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Oui au socle commun, mais avec de la formation !

Rappelons que le projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture propose d’articuler le futur socle autour de cinq piliers :
1- Les langages pour penser et communiquer
2- Les méthodes et outils pour apprendre
3-La formation de la personne et du citoyen
4-L’observation et la compréhension du monde
5-Les représentations du monde et l’activité humaine

Plusieurs modes de collectes ont été utilisés pour cette vaste consultation : des concertations dans les établissements (qui ont donné lieu à une ½ journée banalisée à cet effet), un questionnaire en ligne envoyé sur la boite mail professionnelle de tous les enseignants, des synthèses académiques rédigées par les corps d’inspections
et des comptes rendus de rencontres avec les deux principales fédérations de parents d’élèves des écoles et établissements publics. Sur plus de 800 000 mails envoyés, près de 180 000 ont obtenu réponses à « des degrés divers » au questionnaire, à égale intensité des enseignants du primaire et des professeurs de collèges. A noter qu’il n’y a pas de trace de ce qui a été discuté au sein des établissements scolaires.

Que retenir de cette masse d’informations ? Principalement quatre éléments :
-Le projet de SCCC est globalement estimé comme peu lisible par les familles et peu explicite pour les enseignants (p. 22)
-Sa mise en œuvre dans classes et établissements est jugée délicate (p. 104)
-Ce qui interroge le plus sont les modalités d’évaluations induites par le SCCC, même si la logique de bienveillance semble être appréciée (p. 16)
-Les personnels réclament fortement de la formation quant à une utilisation précise du futur socle. (p. 74)

Du côté des parents, le projet du SCCC est jugé compliqué et technique. Il ne mentionne pas la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. C’est, au fond, la notion de socle commun qui semble abstraite pour les familles. (p. 110)

Ce qui étonne dans ce rapport est d’abord l’ouverture au changement manifeste des enseignants. Rares sont ceux qui revendiquent des pédagogies nostalgiques qui ne répondraient plus aux enjeux actuels. Nombreux sont ceux qui expriment le besoin de transformer l’école en rendant plus authentiques les savoirs qui y sont transmis et plus bienveillantes les évaluations qui y sont introduites. (p. 16) Un très large consensus se dégage pour que l’évaluation permette à l’élève et à ses parents de savoir ce qu’il doit faire pour progresser, suscite l’engagement et la confiance, reconnaisse le droit à l’erreur. (p. 96) Le pilier 2 sur les méthodes et outils pour apprendre fait quasiment consensus : 83,6 % des répondants y sont favorables. (p. 20)

Mais en même temps, une large majorité d’enseignants et d’inspecteurs s’interroge sur le comment (plus dans le secondaire que dans le primaire) :
Comment concilier socle et programmes ? (p. 15, p. 109)
Comment opérationnaliser les items proposés ? (p. 109)
Comment construire des évaluations idoines ? (p. 16, p. 96)
Comment transformer ses pratiques ordinaires  d’enseignement? (p. 24)
Comment faire du SCCC un outil investi par les élèves et compris par les familles ? (p. 79)

Pour résumer, c’est d’une vaste entreprise de formation dont il est question. D’abord une formation des enseignants et des corps intermédiaires. Ensuite, une concrétisation dans les classes aboutissant à un mieux être pour les enseignants et une hausse significative de ce qu’apprennent les élèves à l’école et au collège.

Enfin, une amélioration du partenariat avec les familles, notamment par l’intermédiaire du SCCC reconnu comme un véritable trait d’union.
Cette formation à la base de toute pertinence d’une refondation du socle commun gagnerait donc à s’appuyer sur ce que propose Michel Develay dans son dernier ouvrage (2013) :
1. Un travail sur les conceptions des enseignants en matière d’enseignement, d’acte d’apprendre, de socle commun et d’évaluation… peut-être jusqu’à aboutir à des formes de déséquilibres
2. La monstration de pratiques effectives, issues de classes actuelles, au cœur d’un panel représentatif de contextes d’enseignements. Ces pratiques, présentées à titre d’exemples et non de modèles, visent à donner à voir, histoire de se figurer ce qui est possible pour savoir par où et comment essayer. Elles sont issues de données collectées par les recherches en éducation et par les mouvements pédagogiques qui produisent depuis longtemps des pratiques alternatives attendues. Elles sont médiatisées et expliquées par les formateurs.
3. La théorisation, dernier étage d’une fusée qui conduit vers la professionnalisation, c’est-à-dire un équilibre entre les codes du métier et la nécessaire autonomie dont tout enseignant doit faire preuve pour construire son ingénierie pédagogique. Une théorisation qui permet aux professionnels de densifier le vocabulaire de leur activité et de s’approprier les rouages et repères identifiés, pour mieux baliser leur projet d’enseignement.

Sylvain Connac

A noter : le Conseil supérieur des Programmes a été chargé par la Ministre de réécrire partiellement le texte du socle, avec un souci de lisibilité accrue et de clarification (par exemple mieux délimiter ce qui relève du domaine 4 et du domaine 5. Ce devrait être chose faite début janvier. Les Groupes chargés des programmes des cycles 2,3 et 4 doivent rendre également leur « copie » avant la fin janvier. Nous aurons l’occasion d’y revenir (NDLR)