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Pour la passion d’écrire, un espace de liberté

L’auteur s’appuie sur une triple pratique de participant à des ateliers d’écriture, d’animateur à Aleph-écriture et d’’enseignant qui a adapté certaines pratiques d’atelier à des classes de collège et de lycée. Il nous donne une somme sur les ateliers d’écriture, qui permet de nombreux itinéraires de lecture, tout en mettant un place un va et vient constant entre théorie et pratique.

En effet, depuis que les ateliers d’écriture se sont développés en France, leurs initiateurs ont cherché, a priori ou a posteriori, à fonder leur pratique sur des théories du texte et/ou de l’écriture. En témoignent des colloques, des livres, des dossiers dans des revues (Le Français Aujourd’hui, Pratiques…). L’auteur en restitue les lignes de force, recensant de façon détaillée les ouvrages les plus importants, s’essaye à classer les types d’ateliers (centrés sur le texte ou l’expression du moi, à visée littéraire, thérapeutique ou d’insertion sociale, etc), relevant parfois des contradictions, pointant les excès, en particulier de dogmatisme, avec une ironie aussi féroce que jubilatoire – Ricardou et les formalistes en sont souvent la cible, même si ce qu’ils ont pu apporter à la réflexion est relevé aussi.

On entre dans les débats. Sur les genres littéraires : existent-ils vraiment ? (pour l’auteur, oui, même si les frontières entre genre sont poreuses), est-ce une notion qui aide à écrire ? Sur la réécriture : celle d’un texte produit en atelier est-elle obligatoire ? (elle n’est pas toujours possible compte tenu du temps imparti à l’atelier et de son projet, mais pour l’auteur un texte brut est plutôt une promesse, un matériau à retravailler, il résiste rarement à une relecture ultérieurs même s’il a été apprécié sur le moment). Ecrire, est-ce « jouer avec les mots » comme le disent souvent les manuels scolaires  ? Non pour l’auteur (sinon au sens où il y a « du jeu » dans le langage) et il critique la pratique consistant, à l’école, à faire « un jeu d’écriture » à titre de récréation en fin de cours. Mais si Philippe Lecarme assume ses choix et parti-pris d’animateur et d’enseignant, il partage aussi ses doutes et ses interrogations, n’hésitant pas à dire « sur tel point, voilà où j’en suis » et à inviter le lecteur à poursuivre la réflexion. Ailleurs, il cherchera pourquoi une consigne fonctionne mal, relatera ses essais pour l’améliorer.

Car ce livre est aussi une ressource. Il propose des outils pour faire écrire. Certes, ils ne sont pas toujours « clé en main » et il faudra se les approprier. Mais on trouve des consignes, par exemple autour de l’autobiographie, des formes brèves, de la création d’un personnage, de la façon de perturber le réalisme pour aller vers le fantastique. On trouve des suggestions pour (faire) réécrire un texte et traiter un brouillon, même si l’auteur n’espère pas résoudre « l’embarrassante question de la qualité » d’un texte. Le tout, fondé sur le postulat qu’écrire ne va jamais de soi et une joyeuse chasse aux idées reçues (sur la poésie ou l’autobiographie, par exemple).

Enfin l’auteur n’oublie pas qu’il est enseignant et deux chapitres explorent les pratiques d’écriture scolaire, en fonction de la spécificité de l’école par rapport aux ateliers, et s’interrogent sur ce que la première peut cependant apprendre des seconds. Un regard à la fois historique et didactique qui donne envie d’essayer en classe des activités qui feraient découvrir aux élèves le plaisir d’écrire.

Et c’est aussi un livre qui donne envie de lire de la littérature, car parmi les outils il y a de nombreuses références à des textes littéraires qui peuvent nourrir l’écriture (ou donner des idées de déclencheurs) et il est probable que, comme moi, vous ne les connaissiez pas encore tous !

Elisabeth Bussienne