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Réforme des collèges

« Bâtir un collège pour tous qui soit en même temps un collège pour chacun » : la formule a fait florès et il est vrai qu’elle le mérite ! Du dynamisme dans l’octosyllabe initial qui suggère un élan républicain et fraternel, tempéré par le balancement harmonieux de la fin de la phrase qui renvoie paradoxalement à l’unicité de la personne. Jack Lang a réussi par la magie du verbe à réconcilier (presque) tout le monde.

Tout d’abord le collège reste un lieu de socialisation commun à une classe d’âge : nous ne pouvons que nous en réjouir. La création d’une mission de réflexion sur la mixité sociale des collèges semble un bon signe : signe que l’une des principales difficultés du collège est bien identifiée. Le collège « unique » souffre en effet moins de son hétérogénéité que de sa trop grande homogénéité dans le recrutement social. Cela dit, dans l’état actuel de l’urbanisme plus soumis au marché de l’immobilier qu’à une véritable politique de la ville, la mission semble presque impossible. Les pistes ouvertes : restructuration des secteurs scolaires, transport d’élèves des quartiers difficiles vers les collèges plus favorisés, création de dispositifs d’excellence dans les zones difficiles, contrats passés entre établissements difficiles et privilégiés, devront faire l’objet de notre vigilance. Et en particulier pour ce qui concerne le point deux : « transport des élèves des quartiers difficiles vers… » qui me semble résonner fâcheusement. Qu’en pensent les principaux intéressés ? Auront-ils le choix ? Quelle image de leur quartier, de leurs lieux de vie ? Et la réciproque est-elle envisagée (envisageable ?…).

Pour ce qui est de l’enseignement, le collège demeure inchangé dans ses structures : classe de sixième, puis cycle central cinquième-quatrième, et classe de troisième : tant mieux si c’est pour mieux se centrer sur des approches pédagogiques et des contenus d’enseignement plus diversifiés. Les mesures suggérées semblent intéressantes : meilleur accueil des sixièmes avec, à titre expérimental, des professeurs bivalents permettant un meilleur suivi des élèves, et, on ose l’espérer, une approche des savoirs et des savoir-faire plus cohérente. Les « itinéraires de découverte » dans le cycle central fondés sur une approche pluridisciplinaire : nature et corps humain, arts et humanités, langues et civilisations, initiation à la création et aux techniques, semblent une idée intéressante si, bien sûr, certains « pôles » ne sont pas réservés à des profils type d’élèves. La classe de troisième censée préparer aux premiers choix d’orientation offrira des enseignements « choisis » par les élèves pour 15 % environ des 29 heures hebdomadaires. Ces enseignements porteront sur des domaines complétant les enseignements communs : langues et cultures de l’Antiquité, langues et cultures du monde, arts, sciences expérimentales, technologie, découverte professionnelle.

Ces propositions vues à distance, dans leur généralité, semblent plutôt positives : qu’en restera-t-il dans la pratique quotidienne ? Les « choix » laissés aux élèves seront-ils guidés par l’intérêt de la tâche proposée, ou par les performances réalisées dans les enseignements communs ? Tous les élèves auront-ils accès au moins une année dans leur passage au collège à des apprentissages techniques ou bien certains en seront-ils dispensés ?

Il est utile et bon de diversifier les parcours, d’offrir des choix à la marge, mais il est aussi essentiel de s’interroger sur le socle des enseignements « communs » : s’il demeure inchangé selon la conception classique de l’enseignement du lycée général, il y a de fortes chances pour que les difficultés rencontrées aujourd’hui par les collégiens perdurent. Un cahier des exigences, fixant « l’idéal éducatif du collégien », sera préparé par le Conseil national des programmes pour la prochaine rentrée. Souhaitons qu’il ne travaille pas seul et que tous – enseignants, parents, élèves, citoyens, car il s’agit d’un problème dépassant largement le champ scolaire – puissent en débattre afin que chacun, bien sûr, puisse s’y retrouver.

Marie-Christine Chycki