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Nicole Belloubet : « Toujours, l’engagement citoyen »

Dans le cadre prestigieux du Conseil constitutionnel, près de la salle où les neuf sages valident les lois de notre République, un bureau avec vue sur les fameuses colonnes de Buren du Palais-Royal. Et la rencontre avec une femme de conviction, qui nous accueille avec gentillesse pour évoquer son parcours singulier, où pédagogie et action se sont plusieurs fois croisées. Il s’agit de Nicole Belloubet, membre du Conseil constitutionnel et ancienne rectrice.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours scolaire, jusqu’à votre orientation vers le droit public ?

Mes premiers souvenirs, ce sont les chemins vers l’école, dans le XIVe arrondissement, au sens propre comme au figuré. Je n’ai commencé l’école qu’à 6 ans, directement en CP et tout de suite, ce fut à la fois l’apprentissage de la rigueur et la joie d’apprendre. Tout cela faisant de moi une très bonne élève, qui jubilait lors des distributions de prix. Puis, en 4e, je suis entrée au lycée (de jeunes filles) et là, je suis devenue une élève très moyenne, avec des professeurs qui ne m’ont pas particulièrement marquée, sauf deux : une enseignante de français très pédagogue qui nous faisait découvrir des textes variés, dont certains pouvaient parler de sexualité, et une professeure d’histoire dont les méthodes pédagogiques étaient très innovantes !
En fait, j’ai davantage appris de la confrontation avec mes camarades et j’ai découvert le sens du collectif, notamment au sein de l’association sportive dans la pratique du handball. J’ai aussi découvert la politique, mai 1968 s’étant déclenché alors que j’étais en 4e. Puis j’ai passé le bac et suis entrée sans grande conviction en fac de droit. Et là, soudain, premier cours d’histoire du droit par un professeur passionnant : un vrai éblouissement, j’ai compris que ma vocation était de devenir professeure de droit ! J’ai mis un peu de temps à y parvenir pour des raisons de querelles de territoire entre facs. J’ai d’abord dû travailler à temps plein dans un centre de formation permanente tout en écrivant ma thèse, avant de pouvoir enseigner.

Jusqu’au jour où on vous a proposé de devenir rectrice ?

Oui, sous le ministère Allègre, j’ai été pressentie pour un poste de recteur, alors que je ne savais pas vraiment ce que cela voulait dire. Je n’y pensais plus trop, quand soudain on m’a proposé Limoges et je n’ai eu qu’une heure pour me décider ! J’ai accepté l’aventure dans cette académie de petite dimension et j’y ai passé d’excellentes années, avant de me retrouver à Toulouse. Là, j’ai développé des actions nombreuses, dont la mise en place des travaux pratiques encadrés. Aussi, lorsque j’ai vu progressivement s’installer une remise en cause de tout ce pour quoi j’avais mobilisé les acteurs éducatifs, qui s’étaient fortement investis, j’ai souhaité quitter ma fonction, ne voulant pas être en contradiction avec moi-même. J’ai donc envoyé une lettre au ministre lui demandant d’accepter ma démission, ce qui était un peu inhabituel. Les conséquences n’ont pas toujours été simples à gérer !

Puis vous avez participé comme élue municipale, puis régionale, à la vie politique toulousaine.

Je me suis depuis très longtemps engagée dans la vie politique et j’ai accepté bien volontiers d’être sur la liste de Pierre Cohen à Toulouse, devenant première adjointe chargée de la culture ; expérience passionnante dans une ville dynamique, même si les rapports avec un monde culturel volontiers contestataire n’étaient pas toujours simples. J’ai renoncé à ce mandat en devenant conseillère régionale. Et là encore, expérience passionnante : m’occuper du monde des lycées et de l’enseignement supérieur que j’avais connu en tant que rectrice, à partir de l’envers du décor en quelque sorte. Comme vous le voyez, l’action est toujours pour moi l’essentiel.

Jusqu’à ce qu’on vous propose de devenir membre du Conseil constitutionnel, vous éloignant ainsi de l’action et du monde éducatif ?

Oui, et j’ai un peu hésité à accepter cet honneur, d’autant que suite à la concertation sur la refondation de l’école où le ministre Peillon m’avait demandé de présider l’un des quatre groupes de travail, celui sur la réussite scolaire, on m’avait fait plusieurs propositions liées à l’Éducation nationale. Ce que je fais actuellement est passionnant, mais effectivement, on n’est plus vraiment dans l’action, on tient la gomme et non le crayon, on est davantage dans le contrôle. Et il y a assez peu de questions en rapport avec l’éducation à traiter.
Je suis bien consciente que le fait d’être une femme a pesé dans la décision du président du Sénat de me nommer à ce poste. Mais cette action volontariste pour promouvoir des femmes est une étape nécessaire pour assurer plus d’égalité dans ce domaine.

Qu’est-ce qui finalement traduit l’unité entre ces diverses facettes de votre parcours ?

Probablement l’engagement citoyen, la participation à la vie publique et en ce sens, l’éducation est l’élément clé pour la formation du citoyen. C’est pourquoi avant d’être au Conseil constitutionnel, j’aurais souhaité m’inscrire davantage encore dans la nécessaire révolution pédagogique, qui seule permettra une transformation de notre école.

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk


Article paru dans notre n°518, Enseigner, former, écrire, coordonné par Patrice Bride et Philippe Chenot, janvier 2015.

On n’y consacre guère d’attention. On se laisse bien souvent gagner par les facilités des formules toutes faites, ou encore le jargon du langage administratif. Regardons alors de plus près nos pratiques d’écriture et tentons d’en faire des opportunités de développement professionnel.

En partenariat avec ALEPH

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