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Raisonner sur l’accord des participes passés

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Cette activité d’orthographe « reconnaître les contextes d’emploi du participe passé, de l’infinitif et de l’imparfait » a été menée avec une classe de 3e à la fin du premier trimestre et a duré six heures.
L’objectif était de faire émerger les savoirs et les stratégies que les élèves utilisaient spontanément pour orthographier ces finales homophones et de travailler ensuite sur ces représentations pour les amener à prendre conscience que certaines pouvaient être erronées, peu opératoires ou incomplètes.
L’essentiel était que les élèves réfléchissent à partir de leurs erreurs et comprennent le cheminement qui les avait amenés à produire une réponse donnée.
Il me semblait qu’une activité réflexive sur ces « automatismes divers » serait peut-être plus efficace qu’une leçon supplémentaire qui ne donne pas l’opportunité de faire « évoluer » des savoirs erronés.

Séance 1
Je propose aux élèves de compléter un texte à trous (cf. document 1) : ils doivent choisir pour chaque réponse entre l’infinitif, le participe passé ou l’imparfait. Pour chaque réponse donnée, ils doivent indiquer la raison qui les a amenés à produire leur réponse. Je leur demande de ne pas chercher à donner « les bonnes explications », « celles que le professeur attend », mais ce qu’ils pensent en insistant sur le fait que ce n’est pas un travail noté mais seulement une activité qui va nous permettre de comprendre par la suite pourquoi ils commettent certaines erreurs.
J’ai pris soin au préalable de leur exposer l’ensemble de la démarche afin qu’ils comprennent au mieux le rôle de ce test.
Les élèves ont tous « joué le jeu » et se sont efforcés de verbaliser leurs raisonnements.

Séance 2
J’ai sélectionné 5 items représentatifs du test et pour chacun d’eux toutes les graphies proposées ainsi que leurs justifications en faisant en sorte qu’elles soient représentatives de l’ensemble des réponse données (cf. document 2).
Les élèves travaillent en groupe avec la consigne suivante :
« Pour chaque item, choisir la graphie correcte et la ou les justifications qui semblent justes. Pour les justifications retenues comme non pertinentes, donner une explication. »
Demande leur est faite également de respecter les règles suivantes :
– Chacun écrit sur son cahier d’essai.
– Chacun n’écrit que lorsque le groupe s’est mis d’accord.
– Si le groupe n’arrive pas à se mettre d’accord, il fait appel au professeur.
– La négociation doit se faire sur la base de l’argumentation.
Je dois préciser que si ces règles ont dans l’ensemble correctement fonctionné c’est aussi parce que l’activité a pris place à la fin du premier trimestre. Le travail de groupe avait été difficile à mettre en place dans cette classe et je n’aurais sans doute pas eu les mêmes résultats en début d’année scolaire.
Cela dit, j’ai eu le sentiment que l’activité elle-même, au fond peu familière pour les élèves de cette classe, a été motivante.
En préalable à cette deuxième séance, je leur avais rappelé pour quelle raison j’avais choisi cette démarche et quels étaient mes objectifs. Je craignais autrement que ces activités soient classées par eux dans la catégorie « exercices scolaires » sans qu’ils en comprennent l’enjeu. Sans doute, certains se sont-ils mieux investis, mis en curiosité par la recherche à effectuer dans l’exercice et par rapport à eux-mêmes. J’ai toujours en mémoire l’expression étonnée de cet élève s’exclamant soudain : « Mais ma mère m’a toujours dit que quand deux verbes se suivent le second se met à l’infinitif… » alors même qu’il comprenait en même temps que cette stratégie était source d’erreurs.

Séance 3
Lors de cette séance nous mettons notre travail en commun.
La négociation effectuée en petits groupes s’organise maintenant avec toute la classe. Je consigne au tableau les justifications retenues avec ou non des modifications (exemple de règle modifiée : « quand deux verbes se suivent le second se met à l’infinitif seulement si le second suit un verbe conjugué qui n’est pas un auxiliaire »).
Cette phase me permet de donner des compléments d’informations : par exemple, expliquer à certains élèves que dans le cas de cette règle, on pouvait raisonner en se demandant si le second verbe était ou non un complément d’objet.
Chacun doit prendre des notes sur son cahier d’essai, mais il ne note que ce qui lui est réellement compréhensible. Les élèves savent qu’à partir de cette prise de notes, ils devront réaliser par groupe une fiche de synthèse qui leur servira de leçon à apprendre.
Mais la consigne est de ne réaliser cette fiche qu’à partir de ce que l’on pense avoir vraiment compris.

Séance 4
À nouveau par groupe les élèves réalisent une fiche de synthèse.
Chaque groupe doit se mettre d’accord sur une présentation : sous forme de texte, de tableau, d’organigramme par exemple. Il est essentiel, à mes yeux, que ce soient les élèves qui construisent ce document : la reformulation permet de s’approprier les concepts dans un langage mobilisable, elle permet d’organiser ses connaissances et facilite le travail de mémorisation.
Les élèves observent souvent qu’après avoir produit ce type de document, ils n’ont plus vraiment à « l’apprendre » (cf. document 3).
Ces synthèses sont écrites sur transparent et font l’objet d’une dernière lecture collective.
Chacun choisit enfin la présentation qui lui convient le mieux pour la conserver dans son porte-document à titre de fiche-outil (je reprographie ces fiches).
J’observe qu’assez souvent la leçon choisie n’est pas forcément celle que l’élève a élaborée dans son groupe de travail.

J’ai terminé cette séquence en posant deux questions aux élèves auquelles ils ont répondu par écrit :

  1. Nous avons recueilli ce que vous saviez sur les finales en (é) puis vous avez choisi, en groupe, les meilleures justifications. Est-ce que cette façon de procéder t’a aidé à mieux apprendre. Si oui, peux-tu expliquer pourquoi ?
  2. Est-ce que trouves utile, pour la leçon, de pouvoir choisir une présentation parmi d’autres ? Explique ta réponse.

Voici quelques réponses à chacune de ces deux questions :

Question 1

  1. Oui, cette façon m’a beaucoup fait apprendre car j’aime bien travailler en groupe car chacun dit sa version et après on tranche. Et puis, on parle avec nos mots, on se comprend mieux. Et j’ai bien aimé Lindsay et Yann, car ils m’ont dit que ça les avait bien aidés. Je suis contente car je n’ai pas fait tout cela pour rien.
  2. Oui, car on s’entraide, on s’explique et on se dit nos opinions. C’est un échange.
  3. Oui, car j’ai compris comment mettre la terminaison. J’ai compris les justifications.
  4. Oui, car ça nous permet d’échanger nos informations. Parfois, je comprends mieux quand un camarade m’explique que quand c’est la prof.
  5. Oui, cette façon m’a permis de mieux apprendre parce que c’est nous qui faisons la leçon, donc ça nous aide mieux à retenir. En travaillant en groupe, on s’échange nos connaissances. On explique chacun notre méthode et on se donne des astuces qui nous servent plus tard. Ça permet de mieux comprendre.

Question 2

  1. Oui, je trouve utile de pouvoir choisir entre les différentes leçons car on prend la plus simple et la plus utile pour nous apprendre et la méthode qu’on a choisie peut servir pour une autre leçon de n’importe quelle matière. Car il ne suffit pas d’écrire des romans pour comprendre quelque chose. Des fois, il suffit de très peu (ex : tableau…).
  2. Oui, car il y a certaines leçons qui sont plus difficiles que d’autres à comprendre.
  3. Oui, car tout le monde n’a pas forcément la même façon d’apprendre et ça provient de notre main, donc c’est un peu plus facile d’apprendre quand ça provient de nous.
  4. Oui, pour les fiches outil c’est bien car nous les faisons alors c’est encore mieux, avec mes mots à moi, à nous. J’apprends mieux, ce n’est même pas la peine d’apprendre car je l’ai fait.

Toutes les remarques allaient dans le sens de ces quelques exemples. Je me suis demandé si les élèves ne répondaient pas influencés par mon propre discours sur la démarche en question. J’ai consacré du temps à exposer les objectifs et les enjeux : du coups je me suis demandée si cela n’avait court-circuité en quelque sorte ce qu’il avait réellement expérimenté.
Par ailleurs, même si les élèves ont fait un réel travail sur leurs représentations, cela ne dispense pas de l’activité ultérieure de révision de ses écrits , quand les mêmes fautes, spontanément, reviennent, dès que la vigilance baisse. Cela ne permet pas forcément de faire l’économie d’un travail de correction qui peut paraître laborieux.
Mais peut-être qu’après ce type de démarche , les élèves sont-ils mieux outillés pour le faire.
Il faut aussi compter sur le temps. Il est peut-être préférable de ne choisir que quelques items d’orthographe qui posent vraiment problème pour la classe , mais de travailler régulièrement ces items et sous des formes variées pour que la lassitude ne s’instaure pas.

J’ai essayé dans ce dispositif de tenir compte de l’hétérogénéite des élèves. Mais les deux élèves qui orthographiaient sans difficulté n’en ont pas tiré bénéfice et les trois autres en grande difficulté n’ont pas pu se raccrocher à l’activité faute de pouvoir s’appuyer sur un minimum de savoirs.

Martine Dhénin, professeur au collège Louis Bouland à Couloisy (Oise).


Document 1

Complète l’orthographe des mots suivis de pointillés.

À chaque fois que tu complètes un mot, explique aussitôt après la raison pour laquelle tu as choisis cette orthographe. Ne cherche pas à donner la « bonne explication ». Écris seulement ce que tu crois.

(Oklahoma est un jeune mustang sauvage qui a été capturé puis cédé à différents éleveurs et qui s’est finalement enfui de l’enclos où l’avait parqué son dernier maître.)

Oklahoma avait retrouv……………(1) la prairie, mais depuis, il était toujours aux aguets.
Un ennemi ou un prédateur pouvait l’attaqu……….(2). Cette sensation d’euphorie précaire était le prix à pay…………..(3) pour vivre libre. Le fugitif retrouvait ces joies simples longtemps oubli……………(4) : l’errance, la solitude, le bruissement de la vie nocturne, et l’horizon totalement illimit………….(5) De temps à autre, il repens………….(6) à ce qu’il avait dû endurer : la cravache, le fer rouge, les coups. L’homme l’avait captur……….(7 ) puis aussitôt emprisonn………(8 )

1


2


3


4


5


6


7


8



Document 2

Qui a raison ?

1 – a – Oklahoma avait retrouvé….. après un verbe conjugué, on met (é)
1 – b – retrouvercar il suit un verbe conjugué
1 – c – retrouvéen remplaçant par un verbe du 3e groupe, cela donne « avait pris »
1 – d – retrouvécar il y a « avait » et c’est conjugué au passé simple.

2 – a – Un ennemi ou un prédateur pouvait l’attaquercar il suit un verbe conjugué
2 – b – l’attaquéj’ai mis « é » car c’est du passé composé
2 – c – l’attaquaitj’ai mis « ait » puisque le sujet est à la 3e personne du singulier
2 – d – l’attaqueron peut remplacer par un verbe du 3e groupe.

3 – a – Cette sensation d’euphorie précaire était le prix à payée« payée » s’accorde avec « sensation d’euphorie précaire »
3 – b – payécar il y a l’auxiliaire « être »
3 – c – payerj’ai mis « er » car on peut dire « vendre » à la place de « payer » et ça marche.
3 – d – payaità la fin de « pay… » car l’auxiliaire est « être » et que le sujet est à la 3e personne du singulier

4 – a – Le fugitif retrouvait ces joies simples longtemps oubliéeson l’a accordé au sujet
4 – b – oubliaientcar il n’y a pas d’auxiliaire avant, donc il faut le mettre à l’imparfait
4 – c – oubliercar on peut dire « prendre » à la place d’« oublier »
4 – d – oubliéon remplace par « vendu »

5 – a – Il repensaitcar avant « je-tu-il (elle)-nous-vous-ils (elles) », on doit conjuguer le verbe
5 – b – Il repenséon ne peut pas remplacer « repensé » par « vendre », donc on met « é »
5 – c – Il repensaiton remplace par « vendait »
5 – d – Il repenséj’accorde « repensé » avec « il »


Document 3

Exemples de fiches de synthèse :

Fiche 1

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Fiche 2
Comment choisir la terminaison d’un verbe en (é), (er), (ais/ait) ?

1) Avec les auxiliaires
a) Avoir
Le participe passé qui suit l’auxiliaire avoir se termine toujours par « é » et ne s’accorde pas en genre et en nombre avec le sujet quel que soit le temps composé.
Ex : elle a mangé des fraises.
b) Etre
Le participe passé qui suit l’auxiliaire être peut se terminer par « é », « ées », « és », « ée », donc, il s’accorde en genre et en nombre avec le sujet quel que soit le temps composé.
Ex : elles étaient énervées.

2) Avec l’imparfait
Le verbe s’accorde avec le sujet (ais/ait/aient)
Ex : il courait sous les cocotiers.
Pour vérifier que c’est bien l’imparfait, on remplace le verbe par un autre temps verbal.
Ex : il court.

3) Avec l’infinitif
a) fonction COD
Ex :

ilpouvaitattaquer
S
V
COD

Les COD complètent des verbes transitifs (verbes qui doivent obligatoirement être complétés)

b) quand il se trouve après une préposition
Ex : le prix à payer.