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Pour penser, apprendre et se construire

Les écrits de travail sont ceux que les élèves produisent dans les différents domaines et disciplines ou dans la vie scolaire. Ils recouvrent ce que d’autres ont appelé écrits intermédiaires, écrits transitoires, écrits pour réfléchir. À la différence de la plupart des textes produits dans la classe de français, ils ne constituent pas leur propre fin. Ils ne sont pas évalués et par leur pratique on ne cherche pas à faire apprendre les élèves à écrire, même s’ils contribuent implicitement à cet apprentissage (car le premier facteur des progrès en production de texte en est une pratique fréquente et régulière).

Le but des écrits de travail est de mettre le puissant transformateur cognitif qu’est le langage écrit au service de la vie de la classe, dans ses diverses dimensions d’éducation et d’instruction. Nous en décrivons dans le dossier différentes utilisations, pour la formation des élèves délégués, l’éducation à l’orientation, les apprentissages en mathématiques, en physique, en langues vivantes, en français, en histoire, la régulation transversale des apprentissages, etc.

Un autre but de ces mêmes pratiques est d’acculturer les élèves à une utilisation de l’écrit pour penser. L’écrit est certes un instrument de communication et chacun est sans doute convaincu aujourd’hui qu’il est important que les élèves prennent conscience à l’école de cette fonction de l’écrit, plutôt que de croire qu’il ne s’agit que d’être corrigé et sanctionné par l’enseignant. Pourtant, et ce n’est pas contradictoire avec un usage de communication, le langage écrit a aussi le pouvoir d’aider à manipuler les idées et à les confronter, à organiser la pensée et le raisonnement, à prendre du recul, ce que permet moins l’oral ; l’écrit fixe, conserve, soutient la mémoire. Les usages réflexifs sont nécessaires à la réussite scolaire, comme l’indiquent plusieurs articles du dossier.

Mais sont-ils assez présents dans les classes ? Des enseignants y renoncent, parce qu’ils ne voient pas l’apport de l’écriture à l’apprentissage disciplinaire qu’ils visent, ou parce que faire écrire les élèves prend du temps, ou encore parce que leurs élèves ne sont pas encore suffisamment compétents pour que, selon eux, on puisse les faire écrire. Puisse ce dossier leur montrer que ces pratiques nécessaires sont également possibles, y compris avec un public d’élèves faibles, qui sont ceux qui en ont le plus besoin.

Une autre ligne de force du dossier concerne les rapports entre écrit de travail et oral. L’articulation des deux est étroite dans plusieurs des pratiques analysées dans ce numéro. Le va-et-vient entre écrit et oral aide les élèves à maitriser les écrits et les pratiques langagières proposées au sein de la classe ou de communautés plus larges. Il permet aussi de faire des interactions verbales le lieu d’un oral réflexif, bien loin des échanges anecdotiques ou de la simple conversation, qu’on observe trop souvent. En outre, l’appropriation des caractéristiques de l’écrit se fait dans la continuité des compétences orales.

En bref, le titre de l’ouvrage coordonné par Dominique Bucheton et Jean-Charles Chabanne il y a une quinzaine d’années, Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire, reste plus que jamais un programme et un objectif pour aujourd’hui.

Jacques Crinon
Professeur à l’université Paris-Est Créteil

Hélène Eveleigh
Professeure de français