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Pour en finir (ou presque) avec les notes – Évaluer par les compétences

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« – M’dame, c’est noté ?
– Non, ce n’est pas noté, c’est évalué ! »

Beaucoup d’élèves et leurs parents se comportent en consommateurs attendant une note comme on attend une rétribution : « tout travail mérite salaire »… Peut-on les en blâmer ? L’institution s’est chargée, depuis qu’ils la fréquentent, de leur apprendre les règles de cette course à la note ; les premiers arrivés seront les mieux servis en terme de choix d’orientation, de diplôme, de valorisation sociale.

L’institution néanmoins s’inquiète de la violence scolaire, nous apprend, à nous enseignants, qu’il faut combattre l’échec scolaire (comme on réduirait la « fracture sociale » ?), et instaure, à des moments clés de la scolarité (CE2, 6e, 2de), un système d’évaluation nationale qui propose une réflexion très élaborée sur les savoirs et les compétences des élèves. Mais les élèves, les parents et l’institution sont réticents pour généraliser l’évaluation par les compétences, et ils réclament toujours, in fine, une note sur le bulletin. Il n’en demeure pas moins que ce type d’évaluation permet de trouver une alternative qui, selon moi, se révèle à terme bénéfique pour les élèves.

De quelques conséquences de l’abus des notes

L’utilisation des notes chiffrées engendre des effets négatifs non négligeables. La note qu’elle soit bonne ou mauvaise est toujours plus importante que sa signification. Plutôt que d’insister sur ce qu’il sait ou ne sait pas et de comprendre l’origine de ses difficultés quand il est en échec, on dira d’un élève qu’il est bon ou mauvais : le jugement de valeur est inévitable. Bien entendu, les professeurs relativisent ces notes dans leurs annotations à l’écrit, et à l’oral dans les réunions et conseils. Mais la place réservée aux appréciations dans les logiciels de traitement des bulletins est insuffisante. On reproche souvent aux professeurs leurs remarques lapidaires et le fameux « peut mieux faire ». Cependant s’il est vrai qu’une véritable formation des enseignants s’impose pour qu’ils soient conscients des conséquences psychologiques que peuvent avoir certaines remarques, il n’en demeure pas moins que la place laissée aux appréciations permet rarement une explication complète et nuancée des problèmes.
Mais l’élève lit-il les appréciations, s’approprie-t-il le sens de la note ? La plupart du temps, quel que soit son niveau, il regarde le chiffre inscrit en rouge sur sa copie et se contente de cela. En dépit de ce que souhaiteraient nombre d’enseignants, la note reste un « salaire » et n’a pas pour fonction d’estimer un niveau de compétences. Qu’advient-il en ce cas quand elle est mauvaise et de manière récurrente ?[[Dans le texte intitulé Evaluer sans démolir, compte-rendu de la Rencontre d’été 2003 du CRAP-Cahiers pédagogiques, on peut lire : « Nous avons alors souligné la place démesurée que la note chiffrée occupe dans le système scolaire au point que ce chiffre peut être fétichisé ou considéré comme un salaire. Cette note est la seule chose qui apparaisse à l’issue de l’examen si bien que les élèves s’empressent d’oublier ce qu’ils ont appris dans la mesure où les savoirs et la formation ne sont plus perçus que comme ce qui a servi à obtenir la note. »]]

On sait que l’apprentissage est un processus qui implique une large part d’affectif et qu’une attitude positive apparaît comme un élément déterminant de la réussite et de l’efficacité de la transmission des savoirs. L’échec scolaire est très souvent signalé par les adolescents comme un événement à l’origine de l’abattement, et les adultes, lorsqu’ils sont dépressifs, ancrent leur malaise dans des expériences anciennes.[[cf. F. Barriaud, L. Oliveri, « Les états dépressifs dans le développement normal de l’adolescent » in L’orientation scolaire et professionnelle, 1989, 18, n° 4.]]
L’élève confronté à l’échec le ressent d’autant plus douloureusement qu’il est associé à une note basse que l’on comparera inévitablement aux autres notes dans un esprit de compétition inhérent au fonctionnement de l’Éducation nationale. Car la notation chiffrée permet d’abord cela, même si l’enseignant se refuse à y recourir : la hiérarchisation des élèves entre eux. Chaque élève peut se comparer aux autres et à un idéal de réussite inconsciemment intégré, ce qui renforcera le sentiment d’estime ou de dévalorisation de soi.[[Rappelons les résultats de l’enquête internationale PIRLS (Progress in international literacy study) évoqués dans la synthèse des travaux de la DEP (Direction de l’évaluation et de la prospective) (cf. Éducation et formations, n° 66, juillet-décembre 2003) : « Il est frappant de constater que les élèves français se sous-estiment par rapport à leurs camarades des autres pays, et surtout par rapport à leurs compétences effectives. Lors de l’enquête PIRLS, ils sont un peu plus d’un sur quatre (28 %) à avoir une très bonne opinion de leurs compétences en lecture, alors que c’est le cas de quatre sur dix des élèves (40 %) en moyenne internationale. Le décalage entre ce sentiment, qui les classe en avant-dernière position dans l’ensemble des pays, alors que leur performance les situe en position médiane, est particulièrement important. »]] De fait, réduire l’évaluation du travail à un chiffre, c’est réduire la complexité de l’opération intellectuelle qui a présidé à ce travail et donc la nier (quoiqu’on fasse à côté pour faire comprendre la note). C’est aussi refuser de dire à l’élève que son travail a quelque valeur, même s’il n’entre pas dans le cadre de nos attentes. Et c’est en définitive atteindre la personne tant il est difficile, quand on est un enfant ou un adolescent[[Et quand on est un adulte ? Que ceux d’entre nous qui ont été confrontés à un échec (les notes obtenues à un concours par exemple) s’interrogent… Combien pourraient affirmer sans mentir qu’ils n’en ont pas été affectés ?]], de faire la part des choses. Ainsi moins l’élève se sent valorisé, plus il échouera : « Y’a rien à faire, de toute façon je suis nul ! »[[« Confrontés à une situation d’échec, les individus qui ont une faible estime d’eux-mêmes sont plus portés à la « surgénéralisation » ; c’est-à-dire que le constat d’échec, plutôt que de rester limité à une compétence donnée, voire à la seule réalisation de la tâche, active des sentiments d’inadéquation personnelle sur des dimensions qui ne lui sont pas liées, diffuse sur l’ensemble du concept de soi ; c’est penser « je suis nul » plutôt que de penser « j’ai raté cette épreuve ». Françoise Barriaud et Claude Bourcet, « Le sentiment de la valeur de soi », revue L’orientation scolaire, 1994, n° 3.]] Les élèves en échec scolaire le sont de longue date.

Dès lors accueillir dans nos classes des élèves en échec, les aider, permettre à chacun de progresser en fonction de ses possibilités signifie rompre cette logique, abandonner les notes pour aller vers autre chose. Mais quoi ?

L’évaluation par compétences : difficultés et propositions

Depuis quatre ans, j’utilise au collège dans mes classes de 6e et 5e un système d’évaluation par compétences.
J’imagine d’emblée les protestations de mes collègues, et notamment des professeurs de français, les corrections prennent déjà tant de temps ! C’est vrai, l’évaluation est un travail complexe et qui nécessite qu’on y passe du temps. Ce temps-là est invisible et par conséquent peu considéré tant il semble aller de soi. Il est vrai aussi que les évaluations de sixième apparaissent comme une vraie corvée, cela tient au fait que, très complètes, elles proposent d’évaluer presque une centaine de compétences (84 items en 2004, pour le français…) ce qui correspond au nombre de compétences qu’on évalue dans un trimestre quand on fait beaucoup de devoirs. Pour ma part, j’évalue chaque trimestre une soixantaine de compétences. La correction des évaluations de 6e correspond donc au travail de correction d’un trimestre condensé en quelques semaines à la rentrée ! Une fois admis les avantages du système d’évaluation par compétences, il faut trouver le moyen de mettre en place ce système d’évaluation à l’intérieur du cadre de l’Éducation nationale sans y passer toutes ses nuits !

Je ne mets aucune note sur les copies, la seule note qu’ils auront étant celle qui, calculée à partir du bilan des compétences, apparaît en fin de trimestre, sur le bulletin ; il est impossible de s’en affranchir. Je propose donc de concevoir chaque devoir ou exercice en déterminant précisément au préalable mes attentes en terme d’apprentissage, ce qui m’oblige à être assez rigoureuse dans la définition de ces compétences ; ainsi le contrat est clair, les élèves savent explicitement ce qui est demandé alors que dans bon nombre de situations d’évaluation, aujourd’hui encore, persistent un flou ou un discours implicite qui ne permettent pas à l’élève de s’approprier le processus d’apprentissage. Ils savent aussi, parce que je le leur répète, que ne sont évaluées que ces compétences et que cela ne nous dit rien sur ce qui n’est pas évalué ; il s’agit de leur apprendre à ne pas confondre la valeur de la personne et ses performances. J’ai, pour faciliter la correction des copies, demandé aux élèves de réserver la partie supérieure de la copie (environ cinq lignes), recto et verso, libre, et d’indiquer à chaque fois la date du devoir. Cet espace est réservé à la définition des compétences (qui peut être photocopiée) et aux annotations. Pour chaque compétence, j’indique si c’est acquis (A), en cours d’acquisition (ECA) ou non acquis (NA). On peut affiner en ajoutant deux autres critères : ECAplus et ECAmoins, cependant il est souhaitable de ne pas trop compliquer. Le symbole Ø est réservé à la non réponse. Si la même compétence est évaluée dans plusieurs exercices, elle sera considérée comme étant évaluée plusieurs fois (ainsi dans un même devoir on peut avoir des résultats différents pour l’évaluation de la même compétence, ce qui signifie que le savoir est fragile). Jusque-là, le travail de correction est similaire à celui que nous faisons lorsqu’on met une note sur vingt. Je précise qu’il vaut mieux évaluer souvent pour quelques compétences (d’une à cinq) ce qui permet de corriger plus rapidement et d’éviter ainsi la lassitude, que de faire rarement des devoirs conséquents qui évaluent une dizaine de compétences. Lorsque le paquet est corrigé, je reporte les résultats dans un fichier de tableur présenté de la manière suivante :

Sous-matièreCompétence évaluéeDateÉlève 1Élève 2, etc.
Une colonne par élève

Ainsi, on peut avoir dans le même fichier les résultats de toute une classe. Ces résultats peuvent ensuite être traités de différentes manières : on peut rapidement voir les compétences à retravailler avec le groupe (lecture horizontale) ou trier les compétences pour mettre en valeur les progrès d’un élève sur une période donnée (lecture verticale). Il est essentiel de toujours définir les compétences de la même manière, avec les mêmes termes, le logiciel ne faisant le tri qu’à partir des mots identiques. Le report des résultats est plus long que le report d’une note, en revanche, on gagne du temps au moment de la correction puisqu’on met des annotations moins longues, la lecture du bilan des compétences étant assez explicite. Le logiciel peut, pour répondre à l’exigence du bulletin, calculer, pour chaque élève, le nombre de compétences acquises, en cours d’acquisition, et non acquises. À la fin du trimestre, l’ensemble de ces résultats donne lieu à une note chiffrée (puisqu’il faut toujours en revenir là), partant du principe suivant : chaque compétence acquise vaut un point, une compétence en cours d’acquisition vaut 0.5 point, ce qui est non acquis ou non fait, 0 point. La note sur vingt est donc obtenue à partir de la formule suivante, tous les calculs étant faits par le logiciel :

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L’ensemble des résultats pour chaque élève est imprimé une fois par trimestre afin d’expliciter l’origine de la note. Il est souhaitable d’accompagner ce document intitulé « livret d’évaluation » d’une appréciation qui en propose une brève analyse : progrès ou stagnation, travail, implication, etc. On peut avec des surligneurs mettre en évidence les compétences évaluées plusieurs fois dans le même trimestre ou présenter la liste triée des compétences.

Ce système permet de satisfaire à la fois l’institution et l’enseignant soucieux de mettre en place un système remédiant aux défauts du premier : il rend l’élève acteur du processus d’apprentissage, il l’oblige à développer des capacités d’analyse (compréhension et analyse de ses échecs), il lui évite de se sentir enfermé dans une catégorie (le bon/mauvais élève) en tenant compte de la complexité de chaque individu, il l’incite à progresser en valorisant tout ce qui est positif, et (last but not least) il permet quand les conditions sont réunies (groupes à effectifs réduits notamment) de mettre en place une remédiation intelligente. Mon expérience m’a montré qu’en dépit des réticences et des difficultés des élèves à s’approprier un système aussi perturbant pour leurs repères, beaucoup finissent par y trouver des avantages ; n’étant confrontés à la note qu’une fois par trimestre ils construisent, pendant tout le trimestre autre chose. J’ai remarqué que les élèves que j’ai eus deux années de suite avaient, à la fin de la deuxième année, complètement changé d’attitude à l’égard de l’évaluation ; ils leur faut du temps, il en faut encore plus aux parents qu’il est essentiel cependant, d’associer à la démarche ; beaucoup d’entre eux ne changeront pas de point de vue mais s’ils ne s’opposent pas au système, leur enfant le vivra mieux.

Une évaluation différenciée

Par ailleurs, ce système d’évaluation permet une grande souplesse ; j’explique régulièrement aux élèves qu’ils peuvent être évalués différemment au sein d’un même groupe en fonction des possibilités de chacun, même si, en définitive, la même trame est conservée pour l’ensemble de la classe. Par exemple, lors d’un travail sur la forme passive, la transformation de la phrase active en phrase passive se révèle difficile pour certains élèves qui ne parviennent pas à identifier le complément d’objet direct de la phrase active. Dans un exercice où je demanderais successivement d’identifier le COD (complément d’objet direct) puis de transformer la phrase active en une phrase passive, l’élève qui échouerait à la première partie de l’exercice ne serait sans doute pas capable de répondre à la deuxième question : est-il utile de le pénaliser deux fois ? Dans ce cas, l’élève en difficulté ne sera évalué que pour la compétence « repérer un COD », alors que l’élève qui réussit sera évalué pour les deux compétences.
À l’inverse, si je veux évaluer plus souvent un élève, soit parce que je l’interroge à l’oral, soit parce que je lui ai demandé de retravailler une notion qu’il ne maîtrisait pas, je n’ai pas à m’inquiéter d’un éventuel calcul de points, j’ajoute cette compétence à la liste, elle sera comptabilisée dans le calcul de la moyenne pour l’élève concerné et non pour les autres. Enfin, l’évaluation par compétences offre la possibilité de tenir compte de compétences méthodologiques (ou transversales) que nous ne savons pas, la plupart du temps, noter : présentation des cours, classement, orthographe dans tous les documents écrits, régularité et organisation du travail fourni d’un cours à l’autre, etc. Pour ma part, chaque fois qu’un élève « oublie » son travail ou son matériel, je le note ; à la fin du trimestre, l’élève qui aura été régulier bénéficiera d’un A pour la capacité à s’organiser dans son travail personnel et à travailler régulièrement, s’il a oublié une fois, il aura ECA, trois oublis vaudront un NA dans la liste des compétences. On peut dans un trimestre évaluer cette compétence autant de fois que nécessaire. Néanmoins, je crois qu’il faut se garder de vouloir tout évaluer, on n’est pas tenu de maintenir une pression permanente et on peut alterner les moments d’apprentissage et les moments de vérification des acquis. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, l’absence des notes ne les empêche pas de travailler ; j’ai dans mes classes, lorsqu’elles sont hétérogènes, la même proportion d’élèves qui travaillent bien, moins bien ou pas du tout que mes collègues qui fonctionnent avec des notes.

Les copies et les parents

Lorsqu’on rend les copies, il est nécessaire de consacrer un peu de temps à la lecture de l’évaluation pour amener les élèves à analyser leurs résultats, préalable nécessaire à une prise de confiance. De plus, je demande pour ma part aux élèves de découper la partie supérieure de la copie sur laquelle sont indiqués les résultats (c’est pourquoi ils ne doivent pas écrire sur cette partie au recto et au verso de la feuille !) et de la coller sur une copie double intitulée « fiche d’évaluation », qu’on pourra faire signer par les parents plusieurs fois au cours du trimestre. J’ai introduit cette amélioration pour aider les parents qui disaient ne « rien comprendre » à ma méthode et qui étaient soucieux de suivre les résultats de leur enfant. En faisant signer cette fiche on se dispense d’avoir à faire signer tous les devoirs, pratique vraiment trop contraignante ; mais on tient compte de l’importance de l’implication des parents dans la réussite des élèves. Bien plus, je considère que c’est une marque de respect à leur égard. Il ne faut néanmoins pas trop se faire d’illusions, je n’ai eu que très rarement des retours positifs de la part des parents, dans le meilleur des cas ils restent indifférents, mais ils sont aussi souvent très agressifs. Je prends toujours beaucoup de temps pour leur expliquer les choses et je conclus toujours en leur faisant remarquer qu’ils ne sont pas obligés de lire le livret en détail (c’est là ce qui les gêne car comme beaucoup ils veulent pouvoir savoir sans se donner la peine de lire), qu’ils peuvent s’ils veulent se contenter des chiffres (compter les « A » et les « NA ») mais que ce livret est aussi et surtout un outil pour l’élève, à qui il permet de progresser, et pour moi car je peux ainsi mieux adapter mon enseignement à ma classe, en insistant sur le fait que leur enfant n’est pas seul. Enfin pour les irréductibles, j’ajoute avec mon plus beau sourire que je suis bien plus à même qu’eux, parce que c’est mon métier, de décider de la qualité d’une pratique pédagogique (irai-je me mêler de dire à un éleveur comment il doit traire ses vaches, à un maçon comment il doit bâtir un mur, à un médecin quel diagnostic il doit proposer ?)

Jamais zéro en orthographe

En ce qui concerne l’orthographe, lorsque j’évalue une compétence particulière (accorder le verbe avec son sujet par exemple), cette compétence figure dans la liste des compétences du livret d’évaluation. Quand il s’agit d’évaluer la compétence orthographique globale (maîtrise de l’orthographe dans une rédaction, dans un devoir de lecture, dans une dictée) je calcule le pourcentage d’erreurs (nombre d’erreurs pour cent mots) : je demande aux élèves de compter le nombre de mots qui se trouvent dans leur texte (ce qu’ils finissent par faire assez spontanément dès lors qu’on a été exigeant en début d’année, de toute manière ils savent que s’ils ne comptent pas leurs mots, je refuse de corriger la copie) et en comptant le nombre d’erreurs ; il est facile d’obtenir un pourcentage (nombre d’erreurs x 100/nombre de mots). Le contrat est alors le suivant : il faut que le pourcentage diminue, quel que soit le niveau de départ. Ensuite, en fonction du niveau de l’élève, on peut retranscrire une moyenne des pourcentages obtenus en une seconde note figurant sur le bulletin, cette note étant affectée d’un coefficient beaucoup plus faible que le coefficient de la note « livret » puisqu’elle ne concerne qu’un petit nombre d’exercices sur l’ensemble des exercices corrigés. Les élèves peuvent ainsi se placer dans une démarche de progression puisqu’ils n’auront jamais zéro en orthographe et on peut leur demander de concentrer leur attention sur certaines erreurs en ne corrigeant dans certains exercices que les erreurs en question.

Peu de travail supplémentaire pour le prof

Le système que je propose paraît bien compliqué mais il ne demande que peu de travail supplémentaire dès lors qu’on est attentif au nombre de compétences évaluées dans les devoirs, qu’il vaut mieux faire plus fréquents et plus humbles en terme d’objectifs. Il permet aux élèves de se placer en tant qu’acteurs et non de subir une note qui les sanctionne plus qu’elle ne les évalue. J’ai longtemps, comme beaucoup de mes collègues cherché à relativiser la note chiffrée en utilisant toutes sortes de moyens pour obliger les élèves à tenir compte de ce qu’elle signifiait, mais ce n’est qu’en la supprimant complètement que j’ai obtenu des changements dans l’attitude de mes élèves qui, s’ils étaient confrontés à une note sur le bulletin pouvaient ne pas en tenir compte pendant tout le trimestre et concentrer leur attention sur leurs apprentissages. Les réactions de leur part et de la part des parents n’ont pas été toujours positives, surtout lorsqu’il s’agissait de bons élèves[[Ceci dit, je pense que même les bons élèves peuvent tirer parti de ce système qui les oblige à remettre en cause leurs a priori et à développer leurs capacités d’analyse, si de surcroît, cela apprend à certains d’entre eux les vertus de l’humilité, ce n’est pas si mal !]], mais j’espère avoir ainsi aidé les plus faibles à retrouver un peu de confiance en eux-mêmes et l’envie de progresser[[Il est trop tôt pour évaluer la pertinence de mon fonctionnement, et il est possible qu’il me soit impossible de l’évaluer sérieusement, je dois donc me contenter des réflexions des élèves glanées ça et là pour découvrir comment ils perçoivent les choses.]].

Que faire pour les 4e et les 3e ?

Je n’ai jusqu’à présent appliqué ce système qu’aux classes de sixième et cinquième, me sentant obligée de conserver pour les classes de quatrième et troisième l’ancien système de notation puisque les notes sont prises en compte pour l’obtention du brevet. L’expérience m’a montré que cette manière d’évaluer était aussi fiable que si j’utilisais des notes chiffrées et elle a l’avantage d’atténuer l’impact de la subjectivité de l’évaluateur.
J’ai donc proposé cette année aux élèves de ces deux classes de distinguer deux types d’évaluation : d’une part, l’évaluation formative par compétences qui, sur le modèle de ce que je fais en 6e et 5e, intervient au cours du trimestre et ne donne lieu à une note chiffrée que sur le bulletin ; d’autre part, l’évaluation sommative, une fois par trimestre qui prendra la forme d’un brevet blanc. On peut par le jeu des coefficients équilibrer tous ces résultats pour atteindre une moyenne qui révèle le mieux possible le niveau de l’élève.

L’évaluation par compétences me semble un bon outil. En effet, elle évite tout système de compétition, les élèves ne pouvant se comparer entre eux (même s’ils savent bien compter !) puisque l’évaluation met l’accent sur le fait que chacun est un individu particulier doté de compétences et d’incompétences. Par ailleurs, elle oblige l’élève à s’approprier le résultat, à comprendre et analyser ses réussites comme ses échecs. C’est plus difficile que de lire une note mais sans aucun doute profitable pour le travail. De surcroît, l’évaluation par compétences place l’élève dans une dynamique de progrès. Il s’agit de faire mieux qu’hier et non forcément d’atteindre un idéal plus ou moins accessible.
Mais comment concilier cette évaluation avec le fonctionnement du collège tel que nous le connaissons ? Face au dilemme, l’attitude que je recherche est la conciliation : concilier les exigences du système sans abandonner mon idéal pédagogique me paraît la seule issue pour progresser.

Isabel Pannier, Professeure de français au collège de Perrier (50).


Pour en finir (ou presque) avec les notes : suite mais non fin…

Voici la fin de l’année scolaire et le temps du bilan, provisoire comme toujours. L’année 2004-2005, a été la première où j’ai évalué par les compétences pour toutes mes classes, y compris en 4e et 3e. Première constatation : c’est possible ! mais il faut aménager le système, notamment en 3e.
La difficulté dans cette classe est le maintien simultané des deux modes d’évaluation par la note et par les compétences ; je pense qu’il faut réserver l’évaluation sommative aux brevets blancs obligatoires, et redoubler cette évaluation chiffrée d’un bilan par compétences, au moins pour le premier brevet blanc. Double travail, dans ce cas mais c’est essentiel pour que les élèves se placent dans une dynamique de progrès[[Veuillez me contacter à l’adresse suivante : jupani@tiscali.fr pour recevoir le fichier « « évaluation écriture d’un conte en 6e. » ».]].
Pour que l’élève soit acteur du système, j’ai également introduit dans mes méthodes quelques nouveautés. La première, qui concerne toutes les classes, consiste à ne pas rendre le bilan de l’évaluation mais à fournir aux élèves – en particulier pour les rédactions – un document indiquant les critères d’évaluation sur le modèle de celui qui nous est fourni pour les évaluations nationales. En guise de correction, je demande aux élèves individuellement ou par groupe de deux de procéder à une relecture et analyse de leur travail pour s’auto-évaluer ; ce travail les oblige à mobiliser des capacités d’analyse qui sont celles que nous exigeons d’eux quand nous analysons les textes d’auteurs. À la fin de la séance, je leur distribue le bilan que j’ai moi-même établi et ils peuvent comparer mon évaluation à la leur ; des disparités, qui les étonnent, peuvent apparaître, nous en discutons ce qui aboutit à affiner la perception que chacun a du texte évalué[[Veuillez me contacter à l’adresse suivante : jupani@tiscali.fr pour recevoir le fichier « évaluation brevet blanc Ionesco ».]]. En ce qui concerne les troisièmes, je procède ainsi systématiquement pour corriger l’intégralité du brevet blanc (questionnaire, rédaction et orthographe).
Par ailleurs, j’ai mis à la disposition des élèves de 3e, au cours de séances en salle multimédia, les livrets d’évaluation de chacun d’entre eux, avant chaque brevet blanc et à la fin de l’année. La tâche à effectuer au cours de ces séances était un bilan de leur travail afin de déterminer où devait porter l’effort qu’il s’agisse des notions à revoir, à apprendre ou des méthodes. Beaucoup quittaient la salle en ayant imprimé ainsi une liste définissant un projet de révision, certes tous ne s’y tenaient pas mais cela permettait à beaucoup d’entre eux de prendre conscience des moyens à mettre en œuvre pour remédier à leurs difficultés.
Enfin, j’ai tenté d’améliorer la lisibilité des livrets d’évaluation en introduisant des couleurs mais aussi en rassemblant les compétences évaluées en quinze capacités[[Veuillez me contacter à l’adresse suivante : jupani@tiscali.fr pour recevoir le fichier « organisation de l’évaluation ».]], chacune étant associée à un nombre afin de permettre au logiciel de les classer, je pouvais à la fin du trimestre tirer un bilan en calculant un pourcentage de réussite ; j’obtenais ainsi au final un profil assez précis de l’élève ce qui peut se révéler précieux pour remédier à ses difficultés ou pour l’orientation[[Veuillez me contacter à l’adresse suivante : jupani@tiscali.fr pour recevoir le fichier « livrets d’évaluation ».]] en fin de 3e. Cependant, je crois qu’il n’est pas judicieux de livrer ces nombres aux parents car la lecture de résultats chiffrés doit être nuancée. Je pense, du reste, remplacer le livret complet habituellement fourni aux familles par une fiche bilan dans laquelle je mettrai une courte appréciation pour chacune de ces compétences et le calcul de la note globale figurant sur le bulletin. Le livret complet sur lequel figurent toutes les données sera imprimé et conservé dans le dossier de l’élève et pourra être consulté par l’élève ou sa famille sur simple demande orale. Cette décision se justifie par le fait que certaines personnes (élèves, parents mais aussi membres de l’institution !) se trouvent déroutées par la quantité d’informations recueillies dans le livret, qui n’ont souvent d’intérêt que pour les enseignants.

Enfin, je voudrais achever ce bilan en lançant un appel ; dans le type de travail que je mène la difficulté réside essentiellement dans la définition des compétences et dans l’élaboration des supports d’évaluation. Notons au passage que si les sujets de brevet étaient rédigés en tenant compte de compétences, on éviterait sans doute des questionnaires de lecture médiocres qui n’évaluent souvent qu’une capacité au repérage et à l’étiquetage sans recherche réelle, par l’analyse, de sens[[Veuillez me contacter à l’adresse suivante : jupani@tiscali.fr pour recevoir le fichier « brevet session 2005 ».]]. Je pense que la suite à donner serait l’élaboration d’une sorte de dictionnaire des compétences, regroupées en capacités, établi à partir d’exemples concrets de sujets de devoirs.