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Pour ou contre le contrôle continu ?

En France, le choix a été fait de conditionner la délivrance du bac 2020 aux notes de contrôle continu. Mais il est entendu que c’est une année exceptionnelle : dès 2021, les notes des enseignants ne compteront plus que pour 10 % de la note finale, 30 % proviendront des épreuves communes de contrôle continu et les 60 % restants porteront sur l’épreuve anticipée de français et quatre autres épreuves terminales. Cette nouvelle mouture mêle ainsi des « contrôles continus » de nature très différente.

Une notion polymorphe

Théoriquement, examens publics certifiants et évaluations par les enseignants relèvent de finalités et de procédures bien distinctes. Mais cette séparation est rarement stricte dans l’enseignement secondaire européen : le modèle historique français des examens terminaux contrôlés à l’échelle nationale est loin d’être la règle, même si une tendance à la standardisation est observable ces dernières années. On cite souvent le cas de l’Allemagne et de l’Italie : dans l’un le contrôle continu, constitué des résultats des deux dernières années de lycée, représente les deux tiers de la note finale à l’Abitur, le tiers restant provenant des cinq épreuves terminales organisées par les Lands ; dans l’autre, la note finale de Maturità est calculée à 40 % à partir des notes du contrôle continu des années lycée, 40 % par trois épreuves terminales écrites et 20 % par un grand oral (celui qui a inspiré la réforme française).

Citons aussi la Fédération Wallonie-Bruxelles qui a introduit deux épreuves externes certificatives il y a à peine dix ans, sans que soient remises en cause les évaluations réalisées au sein des établissements, comptables pour l’obtention du CESS (Certificat d’enseignement secondaire supérieur). Enfin en Suède, le certificat de fin d’études secondaires repose à 100 % sur du contrôle continu : les notes obtenues se combinent avec un examen national d’entrée à l’université pour discriminer les meilleurs élèves.

Ces exemples montrent à quel point la notion de « contrôle continu » peut s’avérer polymorphe, mêlant épreuves communes déterminées par l’administration centrale, régionale, ou locale ou par les établissements eux-mêmes d’une part, et devoirs à la maison ou contrôles conçus et notés par les enseignants d’autre part. Ils mettent aussi en évidence des influences variées sur les parcours d’études.

Une étude récente[[Thomas Kellaghan et Vincent Greaney (dir.),
Public examinations examined, The World Bank, 2019, https://doi.org/10.1596/978-1-4648-1418-1.]] confirme que la combinaison des évaluations externes et internes peut renforcer la validité de la démarche certificative. Le contrôle continu permet en effet une gamme plus étendue d’épreuves, sollicitant des compétences plus diverses et difficiles à évaluer par des épreuves externes. Les évaluations réalisées par celles et ceux qui connaissent mieux les élèves et qui sont le plus à même de mesurer leur progression, au-delà de leur seule performance à un moment donné, sont plus authentiques et plus équitables. L’alignement entre objectifs d’apprentissage, activités pédagogiques et modalités d’évaluation s’en trouve amélioré et les relations entre enseignants et élèves, plus engagées, sont moins focalisées sur le bachotage nécessaire à la réussite des examens finaux. La dimension collective du travail, dans l’établissement et au sein des disciplines, soutient le développement de compétence des enseignants en matière d’évaluation.

À contrario, les principaux arguments avancés contre le contrôle continu portent sur l’inconsistance des notations, variant d’un établissement ou d’un enseignant à l’autre, malgré l’existence de critères explicites. À ces variations, liées à la population scolaire considérée, s’ajoutent les pressions dont les enseignants peuvent faire l’objet de la part des familles et de l’administration, en particulier quand les résultats des lycées sont publics. S’ajoute enfin l’argument de la charge de travail pour garantir un dispositif qualitatif.

Une nécessaire formalisation

Tout dépend dès lors du poids accordé à l’évaluation interne dans la certification, un poids révélateur de la confiance accordée aux enseignants par le système éducatif dans son ensemble. Si l’inclusion des notes des enseignants ne s’apparente pas à un choix par défaut, s’il ne s’agit pas simplement de saupoudrer un peu de contrôle continu dans deux ou trois matières s’accommodant mal des épreuves terminales (travaux pratiques en sciences, performances artistiques, etc.) ou mal positionnées dans la hiérarchie des disciplines, si les jugements enseignants s’appliquent autant au produit final qu’à la démarche adoptée par les élèves, une certaine formalisation s’impose.

Car pour distinguer les activités pédagogiques du quotidien de la classe de celles qui sont porteuses d’enjeux pour la certification, il s’agit de pouvoir documenter avec plus de précision les performances et progrès de chaque élève, de s’appuyer sur des méthodes et outils concertés, et de prévoir une modération pour que l’évaluation ne soit pas celle d’un seul ou d’une seule.

L’articulation entre évaluations externes et internes est à construire en fonction des objectifs assignés au certificat : valider un niveau de connaissances et de compétences, permettre l’accès à l’enseignement supérieur, évaluer les performances des établissements, voire celles des enseignants. De fait, le contrôle continu en France joue un rôle clé, mais encore trop implicite dans la poursuite d’études.

Laure Endrizzi
Chargée d’études, service Veille et analyses
à l’IFÉ-ENS de Lyon