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Supérieur : Maria-Alice Médioni, enseignante et militante

Maria-Alice Médioni, vous êtes professeur à l’université Lumière Lyon 2 et investie dans le secteur langues du GFEN. En quoi consistent ces deux fonctions ? Les deux activités sont-elles parfois reliées ?

Photo : Mathilde Bernos

Photo : Mathilde Bernos

L’université Lumière Lyon 2, plus précisément le Centre de Langues, a été mon cadre de travail professionnel ces 12 dernières années. Auparavant, j’ai travaillé 25 ans en banlieue lyonnaise, aux Minguettes à Vénissieux (11 ans en collège et 14 ans en lycée dont 6 ans en classe Prépa) comme enseignante d’espagnol. Après un bref passage à l’IUFM de Lyon, j’ai bifurqué vers l’université où j’ai continué à enseigner l’espagnol en LANSAD (du niveau A1 au C1) et la didactique des langues en L3 et en Master 2 (Didactique des langues étrangères et TICE) avec, comme « spécialités » l’évaluation, les situations d’apprentissage, l’élaboration de mises en situation expérimentées dans des classes prêtées par des enseignants puis analysées et la préparation aux différents stages du M2.

Parallèlement, je suis militante du GFEN depuis 1983, membre du Bureau National et responsable du Secteur Langues (1) qui réunit des enseignants de la maternelle à l’université, toutes langues confondues, et même des non-enseignants intéressés par la question des langues, et qui élabore et publie pratiques et réflexions. J’interviens également comme formatrice en France et à l’étranger, aussi bien dans le cadre de l’école (du primaire au supérieur) mais aussi à l’invitation d’associations travaillant sur l’alphabétisation et l’illettrisme (l’AEFTI, Lire et écrire en Belgique,… ) puisque la question de l’enseignement d’une langue étrangère se pose aussi sur ce terrain là.

Pour moi, il n’y a jamais eu de séparation entre ces différents terrains, le professionnel et le militant, l’un nourrissant l’autre en permanence. Mon activité de praticienne-chercheuse nourrie par les apports d’un mouvement de recherche comme le GFEN m’a permis de comprendre et d’investir le terrain de la recherche universitaire, venant irriguer à son tour ma réflexion et ma pratique sur le terrain professionnel et militant. C’est d’ailleurs ce double mouvement qui a présidé à l’élaboration de ma thèse sur la question de l’activité.

D’autre part, les ateliers, démarches et publications du Secteur Langues du GFEN sont largement utilisés par les enseignants du Centre de Langues de Lyon 2, particulièrement en espagnol, et plusieurs de nos ouvrages présents à la BU sont réservés, pour le prêt, aux concours, notamment en ce qui concerne la question de la langue (2).

Vous préparez actuellement un symposium et une contribution concernant notamment l’autonomie des étudiants. (nous avons publié un texte de l’Ifé sur échec et réussite à l’université). Pouvez-vous nous parler de ce qui aide un étudiant à acquérir des méthodes propres à le faire réussir ?

Photo : Mathilde Bernos

Photo : Mathilde Bernos

Il s’agit d’un symposium organisé au sein du colloque des XIIIe Rencontres internationales du réseau de Recherche en Éducation et Formation (REF) présidées par Olivier Maulini, à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève, qui se tiendra en septembre 2013. Chaque symposium réunit une douzaine de chercheurs issus des 4 pays fondateurs (Belgique, France, Québec, Suisse) et travaille sur une problématique éducative d’intérêt général. Le symposium que je coordonne avec Andrea Capitanescu de l’Université de Genève (Institut universitaire de la formation des enseignants du primaire) porte sur la thématique suivante : « L’organisation du travail : quelle recherche d’efficacité ? Comment organise-t-on le travail scolaire pour que les élèves apprennent (mieux) ? ».

Ma contribution est centrée sur les modalités concrètes de travail et d’accompagnement de l’étudiant dans un dispositif d’autonomie guidée que nous avons mis en place au Centre de Langues de Lyon 2 et plus particulièrement à travers sa mise en oeuvre en espagnol, et l’analyse des résultats donnés par la première année de fonctionnement. Les dispositifs hybrides articulant présentiel et non présentiel proposent, en effet, aux étudiants des parcours d’apprentissage en autonomie (Demaizière, 2005) intégrant, entre autres, les apports des nouvelles technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE). Ils supposent à la fois l’exercice et la construction de l’autonomie entraînant parfois des confusions (la série des 9 mythes de Carré, 1999) et souvent un sentiment d’abandon de la part d’étudiants encore attachés à des modalités de travail plus familières pour eux. Un nouveau format adopté par l’université a obligé les équipes d’enseignants à penser une organisation singulière qui permette la mise au travail très rapide des étudiants à leur arrivée dans le stage intensif de début d’année et un déroulement suffisamment soutenu de façon à les mobiliser sur les activités en Autonomie Guidée ainsi qu’un renforcement des modalités d’évaluation formative permettant un suivi plus précis du parcours des étudiants. Car, outre les difficultés présentées dans le texte de l’IFE auquel vous faites référence, on sait que ce qui opère c’est aussi le parcours scolaire antérieur selon les filières (les manières d’étudier construites à l’école) et la nécessité d’exercer un travail rémunéré régulier qui diminue de 42% la probabilité de valider complètement l’année, selon une étude de Christophe Michaud (2012) (3). Ce sont, bien entendu, les étudiants d’origine populaire qui sont les plus touchés par ces facteurs. De là la nécessité accrue de modalités de travail et d’accompagnement favorisant la construction d’une autonomie trop souvent décrétée à l’université sans que les conditions de sa mise en place ne soient réfléchies.

(1) Le site du Secteur Langues du GFEN : http://gfen.langues.free.fr/
(2) M.A. Médioni, Enseigner la grammaire et le vocabulaire en langues, Chronique sociale, Lyon, 2011
(3) Christophe Michaud, « Réussite, échec et abandon des études dans l’enseignement supérieur français : quarante ans de recherche », In Michaut, C. & Romainville, M. (2012). Réussite, échec et abandon dans l’enseignement supérieur. Bruxelles : De Boeck, 52-68.