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Non aux inégalités obscènes! Oui à de plus justes partages!

Non aux inégalités obscènes! Oui à de plus justes partages! Le long confinement… Et demain? a été écrit pendant le premier confinement. Il reprend trois livres précédents de l’auteur, dont Réveillons-nous ! Pour un monde plus juste rédigé avec Dominique Groux, fait écho à Indignez-vous de Stéphane Hessel. Enfin, il ancre sa double revendication sur des données scientifiques.
Pourquoi ce retour ? « Une fois encore, nous avons enregistré un succès très mitigé » (p. 50). La voie traditionnelle d’ouvrages savants ressemble de plus en plus à une impasse. Il faut chercher autre chose. Le texte court (73 pages) suit une démarche claire : « J’ai voulu cet essai, et je voudrais qu’il soit un manifeste. Je pense qu’à l’issue de cette énorme crise […] il pourrait constituer un élément de réflexion parmi d’autres, d’abord destiné à l’ensemble des citoyens, voire à interpeler le monde politique, trop souvent ancré dans ses certitudes » (p. 10).

Passant de recherches sur les inégalité entretenues et développées par l’école à celles qui se situent « au niveau de la planète« , l’auteur s’est d’abord appuyé sur le Programme des Nations Unies pour le Développement, sur l’Indice de Développement Humain (IDH) et ses trois indicateurs : le revenu national brut par habitant (RNB/hab), l’espérance de vie à la naissance, le niveau de formation des adultes et celui attendu des jeunes. Renseignés pour 182 pays, ils aboutissent à un bilan très contrasté de l’état de la planète et alimentent quelques hypothèses comme celle qui consisterait pour les 20 les plus riches à donner 1% de leur Produit Intérieur Brut aux 27 les plus pauvres, ce qui ferait passer l’écart de 1 à 100 entre eux à 1 à 50. Cette publication révèle des différences extrêmes dans des pays comme la Sierra Leone ou le Mali avec des RNB/hab compris entre 30 et 120 $ US. Gabriel Langouët fait une large place à son préfacier et aux analystes qui ont rendu compte du fait que la très grande et l’extrême pauvretés empêchent de résorber les inégalités et ne respectent pas la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
L’Union européenne (UE) fournira-t-elle un modèle applicable au monde?
Et si on osait ? donne davantage dans un optimisme mesuré et fondé sur une analyse comparative des 27 pays de l’UE en 2011 (17 en zone euro et 10 hors d’elle) et de 10 autres (groupe témoin). L’étude sous forme de déciles y révèle une assez grande uniformité avec un RNB/hab de 34 600 $US contre 47 600 pour les USA aux inégalités beaucoup plus fortes. En matière d’éducation, les écarts sont plus frappants: 91 % de scolarisation dans le supérieur en Finlande contre moins de 60 % pour le Royaune-Uni, la France et la Bulgarie, ce qui amène à réfuter la théorie du « ruissellement » car les écarts entre les déciles extrêmes vont de 1 à 14 au Royaume-Uni alors qu’ils sont bien plus faibles dans les « pays du nord » (Suède et Finlande). Dans certains pays de l’UE, on observe une « perte de développement » assez élevée, bien qu’éloignée de la moyenne mondiale (23 %) : 12 % pour la Grèce et 13 % pour la Roumanie avec une Finlande à 6 %. Autre élément discriminant, l’inégalité entre genres avec une mortalité maternelle allant de 2 à 18 ‰ en zone euro et de 5 à 27 hors de celle-ci mais atteignant 410 en Afrique du sud. « Dans l’ensemble; l’UE se portait bien mais, d’une certaine façon, aurait encore pu faire mieux, à l’image de ses États du nord » (p. 43).

Réveillons-nous ! Si certaines données pouvaient inciter à penser que Cuba est le nec plus ultra en matière de développement et de réduction des inégalités (système de santé de premier ordre et éducation vraiment pour tous), il n’en va pas de même pour le bien-être ressenti par la population et le niveau de démocratisation. Sont mobilisés alors un sondage Gallup d’autoévaluation du premier et un classement effectué par « The Economist Group » allant de la démocratie complète (Allemagne par exemple) au régime autoritaire (Russie et Cuba par exemple). La France n’est qu’une « démocratie incomplète« ! Seuls 67 % des Français sont satisfaits de leur vie et c’est moins que les Brésiliens, pourtant plus marqués par les inégalités.
L’action est possible avec une volonté politique car il existe des « exemples à suivre » comme la Norvège.

La rédaction de la dernière partie pendant le premier confinement n’a pas permis d’anticiper sur la suite. Mais les données disponibles montrent une corrélation, voire une causalité, entre situation « difficile » dans un département et ravages de l’épidémie. Il en va ainsi du « célèbre NEUF-TROIS […] Sa population, ni ses élus, en sauraient en porter la responsabilité alors qu’ils n’en sont que les victimes » (p. 61). Un changement radical de politique s’impose dans un pays qui vit « dans l’imprécision ou l’impréparation, et dans l’ignorance » (p. 62) !
À nous de penser un autre « demain » en restructurant notre système de santé calculé sur la rémunération à l’acte, en bouleversant la place faite aux « aînés » en termes d’humanité et de sûreté et enfin en accordant un soin tout particulier aux femmes et aux enfants victimes d’une maltraitance accrue.

RICHARD ETIENNE