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Petit éloge des bordures scolaires

nipedu-logo-nouveau.jpgFace aux nouveaux environnements d’apprentissages, aux nouvelles formes de médiatisation et de médiation des connaissances, à l’heure où l’école française est avant tout l’école des bons élèves, faut-il, comme le suggère Bruno Devauchelle dans l’épisode 77 de Nipédu, « Déscolariser l’école » ? Incapables de répondre, nous invitons pour notre part le lecteur à voyager dans les bordures scolaires.

Nous appelons bordures scolaires les espaces dans lesquels la pression scolaire s’exerce moins fortement : les contraintes liées aux temps et à l’espace, aux disciplines, aux programmes et aux examens y sont atténuées.

Parmi ces bordures, les structures périphériques à la scolarité obligatoire (école maternelle, centres de formation pour apprentis, chantiers d’insertion), les filières professionnalisantes, l’enseignement spécialisé et adapté bien sûr. Bordures également, les tiers-lieux hors parcours curriculaires : clubs scientifiques ou artistiques, projets des profs-docs, fablabs et, d’une certaine manière, l’accompagnement personnalisé (AP), les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), les travaux personnels encadrés (TPE). Ajoutons les « disciplines sans cartable » que sont l’éducation artistique et l’EPS. Enfin, un enseignant dans sa classe face à un élève en grande difficulté, et vous voilà dans la centrifugeuse.

C’est bien souvent dans ces bordures que s’observent les pratiques numériques les plus significatives en termes de réponse aux besoins d’apprentissage[[Voir Franck Amadieu et André Tricot, Apprendre avec le numérique, mythes et réalités, Retz éditeur, 2014.]]. Ainsi ces élèves souffrant de troubles spécifiques des apprentissages qui utilisent les solutions embarquées du smartphone ou un portfolio numérique sur une tablette ; ces enfants d’ULIS (unité localisée pour l’inclusion scolaire) qui s’appuient sur la visiophonie pour développer leurs habiletés relationnelles et communicationnelles, ou ce groupe en établissement médicosocial qui enregistre chaque mois son podcast ; ce club d’astronomie au collège où des élèves de tous âges, experts dans l’utilisation de Stellarium[[http://www.stellarium.org/fr/]], cartographient le ciel avant leur chasse aux étoiles in situ ; ou ces professeurs documentalistes qui éduquent aux médias en faisant produire des fake news pour en observer et analyser la viralité.

D’authentiques pratiques non formelles qui combinent créativité, exigence et ambition au service des apprentissages des élèves.

« C’est le système scolaire et non ses enseignants qui est pointé du doigt à l’heure de dénoncer un modèle qui accentue les inégalités[[Louis Maurin, dans l’émission Rue des écoles sur France Culture, le 19 février 2017.]]. »

Or, on constate que dans les dispositifs nichés aux bordures du système, les praticiens disposent de davantage de latitude pour tirer tous les bénéfices de ce jeu pédagogique, au sens mécanique du terme.

L’ingénierie pédagogique y est moins bridée par la pesanteur du carcan scolaire. C’est le projet d’apprentissage de l’élève qui détermine le cadre. Dans ces bordures scolaires, on ne se contente pas d’intégrer le numérique en perpétuant, souvent sous couvert de modernité, des pratiques centripètes. Le fait numérique permet de repenser globalement le projet d’enseignement, les solutions et l’équipement, les réponses pédagogiques pour sa mise en œuvre.