Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Que sont les « nouvelles problématiques éducatives » ?

L’utilisation de l’expression « nouvelles problématiques éducatives » est due au chercheur Benjamin Moignard, en 20181, qui les présente comme étant des objets qui font problème et perturbent ou questionnent le fonctionnement ordinaire de l’école ou encore remettent en cause ses fonctions sociales élémentaires. C’est le cas notamment de l’échec scolaire, des violences à l’école, du décrochage scolaire, des questions liées au genre ou à l’expression de la laïcité en milieu scolaire, etc. Ces objets sensibles interrogent l’articulation en particulier entre des missions éducatives larges que l’école se doit d’assumer et le rôle traditionnel de transmission des savoirs et de construction des apprentissages. Comment ces nouvelles problématiques éducatives sont-elles prises en charge par les personnels des établissements scolaires ? En quoi redéfinissent-elles une partie de leur travail ?

Prise en charge dans les établissements

Ces « nouvelles problématiques éducatives » ont la particularité de mobiliser à la fois les acteurs et actrices éducatifs et les pouvoirs publics, au sens où elles peuvent être considérées et ont été construites comme des « problèmes publics ». La complexité à les traiter provient du fait qu’elles sont en prise directe avec des problèmes sociaux qui sont reconfigurés dans les espaces éducatifs, ce qui oblige à les définir collectivement et à les situer dans leur contexte.

Que cela se fasse sous la forme de partenariats, comme il en fleurit depuis quelques décennies dans l’éducation, ou sous la forme d’« alliances » éducatives, au cœur de la thématique d’un prochain colloque de recherche2, ces problématiques éducatives ne sont pas forcément « nouvelles » au regard de leur actualité, mais elles sont souvent perçues comme telles par les acteurs éducatifs et les décideurs, car elles émergent dans des systèmes éducatifs confrontés à des changements structurels. Cela alimente par ailleurs le sentiment d’un déclin de l’institution scolaire face aux transformations de l’école, de ses fonctions sociales et de ses publics.

Brouillant les frontières de l’école et ajoutant à la traditionnelle mission de transmission des connaissances, assurée par les enseignantes et enseignants, d’autres missions éducatives larges, assurées notamment par les personnels de direction et les personnels de vie scolaire, c’est également la question des espaces scolaires et éducatifs qui est interrogée à travers ces problématiques éducatives. Les personnels de vie scolaire sont garants de l’épanouissement des élèves dans l’établissement, en étant responsables de la gestion des espaces scolaires, lieux de vie des élèves, et en prenant en charge l’accompagnement éducatif ainsi que la relation avec les familles : ils sont donc les plus à même de détecter et de contribuer à gérer les problématiques éducatives avec les partenaires extérieurs à l’établissement, mais aussi avec les enseignants, dans une alliance tendant vers davantage de prévention.

Or, il existe historiquement une division du travail dans les établissements scolaires, entre, d’un côté, le travail pédagogique de transmission des savoirs et, de l’autre, le travail éducatif de surveillance et de gestion des comportements des élèves. Bien sûr, les missions des personnels de vie scolaire ont beaucoup évolué depuis la figure caricaturale du surveillant général, mais se pose la question de savoir si cette division est encore à l’œuvre aujourd’hui, et si elle empêche le bon fonctionnement des alliances éducatives.

Quelle place pour les CPE ?

De fait, le travail des conseillers principaux d’éducation (CPE) est encore dans l’urgence du quotidien et semble passer après les missions d’enseignement aux yeux de l’institution, ce qui ne facilite pas la réflexion collective autour d’une question fondamentale pour Xavier Riondet3 : penser les conditions d’une « transmission par l’école dans une société complexe, seule condition pour comprendre ce que doit être une vie scolaire ».

Ce rôle d’interface avec les enseignants nécessite une professionnalité singulière. Le métier des CPE pourrait, selon le terme d’Hélène Buisson-Fenet4, représenter une forme de « magistrature », les plaçant comme des leadeurs pédagogiques. Ainsi, la question des problématiques éducatives relance celle d’un leadeurship distribué dans les établissements scolaires, où chaque corps de métier doit pouvoir contribuer à son niveau à leur prise en charge.

Catherine Reverdy
Chargée d’études et de recherche, service Veille et analyses de l’IFÉ (ENS de Lyon)

Pour en savoir plus :

Lisa Marx, « Les partenariats à l’école vus par la sociologie de l’action publique », Cahiers pédagogiques n° 561, mai 2020, p. 7.

Catherine Reverdy, « Écouter les élèves dans les différents espaces scolaires », Dossier de veille de l’IFÉ n° 136, ENS de Lyon, décembre 2020, https://tinyurl.com/yctqsgtc.

Notes
  1. « Les nouvelles problématiques éducatives : construction de l’objet », Revue française de pédagogie n° 202, 2018, https://tinyurl.com/yxsktkkf
  2. Les « alliances » face aux « nouvelles » problématiques éducatives à l’école les 18 et 19 mars 2021, voir https://tinyurl.com/yylkeqzw
  3. « Les “surgés” et les maitres d’internat dans la rénovation pédagogique. Vers une anamnèse des maux du CPE contemporain ? », Les Sciences de l’éducation – Pour l’Ère nouvelle vol. 52, n° 4, 2019.
  4. « Usages de l’usager et distinctions professionnelles : le cas des conseillers principaux d’éducation », in Thomas Le Bianic, Antoine Vion (dir.), Action publique et légitimités professionnelles, LGDJ, 2008.