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Puis les élèves sont arrivés…

J’enseigne depuis six ans dans ce lycée de grande banlieue. Je me souviens encore de ma déception à l’arrivée dans cet établissement quasiment neuf (il avait ouvert l’année précédente).

En effet, au lieu d’une équipe enthousiaste et prête à s’investir dans un projet de « construction » du lycée, je m’étais heurtée à de l’immobilisme, voire à de fortes résistances, lorsque je m’étais hasardée à prononcer les termes de projet d’établissement ou de travail en équipe.

Je me souviens également, au retour du « colloque Meirieu » à Saint-Fons, où j’étais allée représenter le CRAP-Cahiers pédagogiques, avoir été agressivement accueillie à la cantine par un tonitruant : « Tiens, voilà Mme Allègre ! ».

Ce qui semblait le plus mal perçu dans les propositions Meirieu, c’était tout ce qui touchait à la redéfinition du service des enseignants.

Évidemment, l’an dernier, notre lycée a été très en pointe dans la fronde anti-Allègre.

Mais dans les discussions en salle des profs, un point semblait recueillir un assentiment quasi unanime : les TPE. Tous jugeaient la démarche intéressante, et l’administration n’a pas eu trop de difficultés à trouver des enseignants volontaires pour se lancer dans l’aventure des TPE pour cette année, malgré le manque d’informations et de directives.

Une seule réunion a eu lieu en fin d’année, pour fixer plutôt les modalités structurelles ; il n’y a pas été question de contenu.

Lors de la prérentrée 2000, la matinée a été consacrée à une assemblée générale, puis aux conseils d’enseignement, qui se sont prolongés en début d’après-midi. Puis, étaient programmées une réunion des professeurs principaux, et en parallèle, plusieurs réunions à thème (les TPE, l’aide individualisée, le multimédia…). Le problème, c’est que la plupart des profs investis dans les TPE sont aussi par ailleurs profs principaux. Seuls trois participants se sont donc retrouvés à la réunion sur les TPE, sans animateur, ni ordre du jour. Même chose pour la réunion sur l’aide individualisée.

Puis les élèves sont arrivés, et nous avons été happés par les problèmes de rentrée : effectifs surchargés (deux classes à 37 élèves, un groupe de langue à 41 élèves), postes non pourvus, etc.

Au bout de dix jours de mobilisation des enseignants et de l’administration, le proviseur nous a réunis pour nous annoncer que tout ce que nous avions demandé nous était accordé par le rectorat. La réunion à peine terminée, et après échange de propos satisfaits et soulagés, j’ai aperçu un petit groupe d’enseignants qui se donnaient rendez-vous pour discuter des TPE, et des recherches afférentes via Internet.

Je crois donc vraiment que la réforme peut venir s’enraciner sur le terrain, mais uniquement si les conditions d’enseignement s’y prêtent, c’est-à-dire si nous n’avons pas prioritairement à nous battre pour assurer le confort minimal d’un enseignement ordinaire décent. J’ai également l’impression que l’injonction « soyez autonomes » n’est pas plus fonctionnelle auprès des enseignants qu’elle ne l’est auprès des élèves, et qu’un minimum de cadre, de guide et d’exemples seraient une aide précieuse à la dynamisation des équipes.

Monica Lévy