personnalité, sous ses aspects même les plus intellectuels. Le travail de groupe favorise le conflit socio-cognitif : l’élève en se confrontant à d’autres, améliore son apprentissage au cours des interactions au sein du groupe. Pour d’autres auteurs comme REID, FORRESTAL et COOK, le travail de groupe développe les habiletés d’écoute et améliore les relations élèves- enseignants, ce dernier pouvant consacrer plus de temps à chaque élève. Par ailleurs, programmes et instructions officielles incitent à cette pratique qui permet d’accéder à l’autonomie, et à la responsabilité pour parvenir à savoir et à savoir travailler. la Loi d’Orientation pour l’école élémentaire (1990) dans son souci de mettre l’enfant au centre du système éducatif recommande une organisation de la classe en groupes. Actuellement, les nouvelles organisations de travail dans le Secondaire (IDD, TPE, …) le valorisent également .
En s’appuyant sur l’ensemble de ces données, une première expérience de travail de groupe a été menée en SVT en classe de Seconde. L’objectif de la démarche est de tester l’efficacité de l’organisation du travail de groupe telle qu’elle est présentée par les auteurs.

Renverser les rôles
Le travail a été mené en s’appuyant sur un ensemble de références bibliographiques : chaque groupe comporte quatre élèves regroupés par affinité ; un rôle précis est attribué à chacun : leader, secrétaire, critique, rapporteur. DE PERETTI insiste sur la répartition des rôles qui va dans le sens d’une meilleure participation des individus et d’une meilleure communication. Un roulement des rôles est réalisé d’une séance à l’autre. MEIRIEU propose d’imposer le renversement des rôles pour que chaque membre du groupe puisse confirmer ses aptitudes.
Cette organisation a permis de tester deux capacités expérimentales : savoir mettre en relation logique des informations dans un but explicatif et savoir effectuer une synthèse. Le travail de groupe est suivi d’un travail individuel testant les mêmes capacités. L’évaluation sommative a montré que le travail individuel réalisé après le travail de groupe a donné de moins bons résultats que le travail de groupe préalable. L’organisation du travail de groupe telle qu’elle a été menée n’est pas satisfaisante car elle ne permet pas aux élèves d’acquérir individuellement ces capacités. Une nouvelle expérimentation pédagogique est alors réalisée en tenant compte des problèmes rencontrés : les élèves réunis par affinité sont d’un niveau sensiblement égal et ne sont pas actifs, l’élève se cantonne au rôle attribué et s’investit de manière très fragmentée au travail de groupe, des problèmes de discipline ont empêché le renversement des rôles d’une séance à l’autre.

Supprimer les rôles
Une étape de formation initiale de chaque élève est mise en place, s’inspirant des données de MEIRIEU. En effet, cet auteur considère que, avant de passer au travail en groupe, il est nécessaire de mettre en place une étape de formation initiale, garantissant que chaque individu maîtrise les compétences requises. Une phase du travail individuel a donc été menée : chaque élève a travaillé individuellement sur un exercice qui sollicite les capacités méthodologiques qui seront reprises ensuite lors du travail de groupe mais sur un exercice différent.
Le travail de groupe est ensuite mis en place. Des groupes de quatre élèves sont constitués; chaque groupe est imposé pour établir une hétérogénéité scolaire et comportementale ; les rôles sont supprimés ; les élèves réticents au travail de groupe sont invités à travailler par deux. Les deux capacités méthodologiques sont testées successivement lors du premier travail individuel, lors du travail de groupe, lors d’un second travail individuel qui a suivi le travail de groupe. Chaque fois, l’exercice proposé est différent mais fait appel aux deux capacités méthodologiques choisies au départ ; les résultats montrent que les pourcentages de réussite ont été nettement supérieurs (plus de 60 % d’augmentation de réussite) pour le second travail individuel, c’est-à-dire pour celui réalisé après la pratique du travail de groupe. Le travail de groupe mené dans cette seconde expérience a donc permis d’améliorer les deux capacités méthodologiques testées pour chaque élève. L’hétérogénéité du groupe a facilité l’entraide des élèves au sein des groupes. La suppression des rôles a permis une meilleure implication de chaque élève.

Proposition d’une démarche

Un travail individuel préalable au travail de groupe est nécessaire. Il permet d’évaluer les capacités méthodologiques de chaque élève; d’après les résultats, les élèves sont placés dans des groupes de niveau dits « faible », « moyen » ou « fort ». Les groupes de niveau dit « faible » regroupent deux élèves, les groupes de niveau dit « moyen », trois élèves et les groupes de niveau dit « fort » quatre élèves. Au vue de sa progression, l’élève pourra passer d’un groupe à l’autre.

Au terme de cette démarche, la classe s’organise en groupe de trois ou quatre élèves avec, au sein de chaque groupe, des élèves de niveau scolaire sensiblement égal. Le travail de groupe est ensuite mis réellement en place: les élèves sont regroupés par trois ou quatre suivant les groupes établis au cours du test, le travail est segmenté en questions ciblées, les mots clés, écrits au tableau, et les connaissances exigibles sont rappelées en commun. Le travail de groupe dure cinq minutes au maximum par question, temps au bout duquel un élève de chaque groupe, désigné par l’enseignant, rapporte la réponse de son groupe. Quand l’ensemble des réponses est noté au tableau, l’enseignant arbitre un débat en classe entière, afin de faire émerger la meilleure réponse qui sera notée dans le cours.

Les bénéfices
La mise en place d’un travail de groupe nécessite au préalable la prise en compte du niveau de l’élève et de son rythme de progression. Les groupes de niveau « faible », « moyen » et « fort » permettent de mener une pédagogie différenciée et chaque élève, suivant sa progression, passe d’un groupe de niveau à l’autre.
Un ensemble de bénéfices pour l’élève ont été mis en évidence, liés à cette organisation travail : elle favorise la remise en question, l’écoute et la discipline elle aide au raisonnement scientifique et à la compréhension du cours et joue un rôle rassurant pour l’élève. Deux points négatifs sont notés : le problème de l »autodiscipline et des élèves refusant le travail de groupe. Les réponses aux questionnaires proposés, révèlent aussi la nécessité d’alterner les phases de travail individuel avec les phases de travail de groupe.

Changer de rôle
M. BARLOW souligne que pour les élèves les plus consciencieux, le travail de groupe représente une perte de temps ou plutôt de rendement. Ces élèves estiment qu’individuellement, ils travailleraient plus vite et obtiendraient des résultats plus satisfaisants. Pour l’auteur, ceci peut être vrai à court terme et de leur point de vue, mais tout change si on se place à l’échelle de la classe entière et des objectifs généraux de la formation scolaire.
De son côté, l’enseignant doit particulièrement se préparer à diriger ce type de travail parce que son rôle change. Il doit judicieusement proposer cette structure de travail et en particulier ne jamais demander aux élèves d’effectuer en groupe une activité qu’ils pourraient accomplir aussi bien sinon mieux isolément. Tout l’art de l’enseignant doit tendre à optimiser les bénéfices d’une telle organisation du travail.

Géraldine Dargent, enseignante de SVT, Collège F. Dolto – Lamorlaye (60)
Groupe d’étude LIREST, ENS Cachan (94)
.
Olivier Dargent, enseignant de SVT, Lycée M. Curie, Nogent-sur-Oise (60)
Groupe d’étude SDTICE, Ministère de l’éducation Nationale, Paris (75)
.


Bibliographie succincte
BARLOW, M. (2000). Le travail en groupe des élèves. Ed. Bordas.
Commander cet ouvrage
MEIRIEU, P. (1989). Outils pour apprendre en groupe. Apprendre en groupe ? Lyon : Chronique sociale.
Commander cet ouvrage
PIAGET, J. (1988). Où va l’éducation ? Ed. Gallimard.
Commander cet ouvrage
REID, J.-A., FORRESTAL, P., et COOK, J. (1993). Les Petits Groupes d’Apprentissage. Montréal : Ed. Beauchemin Itée.
Commander cet ouvrage