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Trois ans après

Que s’est-il passé dans le système éducatif français depuis la promulgation de la loi du 11 février 2005 ? Ce temps a-t-il été suffisant à l’école pour négocier le virage radical qu’il lui a été demandé de prendre ?
Apprendre de nouvelles articulations et une nouvelle organisation des coopérations, aller vers des partenariats institutionnalisés… Si pour certains cette loi ne fait qu’entériner des pratiques de terrain déjà existantes, pour d’autres elle représente un bouleversement profond de leur identité professionnelle.
L’objectif de scolarisation de tous les élèves dans le système ordinaire, qui passe par la mise en oeuvre de l’accessibilité de l’école et de la continuité des parcours scolaires, implique en effet un véritable renversement de l’idée commune selon laquelle l’enfant ne pourrait devenir un élève que si son état de santé le lui permet. À travers la notion d’« école de référence », définie par la loi et par le décret du 30 décembre 2005 sur « le parcours de formation du jeune présentant un handicap », il y a au contraire l’affirmation que c’est l’école qui devient la référence dans le cadre de l’éducation du jeune handicapé. Et il s’agit bien de l’école ordinaire, avec ses principes, sa philosophie et ses programmes, et non pas d’un succédané d’école, d’un extrait d’école prescrit à petites doses.
L’exemple le plus illustratif de cette révolution est la définition que donne aujourd’hui le Code de l’éducation du PPS (projet personnalisé de scolarisation) : celui-ci inclut explicitement les accompagnements d’ordre social, éducatif, rééducatif et thérapeutique, alors que l’ancien PIS (projet individuel d’intégration scolaire) était le volet pédagogique du projet éducatif et thérapeutique élaboré par les instances médico-éducatives (équipes pluridisciplinaires des services et établissements spécialisés) : le contenu est devenu le contenant.
Tournant le dos à la logique d’éducation séparée et de filiarisation, la nouvelle orientation donnée par la loi affirme que le statut d’élève est dû sans discussion possible à tout enfant ou adolescent et qu’il appartient à l’école de se rendre accessible, c’est-à-dire de s’attaquer aux obstacles qui, dans l’environnement scolaire, sont susceptibles de produire une situation handicapante pour certains élèves. C’est donc à l’école de… compenser son handicap actuel face aux mutations en cours.
Pour réussir, elle devra agir en partenariat avec les ressources du secteur de santé, dans un cadre multidisciplinaire. La
mutation des conceptions et des références professionnelles
va de pair avec une recomposition complète du paysage des instances réglementaires chargées d’opérationnaliser la
mise en oeuvre de la nouvelle loi. Des organismes disparaissent (CDES, CCPE, CCSD, Cotorep…), d’autres se font jour, dont les missions ne correspondent pas terme à terme avec celles des anciens : MDPH, CDA, CDO, équipe pluridisciplinaire, équipe de suivi de la scolarité ; de nouveaux métiers apparaissent, l’enseignant référent, l’emploi de vie scolaire…
Comment ces nouvelles instances se sont-elles installées (progressivement ou brusquement) ? Quelles difficultés ont-elles rencontrées en termes d’organisation, mais aussi de moyens ? Comment les nouveaux acteurs que sont les enseignants référents ont-ils commencé à bâtir leur identité professionnelle ? Les acteurs ont-ils été préparés à mettre en oeuvre ces orientations ? La formation indispensable est-elle concrètement mise en place pour que se construise une culture commune à tous les enseignants sur la base des nouveaux principes ? Sans répondre à toutes ces questions, si ce dossier des Cahiers pédagogiques peut devenir un outil d’observation de la situation
actuelle de l’école devant le handicap, nous aurons alors
atteint notre but.
Nous avons donné la parole à des enseignants, des médecins,
des chercheurs, des inspecteurs, des fonctionnaires territoriaux et avons cherché à articuler leurs points de vue en mettant en regard textes théoriques et leurs pendants pratiques. La convergence des premiers avec les seconds est encourageante et dépasse les clivages stériles. Les regards sont entrain de changer, les positions relatives des uns et des autres s’ajustant progressivement à la nouvelle donne.
Une première partie analyse la mutation que représente la
loi de 2005, en croisant les analyses et les échos de pratiques de terrain qui témoignent d’un changement de représentations. Du côté du monde médical pourtant, on interroge cette « école inclusive » qui pourrait dériver vers une dommageable indifférenciation.
La deuxième partie est un voyage au coeur du système : Maison du handicap, enseignant référent, auxiliaire de vie scolaire, enseignants ordinaires, enseignants spécialisés, institutions, tous les acteurs sont là et disent comment ils jouent leur partition, même si parfois ça grince, évidemment.
Mais on ne peut pas parler toujours du handicap de façon
transversale : la dernière partie évoque des situations particulières (polyhandicap, autisme, déficience auditive…) dont chacune demande un accueil approprié.
Et même après l’article de clôture qui met en lumière les évolutions et les questions, on n’en aura pas fini avec « l’école à l’épreuve du handicap ».