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« Montrez-moi vos PPAP ! »

Avec les PPAP, les enseignants se demandent s’ils doivent se transformer, après les évaluations institutionnelles de CE2, 6e, en rééducateurs individuels et préparer des menus « sur mesure »… Jusqu’alors ils « signalaient » aux RASED (Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.) les élèves qui ne pouvaient pas « suivre ». Mais la nécessité de mieux prendre en charge, dans les actes quotidiens de la classe, les difficultés des élèves les plus fragiles suppose d’accompagner les enseignants pour cette nouvelle « professionnalité ».
Marcel Crahay[[M. Crahay, L’école peut-elle être juste et efficace ? De l’égalité des chances à l’égalité des acquis, Bruxelles, De Boeck, coll. Pédagogies en développement, 2000.]], analysant les évaluations internationales PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) [ < ahref="http://www.irdp.ch/ocde-pisa/" target="_blank">http://www.irdp.ch/ocde-pisa/ ]), a montré que les systèmes éducatifs qui réussissent à être « justes et efficaces », sont ceux qui acceptent les cohortes hétérogènes sans redoublement, tout en faisant une large place aux élèves « à besoins éducatifs particuliers ». C’est bien cette double exigence quelque peu paradoxale – maintenir ensemble tout en différenciant – que les enseignants doivent aujourd’hui.

Apprendre à lire les évaluations

Un des obstacles auquel on est confronté devant les résultats des évaluations est la multiplicité des points de vue possibles. Selon la capacité de l’observateur à « faire parler les chiffres », il va pouvoir (ou non) accéder à cette multiplicité de « regards ». On pourrait résumer ainsi la situation :

Ce que je regarde des évaluations… … peut me donner des indications sur… … afin de…
A. Résultats individuels d’un élève, sa réussite globale, ses manques… Le problème spécifique d’un élève : résultat globalement faible ou échec dans une compétence particulière. Mettre en place une remédiation spécifique pour un élève en difficultés graves…
B. Résultats d’une classe, sa moyenne, sa dispersion. L’écart entre les élèves, la nécessité de prendre en charge une différenciation plus ou moins forte. Mettre en place des conditions d’enseignement qui permettent de ne pas faire l’impasse sur les élèves en difficulté.
C. Ecarts entre les classes d’une même école, d’un même secteur, afin d’en voir les points communs et les variances éventuelles. D’éventuels « effets-maître », une spécificité de certains groupes d’élèves, leur passé scolaire. S’interroger sur ce qui est peut-être fait spécifiquement dans une classe et qui n’est pas fait ailleurs.
D. Item ou groupes d’items pour voir les plus échoués, les plus réussis… Les champs de compétences qui auraient besoin d’être retravaillés dans la classe. Mettre en place des programmations nécessaires, vérifier la conformité avec la prescription des programmes.

Il ne va pas de soi d’apprendre à lire les erreurs des élèves, pour identifier les obstacles à l’apprentissage et prendre la peine d’inventorier les nombreuses compétences nécessaires pour réussir un item.
De même, comment concevoir la « remédiation » ? Remédiation individuelle, prise en charge extérieure, organisation de la classe, programmation de l’enseignement pour prévenir les difficultés ? Etc. On connaît bien les limites d’un certain type de remédiation : donner plus de la même chose… Remettre une couche de lecture à un élève qui a du mal à lire ne garantit aucun effet bénéfique. Pour pouvoir y réussir, Il faut approfondir nos connaissances en didactique de la discipline (ici la maîtrise des langages), réfléchir à notre conception des mécanismes de l’apprentissage, des relations entre l’individu et le groupe, des situations de classe, de la manière de gérer l’articulation entre le simple et le complexe, l’entraînement et le culturel, etc.
Par ailleurs, il convient de prendre le temps de travailler, avec les enseignants, la manière dont ils se représentent les prescriptions institutionnelles et les programmes. Décrypter ces écrits, en mesurer l’évolution, comprendre les délicats équilibres qu’ils doivent receler, est une activité tout à fait efficace en formation. Si la DESCO savait (mais peut-être le sait-elle…) combien d’enseignants de cycle II utilisent les livrets Lire au CP lorsqu’ils programment leur fonctionnement pédagogique, elle chercherait peut-être à investir davantage dans la formation… des formateurs !
Les enseignants font reculer l’échec scolaire tous les jours, mais la « remédiation » est sans effet sur le noyau dur qui fait plafonner les résultats des évaluations nationales à 78%. Il est donc urgent de développer un encadrement de proximité qui se donnera pour objectif d’assumer la difficulté avec les enseignants, de lire avec eux la réalité de la situation, de décrypter le prescrit, d’essayer les outils, de favoriser la mutualisation et d’accompagner l’enseignement.

Patrick Picard, instituteur, coordonnateur ZEP à Auxerre (89), auteur d’ Ingénierie du conseil pédagogique, mémoire de DESS, téléchargeable à [ http://zep89.ouvaton.org/pp/DiffEvalEnseign.pdf (5,7 Mo). ].