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Pour un traitement cohérent de la question des ZEP

Dès 1983, les Cahiers pédagogiques s’intéressaient au sujet et publiaient « Elles vivent, les ZEP » (n° 225). Nouveau dossier en décembre 1992 (n° 309). Puis, plus récemment, en octobre 2002, nous avons fait paraître « ZEP-REP, éducation prioritaire » (n° 413).

Il est inhabituel, pour nous, de revenir sur un sujet traité seulement quatre ans auparavant. Mais l’actualité récente nous a incités à le faire, et en quelques mois, nous avons mis en chantier et élaboré le présent dossier en étroite collaboration avec l’Observatoire des ZEP (dont on lira la présentation en dernière partie), lieu essentiel d’élaboration de propositions et d’échanges sur l’éducation prioritaire. Il fallait donner notre point de vue sur les transformations annoncées (collèges ambition réussite, nouvelles dispositions), pour contrebalancer idées reçues et désinformation sur le sujet ; et pour outiller les équipes engagées sur le terrain de l’éducation prioritaire, les enseignants qui sont nommés, bon gré mal gré, en ZEP, les formateurs et animateurs de réseau.

Si ce dossier est né d’une certaine actualité, il va bien au-delà ; au-delà des nouvelles mesures qui sont prises et dont on ne sait pas très bien quel sera l’avenir, comme l’indique Alain Bourgarel.

On trouvera plusieurs entrées dans le sujet, abordées, comme c’est notre habitude, à la fois sous l’angle de la réflexion et des pratiques concrètes, de la maternelle au collège, de la classe à la ville.

L’entrée politique, dans une première partie, permet de situer les débats actuels et de placer la question de l’éducation prioritaire dans un cadre plus global : politique de la ville, lutte contre l’exclusion.

Nous réaffirmons ensuite l’importance du travail collectif, sur laquelle insiste entre autres Éric Debarbieux à propos de la « violence ». Comment, en équipe, entraîner de jeunes professeurs ? Comment mobiliser un établissement, une circonscription ? Comment entrer dans de vraies relations avec les parents ? Entre inquiétudes et convictions, des propos d’acteurs de terrain qui tous disent l’impérieuse nécessité de mener des actions collectives cohérentes.

Une entrée essentielle, à l’heure où pointe la tentation d’individualiser les problèmes, d’abandonner la logique du territoire au profit d’une centration sur les individus, au risque de supprimer tout ce qui avait pu émerger comme travail en équipe, en réseau…

C’est aussi en équipe que de nombreuses ZEP ont su mettre en place des activités culturelles originales. Certes, elles doivent être interrogées quant à leur place dans les apprentissages, mais on verra combien elles sont essentielles et cassent les images caricaturales qu’on voit trop souvent, misère culturelle ou animations-gadgets. Jardin chinois, maison des sciences, galerie d’art dans un collège, travail aux archives à partir d’un récit de Victor Hugo : autant de passionnants défis relevés avec bonheur par des enseignants engagés.

L’entrée pédagogique est souvent la grande oubliée des débats (comme le note Gérard Chauveau), sauf quand il s’agit de prôner le retour à une école de papa, plus que jamais inopérante. On verra bien plutôt des actions précises, aussi bien en classe qu’auprès des élèves en difficulté. De la maternelle à la classe préparatoire et à la formation des enseignants, les pratiques très diverses exposées ici nous font connaître des modes d’accès au savoir inlassablement retravaillés pour ne laisser personne sur le chemin.

Une dernière partie présente, sans prétendre à l’exhaustivité, des ressources trop peu connues qui sont aussi des moyens de mutualiser les pratiques.

Dans ce dossier nous avons donné la parole à des acteurs les plus divers, et en particulier de jeunes enseignants qui n’ont encore qu’une expérience très récente des ZEP. Ces témoignages, où ne sont pas méconnues les énormes difficultés, ne sont pourtant pas ceux qu’on entend trop souvent dans les médias. Tous, dans ce numéro, jeunes collègues, chercheurs réputés, « zépiens au long cours », envoient un message commun aux décideurs : la question de l’éducation prioritaire doit être traitée avec cohérence, en évitant les déclarations à l’emporte-pièce ou les jugements hâtifs. L’intendance doit bien sûr suivre, même si se limiter à la question des moyens occulte des problèmes essentiels.

Saura-t-on parler de cette question de façon sérieuse, en cherchant à dégager ce qui marche et ce qui ne marche pas, en la replaçant dans un contexte plus global, en refusant la démagogie, la stigmatisation ou le renoncement ? Il y a là un enjeu majeur pour notre système éducatif.

Claude Vollkringer, OZP, coordonnatrice du REP 6, Paris.
François-Régis Guillaume, membre du bureau de l’OZP.
Jean-Michel Zakhartchouk, Cahiers Pédagogiques, professeur en collège ZEP.